« Quand on prend leur veau, les vaches chargent. Même si elles n’ont plus de cornes. Elles courent comme des génisses, sans la joie. Leur plainte envahit l’air froid. Traverse les prés. Frappe les carreaux de la ferme. S’insinue dans les oreilles. Elle devient un bourdonnement qui empêche de penser à autre chose. Qu’à cette mère qui appelle son veau. »
Tandis qu’ils œuvrent à leur survie, rien n’échappe aux animaux de la ferme. L’inquiétude de l’éleveur acculé par les échéanciers, les batailles des fils à mesure qu’ils grandissent, les pas de la femme, plus lourds que d’ordinaire. La vache, la chienne, le chat sont les vigies d’un monde rythmé par la vie et la mort. Leur ronde silencieuse ne connaît pas le contretemps. Mais dans cette ferme une tragédie a cours et personne n’en devine rien. Parce que les hommes sont aveugles, les bêtes vont témoigner.
Avec ce huis clos à ciel ouvert, où les cris des bêtes se mêlent aux secrets des hommes, Agnès de Clairville s’attache à renverser le regard. Qu’ont à nous dire les animaux sur notre rapport à la naissance et à la filiation ? Ici, l’animalité commande tout et les mots bousculent, jusqu’à l’inattendu.
première lecture pour la sélection du prix des lecteurices Points et c’est un chouette roman !
alors oui, il y a des longueurs, mais j’ai tellement aimé cette seconde moitié que c’est pardonné !
chaque personnage a sa propre voix (phrases courtes pour la chienne, vocabulaire plus limité pour la vache, envolées lyriques pour le chat…). l’autrice a su nous faire rentrer dans la tête de ces animaux, et surtout, leur style correspondait à leur esthétique (à mon sens).
elle a aussi su mêler focalisations internes et regard externe de l’histoire familiale à la ferme et c’est ce que j’ai particulièrement apprécié !
j’ai trouvé le tout intelligent et surtout, nuancé. oui, la souffrance animale et la violence des humains sont abordées, plus ou moins explicitement, mais ce roman est aussi une ode à celleux qui nous nourrissent, qui font du mieux qu’iels peuvent dans des conditions pas toujours faciles (isolement social, jugement moral, pressions sociétales sexistes et homophobes…)
j’ai trouvé cette manière d’aborder les récits assez unique et touchante. je lirai sûrement l’autrice à nouveau
Ce livre me tentait beaucoup, mais j'avoue que je ne savais pas réellement à quoi m'attendre. L'histoire était racontée du point de vue d'une vache, d'une chienne, d'un chat, et puis plus tard d'une pie. J'ai trouvé cela particulier, mais l'autrice a réussi à, malgré cela, rendre son histoire très agréable et facile à lire, j'avoue en avoir été très surprise ! Les chapitres sont très courts, ce qui permet une lecture très rapide. D'ailleurs, le roman est séparé en une petite dizaine de parties, selon différents thèmes. Mais selon moi, on pourrait le découper en deux parties selon deux grands thèmes majeurs. Dans la première partie, j'y ai découvert une réalité poignante, qui m'a bien souvent brisé le cœur et terrifiée. On y suit le quotidien des animaux dans une ferme, le point de vue de la vache est celui que j'ai préféré mais en même temps celui qui m'a le plus déchirée, il était empreint de réalité, mais aussi de tristesse. On y suit également le quotidien du chat et de la chienne, ce qu'ils font, ce qu'ils entendent entre les conversations des humains. Jusqu'au moment où l'histoire va basculer, toujours du point de vue des animaux, mais cette fois plus axée sur l'histoire des humains. A ce moment, c'est une histoire particulière qui commence. Je ne saurais la qualifier, entre enquête, "roman policier", suspens... L'affaire qui nous est dévoilée est surprenante, je ne m'attendais pas à cela en commençant ce roman. Mais ce qu'on y découvre, on ne peut réellement être sûr de la réalité, étant donné que ce sont les animaux qui racontent. Entre troubles mentaux, burn out lié au travail, et même féminisme, cette histoire est réellement engagée, aussi bien sur ces points que sur la cause animale, toujours dans la compréhension des agriculteurs.
Je n’ai pas réussi à finir. Le sujet et le rapport violences féminines / violences faites aux animaux est magistral. Toutefois j’ai trouvé l’écriture lourde à lire; assez normal puisque ce sont des animaux qui parlent, mais surtout car c’était très cliché et anthropocentré (le chat égoïste qui n’aime pas les chiens par exemple).
Corps de ferme, écrit par Agnès de Clairville est le premier roman que je lis parmi la sélection du prix des lecteurs 2026 chez Points. J’ai choisi de commencer par celui-ci pour l’idée que je m’en faisais : un texte engagé sur la condition animale.
En réalité, le livre prend une tout autre forme : celle d’un huis clos — l’un des premiers que je lis ! — plongé au cœur du quotidien d’une famille agricole. Quatre voix animales se succèdent : le chat, la chienne, la vache et la pie. C’est à travers leur regard que nous observons leurs « humains », considérés comme maîtres ou fermiers, et que nous découvrons tout le poids et les difficultés de la vie à la ferme.
