Un père à soi . Alban et Lydie Jessel ont tout pour être heureux : une belle complicité, une entreprise florissante, et une vie de famille épanouie. Jusqu'à ce coup de téléphone d'une jeune inconnue, un soir, qui désire exécuter la dernière volonté d'une certaine Michelle : transmettre à Alban que, sa vie durant, Michelle n'a jamais aimé que lui. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Alban n'a aucun souvenir de la moindre Michelle. Quoique... Peu à peu, presque malgré lui, il se remémore ce bref épisode amoureux de sa jeunesse qu'il pensait avoir oublié, et dont les conséquences sur sa vie, sa famille et son étrange messagère vont remettre en question tout ce qu'il a, croyait-il, construit de plus solide.
Alban Jessel a le profil de l'homme heureux. Marié à Lydie depuis plus de vingt ans, deux enfants, Sarah et Axel, une entreprise paysagiste prospère. Tout semble lui sourire jusqu'à un coup de fil étrange un vendredi soir, juste avant la fermeture de l'entreprise.
Une jeune femme,Virginie, veut le rencontrer, c'est privé lui dit-elle. Cela concerne une certaine Michelle Nihoul ! Intrigué Alban accepte. Le nom de cette femme ne lui dit rien et sans savoir pourquoi, il tait ce fait et ne dit rien à son épouse. Il lui prétend qu'il s'agit d'une future cliente.
Mais pourquoi agit-il ainsi alors qu'il partage tout avec Lydie ! L'être humain est parfois étrange...
Ce coup de fil va faire basculer son existence, lui faire prendre un autre chemin. Alban est pourtant un homme sans histoire, mais quoi qu'il fasse, impossible de remonter en arrière sans dommage, c'est étrange la vie!
La jeune fille lui transmet un message de Michelle décédée d'un cancer, celle-ci voulait qu'il sache qu'elle n'a aimé que lui toute sa vie ... Pourquoi cette révélation ? Mais qui est cette Michelle ? Il se remémore alors un bref amour de jeunesse qu'il pensait avoir oublié et qui va modifier le cours de sa vie.
Avec beaucoup de finesse et une écriture riche, Armel Job nous emmène aux tréfonds de l'âme humaine. Il nous parle de nos failles, de nos réactions parfois intuitives qui peuvent changer le cours d'une vie. On réagit souvent sans penser aux conséquences et revenir en arrière, essayer de réparer amène parfois plus de dégâts encore.
Alban et Virginie nous racontent leur histoire, ils se confessent à nous, s'expliquent, donnent leur point de vue, leurs raisons, ils aménagent leur vérité.
Ce roman nous parle des "mensonges" ou plus exactement "des faux-semblants" , des "non-dits", de l'envie de réparation, de ses conséquences sur la vie.
Armel Job a le pouvoir dès les premières lignes de capter notre attention, c'est un fabuleux raconteur d'histoire, impossible de lâcher ce roman. C'est une ambiance un peu à la Simenon dans l'introspection des personnages.
Cerise sur le gâteau, cela se passe à Liège, à la Batte, son marché dominical, on retrouve comme toujours son pays la Belgique en trame de fond avec des références à nos bons produits le chocolat "Galler", la "Lupullus". Il agrémente son récit de l'une ou l'autre expression wallonne marquant ainsi sa Belgitude.
C'est très réaliste, la vie quoi !
Ma note : gros coup de ♥
Les jolies phrases
La mort du couple, tout le monde le sait, c'est le silence.
Le travail des mains, c'est le seul vrai travail.
On change souvent dans une vie et, le plus souvent, pas vraiment pour un mieux. L'âme se déglingue autant que le corps.
Forcément on s'interroge sur le chemin qu'on a laissé derrière soi.
Les gens remarquables, en effet, ont à coeur de ne pas se faire remarquer.
C'est bête l'amour, quand il se présente tout seul, on n'en veut pas. Faut attendre que ceux qui nous aimaient soient de l'autre côté pour qu'on comprenne.
Mais ne t'enterre pas dans le passé, ça ne sert à rien. Il faut aller de l'avant, on n'a pas le choix.
Il ne s'agit pas de leur mentir. Tu n'en parles pas, c'est tout. On a tous des choses que l'on garde pour soi.
