Les assassinats d’enfants sont déclarés Fléau National.
« Désormais, les individus ayant commis ces crimes abjects seront condamnés à reconstituer scientifiquement et en temps réel, l’avenir avorté de leur victime, dans le but d’alléger la douleur des familles en leur offrant un prolongement virtuel de la vie de leur enfant. Parce que nous courons tous le risque d’avoir un enfant, un neveu, une filleule assassinés, ce risque sera mutualisé entre tous les citoyens. Tout sera mis en œuvre pour que ces enfants objets de ces expérimentations soient désormais considérés comme vivants et membres à part entière de la société. » Ce qui vous est arrivé n’est pas juste. Ça n’aurait pas dû arriver. Ça ne devrait jamais arriver. Par conséquent la société vous autorise à considérer que ce n’est pas arrivé. Tel est le Programme Lazare, en toute simplicité.
Un tout premier roman féroce, intense et brillant qui interroge notre rapport au deuil et au déni, et jette une lumière crue sur les conséquences de l’aveuglement volontaire de toute une société. Fascinant par sa profondeur psychologique et son écriture, autant que par son humour grinçant, il porte le fer – et la plume – dans nos âmes, nos tripes et nos consciences pour questionner nos propres frontières. Inoubliable.
Je ne sais pas quoi penser de ce roman honnêtement. C'est un de ces romans que vous lisez, mais il est tellement bizarre que vous avez l'impression de voir l'intrigue défiler de très loin, sans réussir parfaitement à rentrer dedans. C'est un sentiment étrange, et ici, il est totalement voulu.
Nous nous trouvons dans une dystopie par l'absurde. L'idée de base est intéressante : lorsqu'une personne tue un enfant, cette personne doit remplacer l'enfant auprès de sa famille pour qu'elle ne ressente pas sa disparition, agir comme s'il était encore là, sans être là. Tout se base sur la volonté de voir des signes placés par l'équipe du programme Lazare et des papiers qui imaginent la vie de leur enfant, jour après jour, année après année, et cela pendant les plus de vingt ans que dure le récit. L'idée de base est déjà très morbide, mais elle l'est volontairement : notre fascination pour le sujet fait que l'on a envie d'en savoir plus, et c'est exactement ce que recherche l'auteur. Il veut nous tromper, nous encourager à plonger dans l'histoire jusqu'à ne plus être capable d'en sortir et d'assister, impuissant et avec les parents de la petite Marjorie, personnage principale du roman, à une descente progressive aux enfers, entre perte de santé mentale, règles de plus en plus absurdes et oppressantes, et obligations pour ceux qui entrent dans la vie de Marjorie de jouer le jeu, parfois contre leur gré, sous peine d'aller en prison. On en arrive même au point où l'assassin se fait de plus en plus une place dans cette famille, au point de l'éclipser et de faire oublier qu'il est celui, en premier lieu, qui les a mis dans cette situation.
Le style littéraire est très étrange, oppressant, malaisant. On ressent du dégoût pour ce qu'on lit autant que cette fascination morbide qui nous pousse à aller toujours plus loin dans l'horreur, juste pour voir ce qui peut arriver. Ce qui va arriver. Plus on avance dans l'histoire, pire c'est. Si vous n'êtes pas complètement outrés à la fin de ce livre, si vous n'avez pas envie de le rejeter, c'est que l'auteur n'a pas réussi à vous toucher comme il le devrait. Je trouve donc parfaitement normal que des gens abandonnent le livre en cours de route, et je pense d'ailleurs que ça aussi, c'était voulu par l'auteur. J'ai mis énormément de temps à finir ce livre, parce que plus on avance, plus il devient oppressant.
Toutefois, le roman n'est pas exempt de défauts. Le style est difficilement accessible, parfois très lourd sans que ça ne soit vraiment justifié. Le livre souffre aussi de beaucoup de longueurs. Certains chapitres auraient pu être coupés pour aller plus à l'essentiel, je pense qu'on aurait pu gagner 50 ou 100 pages comme ça honnêtement. Parfois j'avoue avoir passé quelques chapitres purement philosophiques qui ne concernent pas Marjorie, sans que ça n'entrave le bon fonctionnement de l'histoire. C'est un livre qui veut trop dire, et ça se ressent notamment vers le milieu de la lecture, où on aborde trop de sujets différents au point de s'y perdre un peu.
