Femme déchirée, femme déchaînée, la narratrice est un écrivain qui tente de raconter l'histoire de Blanche, une éblouissante cantatrice que la mort ronge vivante. Mais elle est d'abord la mère de Sylvestre, l'enfant autiste qu'elle veut à tout prix faire accéder à la vie et au monde des autres. Or le petit prince cannibale en ce combat dévore les phrases, les mots de la mère écrivain. Dès lors c'est un véritable duo concertant qui s'élève dans les pages du livre entre deux voix, entre deux femmes, l'une, superbement triviale, s'affrontant à tous les interdits et préjugés qui menacent son enfant, l'autre, la romancière, passionnée, dont les espoirs et les désespoirs se mêlent à ceux de Blanche, son héroïne. Publié en 1990 par Actes Sud, ce texte flamboyant, inclassable, a reçu le prix Goncourt des lycéens.
Françoise Lefèvre débute en littérature en 1974 et chacun de ses livres raconte des épisodes marquants de sa vie. De La Première habitude à son dernier livre Un album de silence (2008). Vie amoureuse, vie sentimentale, vie d'errances parfois, vie en écriture aussi.
Ainsi, Les larmes de André Hardellet (1998) relatent une rencontre unique entre la jeune romancière et le poète de La Cité Montgol : sur la place Desnouettes, au sud du XVe arrondissement de Paris. Le 23 juillet 1974, le poète malade et désenchanté rencontre cette jeune femme. Le courant passe d'emblée. Les nouveaux amis projettent une visite le lendemain, à Vincennes, ville natale de Hardellet. Elle n'aura pas lieu : le poète meurt durant la nuit.
Son fils Hugo Horiot, dont elle a évoqué l'autisme dans son livre Le Petit Prince Cannibale, a publié en 2013 un récit de sa maladie (Syndrome d'Asperger) : L'empereur, c'est moi, aux éditions de l'Iconoclaste.
Discrétion et isolement, attachement à la terre bourguignonne, loin des remous du monde de l'édition, partage avec ses enfants tous artistes, dans des disciplines différentes (musique, peinture, écriture) : voilà les traits d'une personnalité engagée dans le travail secret de l'écriture. Un nouveau livre en préparation, mais pour quand ? Chez Françoise Lefèvre, l'élaboration et la maturation romanesques peuvent prendre longtemps.
Un récit coup de poing sur une femme tiraillée entre son combat en tant que mère d'enfant autiste, pour qui elle donnerait tout! Et sa lutte pour ne pas perdre son identité en tant qu'écrivain car son "petit prince" lui prend toute son énergie voire son essence, ce qui l'empêche de s'épanouir professionnellement.
Amour et haine, lumière et obscur se mêlent, s'entrecroisent, se côtoient, se repoussent ! Lequel va l'emporter dans ce combat sans merci? La fin est bouleversante. Émotions et intensité assurées. J'ai été également happée par la plume de l'auteure qui raconte cette vie de manière tranchante et tellement poétique.
Voilà un livre bien surprenant et au risque de fatiguer l’auteure car « Tout ceux-là me fatiguent » (page 151) j’oserai dire que ce livre qui se veut autobiographique l’est tellement peu ou prou – qu’il en devient purement fictionnel. L’objet premier diront certains est de dépeindre les quatre ou cinq premières années de la vie de l’auteure réduite à celle de mère d’un enfant autiste, Jean qui deviendra à sa demande Sylvestre, dans ce livre, alors même que son fils autiste réel était d’abord Julien et est devenu Hugo à la demande expresse de ce Julien, et Hugo il est toujours sous le nom de Hugo Horiot.
