La sonnette retentit. Je sursaute, mon bébé dans les bras. Je ne comprends pas, j'ai pris soin de ne pas donner ma nouvelle adresse. Seuls quelques amis sont au courant. À chaque visite impromptue, j'ai beau me raisonner, une profonde angoisse m'étreint. Pourtant, ce mercredi matin, avec mes trois enfants, la journée a débuté sereinement. La sonnerie se fait à nouveau entendre, insistante. Je pose ma fille dans son lit, elle pleure aussitôt. Je traverse la chambre de mon fils et regarde par la fenêtre. Je les vois immédiatement. Je reconnais leur uniforme bleu marine. Mes jambes flageolent. [...] Le manteau noir, ce lourd et grand manteau noir de mon enfance... Ça recommence. »
Les relations de famille, ce n’est jamais simple. Et il suffit parfois d’un seul membre pour que le verni craque, à juste titre.
Dans la famille de Lucie, elle est le mouton noir dès l’âge de 6 ans : sa mère ne veut plus la voir à table ni dans la maison (Lucie est cantonnée dans sa chambre), son père exige d’elle et de sa petite sœur des tâches ménagères et agricoles qui ne sont pas de leur âge.
Lucie raconte petit à petit le calvaire de son enfance et comment elle a pu faire des études malgré ses parents, se marier, avoir des enfants.
Jusqu’à ce qu’un procès vienne troubler l’harmonie si chèrement conquise : les parents de Lucie exigent de voir leurs petits-enfants.
J’ai suivi avec colère le quotidien de Lucie, les brimades tant physiques que psychologiques de la part de ses parents, mais aussi, dans une moindre mesure, de ses petits frères et sœurs.
J’ai détesté son grand-frère Sylvain, le « petit-roi » de la maison.
J’ai eu de la peine pour Estelle, sa jeune sœur qui, si elle ne subit pas de brimades continuelles, n’est pas arrivée à partir de la maison de ses parents, y laissant ses santés physiques et morales.
J’ai été étonnée des manifestations de générosités que Lucie reçoit, adulte, quand elle parle de ses problèmes : un monde si bienveillant m’a parfois fait tiquer.
J’ai eu de la peine pour cette jeune fille qui ne reçoit rien des aides publiques (ses parents les gardent pour eux) et qui doit se débrouiller seule pour faire des études.
J’ai été admirative devant l’acharnement du père pour obtenir ce qu’il veut, jouant de tous les subterfuges jusqu’à la violence.
J’ai aimé comprendre, au détour d’une phrase, pourquoi la mère avait ce comportement violent envers sa fille.
J’ai aimé que l’autrice montre que pour cette famille, les photos étaient belles, mais l’envers du décor sordide.
L’image que je retiendrai :
Celle de la chambre de Lucie dont le mur brut part en lambeaux. Dans la maison des parents, seuls le salon, la cuisine et la chambre du fils sont fait à neuf.
On ne peut rester insensible à la lecture de ce livre. Dès les premières lignes, on comprend que le personnage principal est assigné en justice par ses parents. On va donc suivre la vie de Lucie, son enfance, son adolescence et son combat afin de protéger ses enfants. Le récit oscille entre moments passés et présents, ce qui donne un rythme à la lecture. C'est une lecture poignante et nécessaire.
Histoire très sombre mais véridique (j'ai eu l'occasion de rencontrer l'auteure avant que son livre sorte ; elle m'a dit que tout était vrai). Pour quelqu'un qui ne sait pas que tout est vrai le regard peut être bien différent et je le comprends tout à fait. Je me demande si cette histoire n'est pas autobiographique.