J'ai passé malgré tout un bon moment de lecture, très étrange et bizarre, mais incroyablement riche dans sa créativité et sa construction. C'est un roman qui prend des risques, limite expérimental, et j'ai été très surprise que ça se retrouve chez Hachette honnêtement. Ça m'a rendu très curieuse de découvrir les autres romans de la collection !
Je pense que c'est un de ces livres qu'il faut lire par soi-même pour se faire son idée dessus, c'est difficile de le décrire quand nous même on ne sait pas trop ce que l'on vient de lire. Si vous aimez les OVNIS littéraires, c'est clairement pour vous !
Obliger les assassins d'enfants à consacrer leur vie à rendre compte de la vie reconstituée de leur victime, il fallait y penser! J'aime beaucoup les dystopies, de Philip K Dick à Huxley, aussi je trouve que l'auteur a rendu très crédible ce "système" angélique, plein de bonnes intentions, qui s'avère monstrueux à plus d'un niveau.
L'histoire est prenante et bien construite dans l'ensemble. C'est appréciable qu'on puisse se plonger dans les différentes strates du récit, que ce soit les prémices de la loi Lazare, l'histoire de Marjorie et de ses parents ainsi que l'envers du décor au sein du monastère des prédateurs ou aux côtés des employés du Programme. Les assassins d'enfants, les parents de Marjorie et les politiques sont finalement un peu renvoyés dos à dos. On ne sait plus très bien où on en est après ce livre, tant il brouille notre perception sur la frontière entre bien et mal ; du coup le récit contraint le lecteur à regarder en lui, ce qui nous emporte plus loin que de la simple littérature.
D'ailleurs, quand on réalise peu à peu qu'on lit une satire, on rit beaucoup, ce qui, loin d'être évident avec un tel sujet, donne rapidement une sensation de plaisir coupable... le compte-rendu des débats à l'assemblée nationale est très drôle et actuel... la « plaquette éducative » de l'éducation nationale fait davantage grincer des dents.... Certains passages frôlent le burlesque... mention spéciale pour Romain, l'ado qui refuse de sortir avec la jeune fille morte et imagine des stratagèmes insensés pour s'en débarrasser! Tout cela aère le malaise que nous cause le sujet. A noter d'ailleurs quelques passages difficiles à supporter, même s'il s'agit plus de violence psychologique que graphique.
Le style, enfin, peut dérouter au début, mais en réalité il en co-existe plusieurs: le style du narrateur principal, qui nous embarque dès qu'on s'est saisi de sa personnalité (assassin abominable mais touchant à force de folie repentante et de philosophie pince-sans-rire) ; le style du narrateur omniscient, qui varie selon le personnage que l'on suit ; le style pastiche des documents annexes à la narration enfin.
Bref, un OVNI français comme on n'en a pas vu depuis, au hasard, L'effrayable de Andreas Becker ou une vieille histoire de Jonathan Littel. En plus simple à lire tout de même, même si j'ai trouvé l'ensemble un peu long.
Du coup, bizarre qu'on trouve ce livre en rayon SF... Il ressort davantage à mon avis de ce genre de littérature générale un peu tordue, en tous cas délectable.
<< Parents, souvenez-vous que vos enfants ne << jouent >> pas >>
La dernière masse critique @babelio m'aura permis de découvrir ce magnifique roman publié chez @hachetteheroes et écrit par @. Merci à eux.
Que ferions-nous si notre enfant venait à mourir ? Là, maintenant ? Pleurer, crier, s'insurger contre la cause, vouloir rejoindre cet enfant chéri.. Tant de possibilités... Mais dans ce roman l'auteur propose une possibilité bien plus étrange.
