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400 pages, Hardcover
First published January 1, 2004
Simon s'ennuyait à mort. Il était enfermé dans un ennui atroce, collant, un ennui absolu. On le tenait sous un couvercle plombé. Ce n'était pas seulement ce que disait ce patient, Edouard, qu'il était en train d'écouter, c'était aussi le ton. Monocorde. Plat, tout plat. Edouard racontait sa journée, c'est peu dire dans tous les détails. Il racontait tout, comment il s'était réveillé, ce qu'il avait mangé au petit déjeuner, comment il avait choisi ses vêtements, sa cravate, le chemin qu'il avait pris pour venir. Il racontait tout, de ce ton monocorde, plat, tous les mots pareils, rien accentué, rien marqué, à croire que ça aurait été interdit de faire des différences. Un enfant débile. Au secours, s'entendit penser Simon, si violemment qu'il eut peur une fraction de seconde de l'avoir dit à voix haute. Mais c'était bien ça. Ce type était d'un ennui mortel.(Le Psychanalyste, L. Kaplan)
Bien sûr il continuait.
Ça pouvait durer longtemps. Simon soupira.
Il laissa échapper ce soupir. Aussitôt il se dit, Aïe, il va me demander, très content, s'il m'ennuie, Et si je vous ennuie, je peux arrêter, je sais bien que je vous ennuie, j'ennuie tout le monde, d'ailleurs c'est pour ça que je viens vous voir, alors vous n'avez qu'à tenir bon, et je vous paie pour ça, non. Et ça va durer.
Simon avait ces pensées. Mais Edouard ne dit rien de tout ça. D'ailleurs il ne dit rien. Si bien qu'au bout d'un moment assez long. Simon dit, Oui?
Je pense à ma mère, soupira le patient. Vous avez soupiré exactement comme elle.
Il soupira à nouveau et parla comme il n'avait jamais parlé.