La violence policière n’a rien d’accidentel, elle est rationnellement produite et régulée par le dispositif étatique. La théorie et les pratiques de la police française sont profondément enracinées dans le système colonial : on verra dans ce livre qu’entre les brigades nord-africaines dans les bidonvilles de l’entre-deux-guerres et les brigades anti-criminalité (les BAC) dans les « cités » actuelles, une même mécanique se reproduit en se restructurant. Il s’agit toujours de maintenir l’ordre chez les colonisés de l’intérieur, de contenir les territoires du socio-apartheid. Le développement des armes « non létales » – Flash Ball, Taser... – propulse aussi une véritable industrie privée de la coercition. Rigouste montre comment l’expansion du marché international de la violence encadre la diffusion des doctrines de la contre-insurrection et permet de les appliquer à l’intérieur des métropoles impériales. Cette enquête, fondée sur l’observation des techniques et des pratiques d’encadrement et de ségrégation depuis ceux qui les subissent et les combattent, montre comment est assurée la domination policière des indésirables, des misérables et des insoumis en France.
Un texte qui jette une lumière indispensable sur les mécanismes systémiques derrière les violences policières, même s'il manque parfois de rigueur dans sa structure ou dans l'administration de la preuve.
Je pense que je n'étais pas le bon public pour ce livre, plutôt destiné à des lecteurices néophytes (ou non historien-nes de formation). Les arguments avancés sont convaincants, mais j'ai trouvé que le propos perdait de sa clarté par l'accumulation d'exemples peu développés. Une analyse plus détaillée et rigoureuse aurait permis de donner bien plus de force à l'argumentation.
Un livre vraiment excellent qui fait une analyse limpide et impressionnante de la police française, de son apport fondamental à la ségrégation socioraciste au sein de la métropole (et au delà), et de tout l’univers – politique, industriel, médiatique – qui structure, légitime et développe cet organe de domination. J’ai beaucoup apprécié la méthodologie qui va puiser dans des sources très diverses: archives institutionnelles, récits de policiers, blogs, magazines professionnels, archives citoyennes, témoignages de militants et d’habitants, expériences personnelles… Le résultat est une analyse rigoureuse, riche et ancrée dans la réalité, loin de la propagande cynique qui domine le discours sur la police en France. (Je recommande l’édition augmentée, sortie fin 2021, qui fait un résumé clair et essentiel de la dernière décennie)
Très intéressant et de nombreuses informations. Mais il était difficile de suivre un fil conducteur ou d'identifier la structure des réflexions. Un découpage en chapitres plus clairs aurait pu être utile, ainsi que plus d'explications sur certains éléments (la question "je sais que c'est grave, mais pourquoi c'est grave ?" m'est souvent venue à l'esprit) pour les dilettantes. Dans l'ensemble, je suppose que c'est un très bon livre pour les gens déjà à l'aise avec le sujet.
très bon livre afin de mieux comprendre le racisme systémique dont fait preuve la police française. J’aurai aimé un fil conducteur plus clair car j’avais du mal à me retrouver dans la réflexion. Très bonne lecture cependant !
« L’industrie de la prison est devenue un acteur gigantesque et le principal architecte du développement d’un néo-esclavage »
Il s’agit d’une enquête sur l’état de la situation en France, en 2012.
Le pendant canadien de cette enquête serait Mater la meute de Lesley J. Wood dont Mathieu Rigouste y a une partie en fin de cet ouvrage.
Bien que cette recherche est un constat sur la situation en France, cette lecture m’a permise de faire des liens et pour saisir d’où proviennent ces mesures de plus en plus violente au sein des corps policiers, au Québec.
« …Aux États-Unis depuis la création d’une 1ere prison totalement privée en 1984 (…) le secteur carcéral explose. En 2006, le privé y maîtrise de 7 à 10% des emprisonnements (…) l’industrie carcérale se gorge de finance publique. (…) Dès les années 1990, des magistrats commencent à être confondus pour corruption: des patrons de prison payaient les juges pour les fournir en prisonniers. (…)
« En France, la privatisation des prisons est partielle mais progresse sous la forme du partenariat public-privé (PPP)».
En fait, les PPP est une pilule + facile à faire avaler au plan de l’opinion publique. Nous l’avons grandement vécu au Québec au niveau des PPP avec le secteur de la Santé et des Services sociaux qui se sont soldés par de retentissants échecs: on ne gère pas les humains comme on gère des entreprises. On ne gère pas des humains point.
« Les BAC (brigades « anti-criminalités » = policiers militarisé) émergent au sein d’une conception productiviste qui vise la rentabilisation maximale des coûts du contrôle et l’optimisation de sa productivité en termes d’Affaires saisies et remises à la justice ».
Une conception capitaliste accablante de la gestion des corps policiers et des inculpés.
En commençant ce bouquin, je ne m’attendais pas à une analyse d’une telle clairvoyance sur comment la police est au cœur de la domination des classes pauvres et racisées, mais j’en suis infiniment reconnaissant. L’évidence est que le nous faisons face à un capitalisme dont l’héritage colonial a donné naissance à un système sécuritaire qui a pour but d’étouffer par la violence physique et politique de la façon la plus « propre » possible pour les classes dominantes. Ce constat est ici décrit avec précisions et sources à l’appui dans une lecture où chaque chapitre fait naître une indignation supplémentaire.
suremment un de mes historiens préférer c toujours bien écrit et le lexique qu'il utilise se lit hyper bien, la chronologie comme les faits utiliser pour remonter l'histoire s'inscrive hyper bien dans les thèses qu'il veut démontrer, par contre obligé de prendre des pauses vu la densité des informations et du texte
Écrit dans une langue claire et accessible, cet essai est hautement passionnant et instructif. Les faits décrits sont glaçants mais il est nécessaire de s'y confronter pour mieux comprendre la mécanique de l'institution policière et surtout, le caractère systémique de sa violence.