Et si le meurtrier de notre enfant au lieu de faire de la prison devait rentrer en communion avec l'enfant et imaginer son avenir ? Si la société entière faisait comme si les enfants existaient toujours. En créant des situations, des relations avec des vivants... Une idée saugrenue, pas vrai ?
Entre dégoût et fascination, nous lecteurs ne sommes pas laissés pour compte dans ce programme fantasque et terrible.
Connaissez-vous Saint Lazare ? Je ne parle pas de la gare (bien qu'elle soit nommée d'après lui), mais Lazare celui qui a été ressuscité par Jésus. Là vous vous demandez sûrement '' est-ce un livre sur la religion ? ''. C'est beaucoup plus complexe que ça.
On y parle de la mort donc forcément la religion n'est jamais loin. Et si une société décidait de faire vivre les morts à travers des vivants de cette manière... Aussi poussée.. Imaginons les excès, les problématiques, les limites.
Ce roman nous pose tout ça, nous pousse dans nos retranchements. J'ai eu besoin de longues journées de réflexion pour écrire cette chronique. Je ne savais pas si jamais aimé ou non... Je peux à présent me positionner : je l'ai aimé autant que je l'ai détesté.
Il joue sur mes peurs de parent, imaginer perdre mon enfant est atroce... Et sur ma faiblesse humaine qui tendrait vers sa résurrection par tous les moyens. Les personnages rendent l'atmosphère encore plus lourde, ils sont dans la souffrance, dans la recherche fanatique ou encore dans la folie. Personne n'est sain d'esprit et à un stade les prisonniers sont peut être les plus raisonnés.
Je conseille absolument ce roman, en ayant le cœur accroché et les idées bien en place. Il y a des scènes qui rentrent totalement sous un TW pour la violence physique que l'on entraperçoit et mentale que l'on suit tout au long du texte.
Je me permet de finir en soulignant la magnificence de cette collection. Honnêtement elle est vraiment de qualité j'ai envie de tous les avoir !
<< Bataille disait : sans le Mal, la création devient très vite ennuyeuse . Vous auriez du plaisir à gérer vos enfants si tout allait bien dans leur vie ? >>
Un libre réellement fascinant, non seulement parce qu'il va au bout de sa démarche mais aussi parce qu'il force le lecteur à regarder en lui. Il y a un odeur de liberté dans ce récit: liberté de ton, liberté d'opinion, liberté de style. Tout cette histoire bâtit un univers et une logique psychologique, déroule des fils, nous lance sur des pistes de réflexion et de rapport au monde que nous n'aurions jamais imaginé, et c'est la raison d'être de la littérature. Se peut-il qu'un assassin d'enfant développe post-mortem avec sa victime des liens plus forts que ses parents? est-il positif que la dévotion d'une vie envers une personne , ce qu'on appelle l'amour fou, soit au final négatif? Marjorie est placée au centre d'une cartographie amoureuse qui va se révéler implacable et destructrice: l'amour des parents, l'amour du tueur, l'amour des tiers, tout cela flatté par l'Etat et les technologies dans un but de mieux social, tout cela pour tourner finalement à la mort à la déraison, à un immense gâchis. L'enfer est pavé de bonnes intentions: comme toutes les utopies dystopiques, ce roman le démontre avec une force qui, à la sortie du dernier chapitre, laisse totalement lessivés. Il faut laisser faire la nature, sachons reconnaitre qu'il y a des forces qui nous dépassent: à l'heure où l'homme trente d'effacer le biologique par le culturel, "le programme Lazare" nous propose une attitude philosophique nécessaire.
Un livre à éviter à tout prix. Je l'ai acheté en étant intéressée par la dimension psychologique du livre, surtout du point de vue des parents. Je ne m'attendais pas à lire des passages du point de vue des assassins/agresseurs, des points de vue que je trouve particulièrement dérangeants. Je ne suis pas choquée facilement et pourtant ce fut le cas lors de ma lecture de certains extraits, ce qui m'a poussé à sauter les chapitres délivrés du pdv des agresseurs. Bref, je recommande d'éviter ce livre plutôt que de consacrer du temps à quelque chose d'aussi malsain.