J’insiste sur ce fait car c’est bien sûr un déguisement de la réalité qui tue entièrement la dimension autobiographique proclamée par la première personne de ce livre. S’il n’est donc plus autobiographique, il en devient une confession romancée des fantasmes d’une mère face aux exigences et aux lourdeurs d’un fils autiste, et souvenons-nous bien qu’il y a très peu de filles autistes. Le personnage qui parle à la première personne n’est donc pas l’auteure mais une mère romancée. Cela permet à cette mère avec insistance et persistance de parler de l’autisme de son fils comme d’une maladie, un mal inconnu car inexpliqué, sans traitement réel sinon l’enfermement au mieux dans des hôpitaux de jour et au pire dans des institutions dont ils ne ressortiront jamais. L’autisme n’est pas une maladie. En fait on ne sait même pas ce que c’est et j’ai peur que le terme recouvre bien des maux différents ou que ce soit une échelle non graduée de gravité croissante ou décroissante, selon le sens où on la prend, d’un trouble dont on ignore l’origine, trouble de comportement qui se marque principalement par l’incapacité de communiquer avec l’autre, une sorte de besoin de s’enfermer dans un soi, un moi, un rien que moi qui rejette l’autre et le monde entier, tout autant que l’image de ce moi, hors de cette cellule capitonnée d’un être qui est seul et unique dans ce réduit psychologique.
Françoise Lefèvre, en fait, prouve que tout cela est un paravent qui cache une chambre entière, une forêt même, et elle nous raconte ce qui lui est arrivé le jour de la naissance de ce fils et le jour où elle a décidé d’entrer dans cette forêt, de passer derrière ce paravent et de découvrir alors le monde de l’intérieur de ce refuge autiste dont elle n’est pas la porteuse mais dont elle est la cible permanente des hostilités variées du monde extérieur. Elle ne connaîtra une relative libération qu’à quatre ans, âge auquel elle mettra son fils en garde régulière dans une maternelle puis dans l’école. Etrangement elle évoque des moments postérieurs où Sylvestre a sept ans, mais elle oublie totalement de parler des heures de liberté relative qu’elle obtint dès qu’une structure pédagogique standard accepta de prendre son fils et elle eut une chance énorme car en 1990 la norme restait les instituts médico-pédagogiques de jour qui enfermait, parfois de façon extrêmement humaine et attentionnée, ces enfants pour la journée entière de sept heures à dix-neuve heures, parfois moins, mais jamais plus, ce qui est un peu moins qu’une crèche. Et cela n’a pu être qu’un miracle qu’elle ait échappé au rejet porté par le diagnostic « enfant autiste, difficile, caractériel, énigmatique comme on dit pudiquement » (page 151), bien que cela n’ait rien à voir avec la pudeur mais seulement avec la honte que la société éprouve devant son obligation de ne pas mettre à mort, de ne pas exposer aux bêtes sauvages ces êtres imparfaits comme nos ancêtres culturels et linguistique que furent les Grecs faisaient systématiquement (et les Grecs ne sont qu’un exemple). L’eugénisme est aujourd’hui un crime contre l’humanité et pourtant il fut – et est encore – pratiqué dans le monde à une très large échelle.
Etonnez-vous alors pourquoi deux jeunes adolescents handicapés physiquement furent pris en charge par des populations Homo Sapiens en Europe Centrale quelques 20 000 ans avant la glaciation dernière, il y a donc environ 35 000 ans, au point d’être nourris de nourriture fluide toute leur vie (voir dentition), d’être pris en charge et soigné pendant une douzaine d’année probablement en position couchée le plus souvent, avant qu’ils ne meurent et soient enterrés ensemble, tête contre tête et avec de nombreuses offrandes. Cette attitude de compassion et d’empathie, d’aide et de soin d’Homo Sapiens il y a si longtemps fut cependant systématiquement niée pendant des siècles et des millénaires quand la civilisation d’Homo Sapiens avant la glaciation passa d’une dominance spirituelle féminine et donc maternelle à une dominance matérielle et spirituelle masculine et donc violente et rationalisante quand l’agriculture et l’élevage se développèrent après la glaciation il y a environ 15 000 ans, au point même d’inventer l’esclavage des hommes pour le travail lourd et des femmes pour le plaisir des élites. Et ces femmes des élites seront entretenus au jour le jour par des hommes castrés, au ras de l’abdomen pour beaucoup d’entre eux.