On croit avoir bâti une relation sur le roc, que rien ne pourra l'ébranler. Faut-il qu'on soit aveugle ! Il suffit d'une secousse pour que la belle construction se lézarde et peut-être qu'elle s'écroule.
Mais le véritable amour, c'est quand tu es prêt à tout lâcher, à tout bazarder pour la personne que tu aimes. Le reste, c'est ... comment dire ... une sorte de plagiat.
Mais le respect de soi est-il suffisant ? Peut-on vivre sans celui des autres?
Lorsque nous rentrons d'une balade en forêt, nous avons sans le savoir dérangé et écrasé des centaines de vies minuscules sous les feuilles du sentier. Dans la vie, c'est pareil. Ce que retrouvent nos traces, nous l'ignorons. Le jour où, par hasard, un dégât nous revient que nous avons provoqué, nous sommes tentés de rebrousser chemin pour réparer. Le problème, c'est que marcher vers l'arrière cause autant de dommages que de marcher vers l'avant.
Virginie faisait partie des gens qui déclinent leur métier comme on avoue une faute. Les étiquettes pédantes genre "technicienne de surface", "hôtesse de caisse" dont on affuble leur travail, au lieu de les relever, ne font que les abaisser plus encore, puisqu'il semble honteux de désigner leur tâche par son nom.
Avant Carol, j'étais comme un chicon en somme, une racine à laquelle on avait coupé les feuilles. Carol m'avait pris en main, elle m'avait apprêté pour une nouvelle vie, puis elle m'avait quitté, comme on laisse le chicon sous la bâche. Un bourgeon cependant pousse dans l'obscurité, il lève, il est bientôt prêt. Lydie avait soulevé la bâche. Elle n'avait plus qu'à me cueillir.
Quand on ment, on se croit toujours obligé d'ajouter des explications pour faire vrai, dont le résultat le plus sûr est de faire faux.
Nous restions au bord de l'amour, comme des baigneurs frileux assis sur la berge, les pieds nus dans le courant, qui s'éclaboussent en riant, mais qui ne se résolvent pas à se lancer dans la rivière.
Ceux qui se sentent condamnés ne peuvent plus penser à l'avenir, ils vivent seulement dans le passé qui va bientôt les engloutir.
L'amour est un sentiment à la fois le plus altruiste et le plus égoïste qui soit. On se saignerait pour l'être aimé, mais pas question qu'un intrus s'avise de l'aimer lui aussi.
Quand les enfants deviennent adultes, on dirait que le temps tue l'être délicat qu'ils ont été, qui nous procurait tant de joie. A la place, il ne reste que des étrangers.
Le mensonge est un engrenage. Il y va posément, de concession en concession. Aucune n'est décisive. Cependant les cliquets s'abattent sur la roue crantée. Impossible de revenir en arrière. Ou, si l'on veut, c'est comme si le vrai et le faux étaient sur une balance. Au début, le plateau du faux est vide. On n'y place d'abord que d'insignifiants ingrédients, qui ne font pas le poids. Jusqu'au jour où un dernier, minuscule pourtant, fait basculer le plateau de la vérité. J'ai lu que la pièce à laquelle sont suspendues les plateaux s'appelle le fléau. C'est bien trouvé.
Avoir un secret, me disait-elle, c'est le bien le plus précieux que tu puisses posséder. C'est comme si tu avais un trésor en toi, que personne ne saurait t'enlever. Quand tu n'es pas bien, tu peux toujours y penser, il te console. Tu as un soleil dans ton âme.
Un enfant qui s'interpose entre ses parents quand ils ont un différend sait très bien qu'il met la main entre l'écorce et l'arbre. Ça peut lui faire plus mal à lui qu'à eux.
La mort est facile, l'existence est difficile.
La vie des morts ne leur appartient plus, elle appartient aux vivants.
Notre amour avait perdu des plumes, mais ce plumage était-il autre chose que la parure du couple idéal, qui s'imagine au-dessus du lot commun fait de hauts et de bas.
