Un jeune professeur hanté par Aleph zéro, cet être mathématique désespérément intact quels que soient les éléments qu'on lui soustraie, s'abandonne à l'effroyable conscience du vide et de l'inanité de toute chose. S'il séduit nombre de filles et couche avec elles, c'est sans l'avoir prémédité, et quand il les abandonne ou se laisse abandonner, c'est avec la même passivité. Rien ne semble le tirer de sa léthargie ontologique, ni l'alcool ni le sexe, ni les coups qu'il prend quand il a abusé de l'un ou de l'autre. Quand il est assis en face de son amie Anna, quand elle pose ses mains sur les siennes, alors la vie pourrait avoir un sens, une saveur, une couleur - mais il n'aime pas Anna. Bien sûr qu'il ne l'aime pas. Si les mathématiques proposent des règles pour expliquer le monde, quelles lois immanentes régissent les passions humaines ? Jouant de la mystérieuse poésie qui irrigue parfois la langue scientifique, Jérôme Ferrari interroge la vérité pure des sentiments quand la réalité physique de l'univers est si mouvante et le désir si poisseusement tangible. Car la théorie quantique est certes vertigineuse, mais l'amour est plus effrayant encore...
Jérôme Ferrari is a French writer and translator born in 1968 in Paris. He won the 2012 Prix Goncourt for his novel Le Sermon sur la chute de Rome ("The Sermon on the Fall of Rome").
Ferrari has lived in Corsica and taught philosophy at the lycée international Alexandre-Dumas in Algiers for several years, then at the Lycée Fesch of Ajaccio. Currently, he is professor of philosophy at the French School of Abu Dhabi.
One work has been translated into English, Where I Left My Soul (2012), it "is set in the mid-1950s during the Algerian war, looking backwards to the second world war and the French defeat in Indochina, and forwards to the collapse in 1958 of the Fourth Republic.
Ayant comme tout le monde découvert Jérôme Ferrari avec "Le Sermon sur la chute de Rome", c'est avec curiosité que je me suis penché sur son premier roman. Sur le fond, il est assez dévastateur. Le narrateur d'un peu plus de la moitié du livre est un jeune professeur de philosophie établi en Corse (on se gardera d'y voir un personnage autobiographique) dont la vie sentimentale et le taux d'alcoolémie partent en vrille, et qui s'explique tout ça par des références assez sophistiques à la physique quantique (du fait que, selon Wigner, la conscience de l'observateur est un des paramètres de l'état du monde, qui autrement admet tous les possibles simultanément, le narrateur déduit que sa propre conscience admet tous les possibles, donc qu'il est à la fois présent et absent à sa propre existence). Le récit adopte parfois les points de vue d'autres personnages, notamment pour révéler ce que le narrateur ignore, mais l'ensemble n'en est que plus empreint d'un sentiment d'incommunicabilité qui vient s'ajouter au marasme. Il y a des embardées stylistiques dans l'écriture de Jérôme Ferrari, et parfois peut-être de la complaisance dans le récit du narrateur à qui je mettrais volontiers deux claques (mais il faut dire qu'il est venu aigrir mes propres humeurs noires) : l'écrivain se cherche ; mais déjà on sent qu'il en a sous le capot.
Lu en moins d'une journée. Peut-être que le roman est court, sûrement aussi touche-t-il à quelque chose de sensible et contient en lui des problèmes très contemporains : l'insatisfaction, l'ennui, l'incapacité à aimer.