« Mon enfance, je l'ai passée nue, entourée de corps nus. L’été, je rejoignais mon oncle et ma tante dans un petit village naturiste du sud de la France. Ce qui était un geste spontané, presque un réflexe, s'est transformée en revendication, plus tard, quand ma nudité est devenue aux yeux des Autres une transgression, une humiliation (presque chacun d’entre nous a déjà cauchemardé de se retrouver nu devant tout le monde, à l’école ou au travail), une source de fantasmes voire un délit, comme l'est la publication d'un pubis sur les réseaux sociaux. On comprenait comme de l'exhibition ce qui, le plus souvent, relève du camouflage. Le cœur du naturisme, c’est toujours la Nature. C’est elle qu’on vient rencontrer, toucher, sentir. Les pieds nus qui s’abîment sur les rochers. L’herbe jaunie qui griffe les chevilles. Le soleil brûlant qui tombe sur le nombril à midi. L’eau qui file sur les seins et suit les lignes de l’aine que le moustique viendra piquer dans la nuit. La brise du soir qui sèche les cheveux encore humides et caresse le dos. J’ai choisi, comme 2,5 millions de Français, d’adopter un mode de vie différent. Car le naturisme est aussi bien une philosophie qu’une pratique, dont la nudité n’est qu’un élément. En hiver, les naturistes s’habillent bien sûr, mais ils restent fidèles à des valeurs – l'acceptation du corps, le sens de la communauté, la frugalité, mais aussi la liberté, et avec elle, la revendication d'une contre-culture. »M.C.Dans ce récit aux accents d’invitation au voyage, Margaux Cassan nous conduit dans l’univers méconnu du naturisme. Des premières communautés libres formées par des anarchistes au début du XXème siècle aux utopies fanées des années hippies; du village familial du Vaucluse où elle a passé son enfance au libertinage de l'Île du Levant, l’autrice dresse une cartographie philosophique et historique de ce mouvement. Son témoignage, parfois documentaire, parfois journal intime, interroge ce que la nudité dit d’une société obsédée par la question du corps, mais incapable de montrer le sien. Dans un monde où le vêtement sert les intérêts de la pudibonderie comme de l’hyper-sexualisation, où il est devenu un marqueur social, qu'est-ce que la vie nue ? Une autre manière d’habiller le monde.
Je l’ai acheté il y a un an, en tant que naturiste, je ne pouvais pas passer à côté, et j’ai mis tout ce temps à l’ouvrir. Margaux Cassan raconte son enfance nue par le prisme de la philosophie, très bien documentée, elle explique les origines du naturisme. Pour moi, le naturisme, c’est Montalivet, alors quand quelqu’un raconte un autre endroit, j’ai l’impression qu’on me trompe. Pourtant, je ne peux que reconnaître les similitudes de nos vécus, sous une très jolie plume. Un bel essai pour quiconque continue de dire « nudiste » au lieu de « naturiste ». Au moins la, vous comprendrez la différence.
"[...] la plante des pieds qui s'abîme sur les rochers. L'herbe jaunie qui entaille les chevilles. Le soleil brûlant qui tombe sur le nombril à midi. Avec un peu de chance, les lézards qui chatouillent nos mollets pendant la sieste. Le soir, le vent qui sèche la moiteur du dos."
« J'aimerais raconter comment la nudité camoufle, comment l'absence de vêtement chagrine l'érotisme, comment les rapports de domination qui déterminent souvent la relation entre les hommes et les femmes s'évaporent comme par magie quand tous circulent nus. [...] En retirant mes vêtements, j'ai découvert que l'homme dans son état de nature n'était un danger pour personne. »