Cet essai entend jeter un regard contemporain sur un phénomène de plus en plus profus et sauvage : les prix littéraires. A priori, l’idée même de ces prix offusque la raison. Elle rappelle les mauvais souvenirs normatifs de sélection à l’école; elle établit une compétition de tous contre tous; elle financiarise et hiérarchise ce qui devrait être la liberté criarde de créer en sautant hors du rang. Pourtant, l’invention des frères Goncourt d’un prix non-académique, décerné depuis 1903 au meilleur roman de l’année par un cénacle d’hommes de lettres, s’est non seulement pérennisée mais a servi de modèle, en France comme à l’étranger, pour de nombreuses récompenses du même type. On compte maintenant entre 2000 et 5000 prix dans notre pays, distribués par des jurys qui se révèlent de plus en plus éloignés du fait littéraire. Dans une moindre mesure la même prolifération s’observe à l’étranger. Tout au long du vingtième siècle, ces récompenses qui constituent essentiellement un mode parallèle de financement de la littérature, n’ont cessé d’être vilipendées par nombre d’écrivains et de critiques qui les ont entre autres accusées, non sans quelque motif valable, d’opacité et de corruption. Peine perdue. En 120 ans, les prix littéraires ont réussi à structurer la littérature au risque de la gadgétiser.
Arnaud Viviant dresse un historique des prix littéraires en France (mais n'oublie pas l'international!). Avec la verve et les formules qu'on lui connaît, il décrit un système effrayant et au final bien triste pour ce qui est supposé être l'élite intellectuelle, la fameuse république des lettres. D'autant qu'il fait parti de deux jurys et ne s'épargne pas ni se dédouane.
La réflexion ne s'arrête évidemment pas aux simples prix mais au vote, à la démocratie, à l'ensemble de ce que signifie un prix en littérature. La fin est glaçante.
J'ai lu pas mal de livres au sujet des prix littéraires, et je pensais que je savais tout, mais j'avais tort. Cet essai est intéressant et bien écrit, mais comme Viviant siégeait sur les jurys de deux prix littéraires, je voulais savoir un peu plus de son perspective sur les prix et comment ils fonctionnent (surtout parce que je ne suis pas vraiment les prix Décembre et Flore). Mais l'histoire de Christine Chaufour-Verheyen, je savais pas du tout, et elle m'a vraiment bouleversée.