J’ai été happée par l’histoire, surprise parfois et touchée souvent .. une écriture fluide, une histoire compliquée racontée avec la simplicité de l’instinct.. J’ai beaucoup aimé .. A découvrir
Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu Armel Job et c’est toujours un plaisir de se laisser bercer par un auteur belge, explorant nos contrées locales. Dans ce roman, Alban est un père de famille, entrepreneur, mari heureux, bref un homme accompli dont l’existence est paisible et agréable. Jusqu’au jour du fameux coup de fil. Une jeune femme, dénommée Virginie, lui remémore ce qui, pour Alban, n’était qu’une passade amoureuse mais ne l’était pas pour Michelle. Décédée récemment, cette dernière aurait mandaté Virginie pour transmettre à Alban l’amour qu’elle a nourri pour lui toutes ces années. Et d’autres secrets dont le poids va considérablement mettre en péril l’existence paisible de ce quinquagénaire.
Ce qui m’a particulièrement plu dans cette histoire tourne autour du suspense qui se dégage suite à la mort de Michelle. C’est d’ailleurs ce qui tient le lecteur en haleine. Les rebondissements ne manquent pas de crédibilité et s’imbriquent avec intelligence. Cependant, j’ai été relativement déçue par les personnages principaux, dont celui d’Alban, son épouse et Virginie, qui m’ont paru plutôt austères. La plume pourtant sensible et aiguisée d’Armel Job ne m’a pas suffisamment touchée. L’histoire en elle-même n’aurait pas souffert d’un allègement de quelques chapitres.
C’est donc mitigée que je finis cette lecture et un peu perplexe : qu’a voulu transmettre l’auteur ? Peut-être suis-je passée à côté du message ? Mes attentes étaient-elles trop élevées ? En revanche, je me réjouis toujours du style d’Armel Job : soigné, délicat, sensible, véridique, sans tabou. C’est aussi avec beaucoup de joie que je me promène dans mon pays lorsque j’ai rendez-vous avec lui et quoi de plus agréable qu’une balade dans la région de Liège en passant par Colfontaine et d’autres contrées belges ?
En somme, « Un père à soi » n’est clairement pas un mauvais roman, loin de là. Il ne m’a pas touchée comme je m’y attendais, mes espoirs étant potentiellement disproportionnés et je me prépare à entamer la lecture d’une autre de ses oeuvres très prochainement.
« Lorsque nous rentrons d’une balade en forêt, nous avons sans le savoir dérangé et écrasé des centaines de vies minuscules sous les feuilles du sentier. Dans la vie, c’est pareil. Ce que recouvrent nos traces, nous l’ignorons. Le jour où, par hasard, un dégât nous revient que nous avons provoqué, nous sommes tentés de rebrousser chemin pour réparer. Le problème, c’est que marcher vers l’arrière cause autant de dommages que de marcher vers l’avant. » ****
Alban Jessel mène une vie bien rangée dans la région liégeoise : une épouse, Lydie, deux grands enfants, une entreprise paysagiste. Rien ne vient troubler cette existence ordinaire jusqu’au coup de téléphone d’une jeune femme, Virginie : elle a un message à lui transmettre. Virginie travaille dans un hôpital et elle y a passé beaucoup de temps avec une patiente en phase terminale, Michelle, qui avait pour dernière volonté la transmission d’un tendre message à Alban : elle n’avait jamais aimé que lui. Alban est d’autant plus troublé qu’il n’a aucun souvenir d’une relation avec cette Michelle. A moins que…
Je n’en dis pas plus sur l’intrigue au risque de spoiler mais « Un père à soi » est un roman très prenant dans lequel les rebondissements se succèdent. Entre mensonges et faux-semblants, l’auteur y dissèque, dans la langue riche et élégante qui caractérise ses œuvres, les failles de l’âme humaine, la remise en question des certitudes, le désir de réparation, les manques affectifs, les bouleversements qui viennent faire irruption dans nos vies de manière inopinée. J’ai particulièrement aimé la tendresse douce-amère qui s’en dégage, surtout vers la fin, à l’image de ce « temps d’automne doux et fragile, empreint d’une certaine nostalgie qui doit plaire aux résidents des cimetières ».
Un roman tout en finesse, dans la lignée des œuvres précédentes de cet excellent auteur, et que je vous recommande.