Elle ne dit pas suffisamment clairement l’horreur qu’elle a permis d’éviter à son fils autiste en le prenant en charge personnelle, en se faisant mère enclave de ce fils autiste. Remarquons l’absence totale d’une quelconque figure paternelle, alors même qu’une fille va naitre quand Sylvestre a quatre ans, une fille prénommée Éléonore. Cette absence de figure paternelle est étrange dans ce livre, surtout que ledit fils a depuis écrit sa propre version de son enfance et il mentionne un père docteur et un grand frère qui lui a appris tous les grades de l’armée. On est bien dans un roman et c’est regrettable, car alors tout ce que l’auteure dit de cet enfant autiste est terriblement sujet à caution. Notons que la seule allusion a un père est dans un souvenir de Blanche abandonnée avec ses deux filles ainées quinze ans plus tôt par le père peintre de ces filles qui les dépose en plein Noël dans la rue enneigée et part avec sa voiture pour sa propre vie et aventure. Comme figure paternelle on est un peu frustré.
Le silence dans lequel Sylvestre s’enferma pendant quatre ans. Le refus de mordre et mâcher dans lequel il s’enferma pendant quatre ans. Le refus de déféquer volontairement dans lequel il s’enferma pendant quatre ans avec des rechutes jusqu’à sept ans qui le faisaient déféquer où que ce soit, à n’importe quel moment quand cela venait tout seul, et ce drame ne pouvait être évité que par des suppositoires laxatifs. La peur absolue et irréversible pendant quatre ans que ses poumons qu’il voyait comme un ensemble de petits ballons de baudruche (Hugo Horiot explique que cela lui vint d’une présentation ou remarque qu’il obtint de son père médecin), n’explosassent s’il poussait pour déféquer. En fait elle passe sur ce fait assez légèrement. Cela révèle en Sylvestre un fonctionnement mental autiste fondé sur l’association par simple identification concaténée de quoi que ce soit avec quoi que ce soit. Un tel fonctionnement mental est absolument normal et courant. Il est le fonctionnement le plus productif des poètes et des romanciers, voire bien sûr des cinéastes et autres créateurs d’histoires. C’est en fait notre éducation rationnelle et rationalisante qui fait que l’on ne peut plus comprendre que X et Y sont liés non pas parce qu’ils ont un lien logique entre eux mais simplement parce qu’ils sont posés mentalement l’un à côté de l’autre et donc similaires, métaphoriquement identiques, elliptiquement connectés.
Un enfant autiste ne voit pas la métaphore dans une phrase comme « le chat aboie de toutes ses forces ». Il voit vraiment un chat qui aboie, ce qui le rend fou de rage, de peur et il se mettra à crier. Apprendre le jeu de la métaphore se fait tardivement chez l’enfant et vous pouvez vérifier tous les jours en racontant des histoires à des enfants de maternelles où vous mêlez des sorcières, des chiens qui miaulent et des dragons qui vous cuisent des œufs sur le plat en soufflant leurs flammes et vous verrez les réactions avec l’âge passer de l’étonnement plus ou moins fort impliquant le rejet à l’excitation plus ou moins forte impliquant le plaisir. L’enfant est passé du réalisme absolu à la valeur métaphorique jouissive. Un enfant autiste ne peut pas accepter cela de vous, mais dans son fonctionnement mental propre il le fait tout le temps, d’où ses paniques devant certaines associations qui pour nous sont totalement dépourvues de sens. Le seul moment où l’auteure mentionne, incidemment et sans insister, ce fonctionnement mental est justement l’association des alvéoles pulmonaires avec des ballons de baudruche qui explosent quand on les presse et donc sa peur que pousser puisse entrainer l’explosion de ses alvéoles pulmonaires.
Elle insiste davantage sur ses stratégies propres pour lui faire progressivement passer certaines étapes, franchir certains caps. Ses stratégies sont souvent intéressantes et créatives, mais pourtant intrigantes. Prendre à témoin un passant pour faire croire à Sylvestre que le Petit Poucet est passé par le centre commercial et qu’il portait une tartine de pain et qu’il avait faim et qu’il a mordu dans sa tartine de pain, et qu’ensuite elle présente un telle tartine à Sylvestre qui, du fait de l’assentiment du passant, va pour la première fois mordre dans le pain mastiquer sa bouchée mais pourtant ne l’avalera pas et la recrachera dans la main de sa mère. Comment un passant inconnu peut-il accepter de jouer ce rôle sans préparation, sans connivence, sans complicité ? La concentration de l’auteure sur l’effet positif de ses stratégies d’apprivoisement et presque de domptage d’un enfant autiste rebelle à tout apprivoisement et domptage fait qu’elle manque l’essentiel. Ce n’est intéressant que si on peut reproduire avec d’autres des stratégies similaires. Or a priori personne dans un centre commercial – pourquoi pas dans une gare SNCF un jour sans grève ou dans une station de métro à une heure pointe – n’aura le temps et le bon sens de jouer un rôle qui va lui prendre un quart d‘heure au moins et lui demander beaucoup d’imagination.
Il serait beaucoup plus efficace d’expliquer les détails de la préparation de ces actes et cela les rendrait reproductibles, donc effectivement utiles pour les personnes, parents ou non-parents, qui voudraient prendre la charge d’un enfant autiste. Et qu’on soit clair. L’avenir est à prendre en charge les enfants autistes dans la société normale, en position d’emploi et de production. Cela pose de sérieux problème concernant quand établir le diagnostic, quand commencer le traitement. Pour moi dès la naissance que l’on sache ou non si l’enfant sera autiste, qu’il soit un garçon ou une fille, car le premier soin fondamental est le contact oculaire, la communication physique et linguistique, et en plus cela sera utile à tous les enfants, autistes ou non. On en est loin dans la plupart des crèches où les personnes en charge discutent de leur dimanche à venir ou de leurs problèmes personnels pendant qu’elles changent et nourrissent les enfants auxquels elles ne s’adressent que rarement. Alors parler de contact visuel devient une gageure.
Au point où j’en suis l’auteure doit être très fatiguée et doit avoir arrêté de lire depuis longtemps. Et pourtant je n’ai pas fini.
On prétend que ce livre est autobiographique. C’est facile de dire cela mais c’est faux. C’est d’abord et avant tout une œuvre de littérature romanesque, romancée. J’ai signalé les prénoms des enfants qui ne correspondent pas à la réalité. C’est un détail, mais signifiant. Cela prouve s’il en était besoin que tous les personnages sont des personnages et que même celle qui dit « je » tout le temps n’est pas l’auteure mais est un personnage sans nom.
Sans nom, vous avez dit ? Quelle erreur. Ce personnage s’identifie à un personnage qu’elle crée prétendument à partir d’une personne réelle. Je vous défie de trouver une Blanche Léonard, contralto chantant la Rhapsodie pour contralto de Brahms. Encore plus impossible est de trouver son mari, Victor Léonard, chef d’orchestre. Heureusement d’ailleurs car ces deux personnages sont exécrables. Blanche a une voix unique dont Victor est entièrement amoureux. Il a épousé la voix de Blanche mais en rien son corps. Il satisfait ses envies physiques avec des prostituées – de luxe il est vrai – que l’on appelait des maîtresses entretenues sous la 3ème République et que l’on appelle aujourd’hui belles-de-nuit, call-girls, courtisanes ou entraineuses. Mais cette identification que l’auteure produit ici entre son personnage de première personne et cette Blanche est en fait entièrement comprise comme une échappatoire du personnage de première personne hors de son esclavage face à son fils autiste. Mais cette échappatoire est illusoire car Blanche développe un mycosis très avancé, que l’auteure appelle parfois un cancer cutané, et ce mycosis lui prend l’entier de la peau et la transforme en écailles ou en croûtes, une sorte de lèpre dans le monde moderne qui est la métaphore parallèle avec l’autisme de Sylvestre qui est la lèpre sociale et mentale de sa mère. L’absence d’amour de Victor Léonard est la métaphore parallèle avec l’absence d’homme dans la vie du personnage principal, et donc d’ailleurs de père pour Sylvestre et Eléonore. Mais pire encore la métaphore est filée, poussée jusqu’à la mort :
« Elle [Blanche Léonard] se laisse glisser vers l’étang aux berges odorantes de sperme comme les flancs de l’homme à l’alcôve. Elle glisse nue se retenant à peine aux herbes filantes qui lui scient les doigts. L’eau noire l’attire comme un nid clos. Elle glisse dans le marécage tiède et moiré ou fermente une improbable résurrection. Certaine que cessera sa douleur. Elle coule au fond. . . Les poumons de Blanche se vide lentement. Elle a maintenant perdu jusqu’à sa voix. Le soir tombe. . . » (page 157-8)
Et justement le roman se clôt sur l’improbable résurrection avec un Sylvestre qui a tué il y a longtemps son Jean ancien pour devenir Sylvestre et qui déclare : « Maintenant on peut de nouveau m’appeler Jean. » (page 159)
Mais justement il n’y a pas de retour en arrière pour un enfant autiste. Il est soit bloqué dans un état X car rien n’a été fait – au mieux à temps, mais il n’est jamais trop tard pour essayer de bien faire – au pire jamais. Ou bien tout ce qui était possible a été fait et l’enfant autiste a su développer par ses propres forces encouragées par une action spécifique des autres autour de lui une intégration dans la classe maternelle, dans la classe primaire, dans le collège, dans le lycée et plus encore dans la société. C’est là que ce livre est triste. Il ne montre aucun potentiel en Sylvestre. Il ne montre que l’apprivoisement de la bête sauvage qui apprend à déféquer proprement, qui apprend à mordre dans le pain et à mâche sa nourriture. Cela ne lui permettra pas de développer une position sociale. Il faut repérer dans cet enfant, ; dès que possible, c’est-à-dire à la naissance et dans les mois et années qui suivent cette naissance, des potentiels possibles. Il faut confronter cet enfant autiste dès sa naissance à des activités multiples qui vont pouvoir devenir des activités d’excellence. Il faut repérer dans cet enfant autiste les qualités exceptionnelles que tous les enfants autistes ont, mais qui sont uniques à chacun. Cela peut-être les langues étrangères comme Daniel Tammet (Je suis né un jour bleu, ISBN-13: 978-2290011430). Cela peut être une mémoire visuelle scannante qui permet d’un seul coup d’œil d’absorber une page entière de quelque livre que ce soit et de la réciter de mémoire comme si on la lisait, car effectivement on la lit. Cela peut-être une capacité à calculer quelque opération que ce soit de quelque complexité que ce soit comme 20% de 17,5% de 78,4% d’un nombre quelconque de 8 chiffres multiplié préalablement par 3,1416. Et de nombreux autistes ont une qualité dite « savante ». Ce sont les autistes savants comme Einstein et bien d’autres ? Ils sont des savants justement dans quelque domaine que ce soit. Il n’y a dans notre société qu’environ 10% de « linguistes » qui sont des enfants et des individus qui sont capables d’apprendre une langue inconnue en quinze jours, soit en production orale, soit en découverte écrite, soit en découverte scientifique (donc linguistique). Un enfant autiste, plus ou moins savant développe aussi un sens de l’ordre, de l’ordonnancement, de la disposition ordonnée, du rangement, etc., qui lui donne alors un avantage monumental dans la tenue, le rangement et la gestion d’un stock, d’un magasin (en magasinier) et bien d’autres gestions de données matérielles ou virtuelles.
C’est cela qui manque ici et le miracle de la résurrection du Jean mort est un truc littéraire car le fils autiste réel de l’auteure n’a pas ressuscité le Julien mort qu’il a tué à quatre ou cinq ans et il vit une carrière d’acteur sous son nom choisi alors d’Hugo. Un autiste est autiste toute sa vie et s’il a réussi à trouver l’échappatoire qui lui permet de se construire une place dans la société, il reste toute sa vie sous la menace du couperet social des imbéciles qui l’entourent : « Monsieur X a fait une rechute. » Ah le drame, la malédiction de cette rechute. Personne jamais ne fera de cadeau à un autiste, quel que soit le niveau d’excellence qu’il aura réussi à atteindre. Il n’y a pas de résurrection possible. Il n’y a qu’une bataille sans fin pour la reconnaissance. L’autisme est une mutation génétique qui permet de booster des qualités exceptionnelles dans un être mais cette mutation rend le contact avec les autres difficile, la communication restreinte ou au contraire pure logorrhée verbale qui est une sorte de monologue interne vocalisé publiquement. Mais, Dieu, que c’est difficile pour un enfant autiste, savant ou pas, de trouver une place dans la société qui le rejette par son eugénisme mental. Heureusement que l’on ne peut pas repérer avant la naissance ce futur développement, autrement les parents les feraient avorter le plus tôt possible.
Citaat : Maar de dag dat ik begreep dat je opgesloten zat in die woordenloze waanzin van het autisme, begreep ik ook dat het aan mij was je eruit te trekken. Review : Françoise Lefèvre (Parijs, 1942) debuteerde in 1974, en elk van haar boeken vertelt over een episode van haar leven. Van La Première habitude (1974) tot haar (tot nu toe ) laatste boek Un album de silence (2008). In 1990 schreef Françoise Lefèvre De kleine prins zwijgt (Le petit prince cannibale), een roman over haar zoon Hugo Horiot, die later werd gediagnosticeerd met autisme. Het boek werd bekroond met de Prix Goncourt des Lycéens en in Frankrijk werden er meer dan 100.000 exemplaren van verkocht. 23 jaar later schreef de 'kleine prins'Hugo Horiot zijn autobiografie, De keizer, dat ben ik, waarin hij zijn leven met autisme beschrijft. Voor de Nederlandse uitgave van De kleine prins zwijgt schreef hij het nawoord! De ik-persoon in De kleine prins zwijgt is een schrijfster die probeert om het verhaal van de getalenteerde zangeres Blanche te vertellen. Maar ze is in de eerste plaats de moeder van Sylvester, haar autistische kind dat ze wanhopig en tegen elke prijs deelgenoot probeert te maken van het leven en de wereld van anderen. Het is een grote kreet van liefde en wanhoop. Parallel aan deze chaotische reis staat het meer wispelturige karakter van Blanche, een visie op de verbeelding van Françoise Lefèvre, de potentiële heldin van een verhaal waaraan zij graag het leven zou willen geven. De kreet van Blanche, een zangeres met een kanker van de huid die aan haar knaagt, die haar sterke kanten en illusies verslindt, die haar langzaam vernietigt. Net als haar romanfiguur is de auteur een vrouw die vecht, zich verzet zich tegen alle pedagogische en psychiatrische verwachtingen in, ondanks het groeiende verlangen om alles te laten vallen, om te buigen voor dit leven dat niet voor haar zoon geschikt lijkt. Er i een transpositie van de pijn en leed van Françoise Lefèvre tegenover de muren die haar scheiden van haar zoon, tegenover de grens waarachter hij leeft. Denkbeeldige uitlaatklep waarmee hij een beetje kan ademen, om zichzelf moed te geven, om weer kracht te krijgen door te besluiten om niet op te geven. De handelswijze van de moeder is een kreet van liefde en wanhoop. Het is ook een geweldige les in leven en moed. Het is geen melodrama of schattig relaas, het is het ontroerende duet van twee vrouwenstemmen: de een is de empathische moeder die vecht tegen de confronterende taboes en vooroordelen die haar kind bedreigen, en de ander de gepassioneerde romanschrijver, wiens hoop en wanhoop zich vermengen met die van Blanche, haar heldin. Het is een prachtig sterk literair verhaal over een schrijver die tijdens het gevecht voor haar autistische zoon zichzelf en haar literaire kracht dreigt te verliezen. Maar als haar kind eindelijk begint te praten, doorbreekt ook haar literaire heldin de stilte. De kleine prins zwijgt is een heel mooie en confronterende roman!
Le petit prince cannibale de Françoise Lefèvre est un livre rare, inoubliable et incontournable. Parce qu'elle a choisi de se battre contre vents et marées, parce qu'elle a décidé qu'elle arriverait à le faire sortir de son isolement , parce qu'elle est mère et que l'amour d'une mère peut tout et encore plus, elle consacre sa vie à son fils mais parfois elle craque "Je t'aurais tué parfois de me faire si mal, d'aspirer avec tes hurlements toute ma poésie. Mes pensées. ma bonne volonté. Tout mon amour. Mon increvable amour pour toi. Tu prenais tout et ne donnais rien." (page 42) Alors elle essaye de préserver quelques rares moments à l'écriture , elle en a viscéralement besoin et Blanche nait sous nos yeux, une femme en mal d'amour, à la voix de cristal mais rongée par le désespoir. Roman, Récit? ou roman-récit? Je dirais surtout un cri, cri d'amour , de désespoir, de désespérance, d'espoir, de joie quand enfin le soleil entre à flots dans sa vie et la sienne. Françoise Lefèvre dédit son livre à son fils Julien-Hugo.