Plus qu’une prise de parole animalière, c’est une véritable tragédie qu’on découvre au fur et à mesure de notre lecture. La force du texte réside, à mon sens, plutôt dans l’engrenage implacable auquel les agriculteurs sont soumis. Bien que j’ai été - comme je le craignais en démarrant ce texte - bouleversée par le sort des animaux de la ferme, celui de leurs propriétaires n’en est pas moins déchirant. J’ai réellement été tiraillée entre la souffrance animale et le sort des agriculteurs.
Les dialogues, souvent très brefs et parfois opaques exigent de notre part une réflexion accrue. Les points de vue des différents animaux sont quant à eux judicieusement amenés et la complexité du travail de De Clairville force l’admiration. Pourtant, j’aurais parfois aimé être un peu plus guidée. C’est un « reproche » rare chez moi, qui apprécie les textes laissant place à une interprétation plus personnelle, mais les différents événements bouleversants du roman demeurent difficiles d’accès et m’ont demandé une relecture de ces passages. Ces derniers, présentés par le prisme animal comme de simples faits du quotidien ne nous permettent pas toujours de bien comprendre. Une fois le livre refermé, plusieurs questions restaient en suspens, et je n’ai pas pu m’empêcher de me demander ce que l’autrice souhaitait que nous retenions de son récit.
Corps de ferme n’a peut-être pas été un coup de cœur, mais il m’a poussée dans mes retranchements. Il aborde avec sincérité des sujets qui me touchent profondément, bien que difficiles. C’est un roman que j’aimerais partager avec mes proches, notamment ceux issus du monde agricole, pour sa justesse et sa manière de révéler l’inéluctable réalité de la ferme. J’aime à penser qu’il offre un témoignage rare sur un monde peu exploré, et que mes amis pourraient se sentir vus pour la première fois par la littérature.
Un roman original en cela que nous lisons les points de vue de quatre animaux : une jeune vache, une chienne, un chat et une pie ; ces animaux nous racontent ce dont ils sont témoins dans la ferme où ils vivent : ce que font ces humains aux comportements étranges, ce que font les autres animaux, ce qu'on leur fait subir... les vaches à qui on enlève les petits trop tôt, à qui on vole le lait, qu'on insémine, la chienne qu'on emmène à la chasse même si le bruit des coups de feu lui fait peur, à qui on fait faire des petits pour les revendre, la pie qui évite le chat et les cailloux balancés par l'aîné de la famille, et le chat, qui vit sa vie, qui se bat contre les autres chats et qui choisit les chattes qui lui donneront descendance. On sent bien que se trame quelque chose de bizarre dans cette famille d'agriculteurs, malgré les non-dits, les sous-entendus : le drame familial et agricole est bien là, on le ressent à travers les yeux des animaux, même s'ils ne nous le dévoilent pas explicitement. Et c'est là tout l'intérêt du roman, c'est à nous de découvrir la vérité, à travers cette inquiétante étrangeté, ce quotidien souvent malsain, mais perçu de manière presque naïve par les animaux. Les chapitres sont très courts, il y a beaucoup d'ellipses, ce qui fait qu'on avance dans le roman et dans l'histoire de cette famille sans s'en rendre compte ; et les années filent sans pour autant enterrer assez profondément les secrets...
Une agréable surprise pour ce livre original qui relève haut la main le défi compliqué de la narration animale.
Chien, chat, vache et pie racontent tour à tour, avec leur sensibilité et leur point de vue, leur histoire, celle de la ferme et de la famille qui l'habite.
Un récit assez dur qui met en lumière les conditions de vie des animaux. La plume de l’autrice, particulièrement poétique, retransmait à merveille toutes ces émotions primaires qu'ils peuvent ressentir.
Une deuxième partie surprenante sur l'histoire de cette famille, une famille d'agriculteurs au quotidien triste où le travail est central, les loisirs peu nombreux et l'amour bien dissimulé. Au fil des pages, la noirceur, déjà bien présente dès le début, s'installe pour ne pas repartir. Une fois la lecture terminée, des questions restent sans réponse, donnant presque envie de se replonger dans le livre pour chercher des indices à ces interrogations.
En bref, un très beau roman où des animaux délaissés et humiliés s'unissent pour dresser un portrait, celui d'une famille qui tente de survivre tant bien que mal.
Livre lu dans le cadre du prix du meilleur roman 2026 des éditions points !
Un livre dont on ne sort pas indemne. La naissance et la mort sont omniprésentes. Le choix de point de vue est extrêmement original et ça fonctionne. Le détail est même mis dans le registre de langage ainsi que la richesse de vocabulaire accrue par la proximité avec l'humain. Des humains qui, en refusant la dignité aux animaux, perdent la leur, perdent leur sens de la communication pourtant tant facilitée par le langage et ce sont les animaux qui perçoivent et communiquent davantage. C'est flagrant quand l'un des enfants s'étonnent des vaches qui se battent pour garder leurs veaux. Le silence des humains est d'autant plus présent que ce sont les animaux qui s'expriment et font preuve d'empathie. Seul le récit de la pie m'a un peu moins convaincu.
D'un côté, la structure de tragédie pastorale et le changement de narration avec la modulation du langage sont des aspects très originaux de ce roman. D'autre part, cependant, je trouve que le pathos est mal placé. La charge émotionnelle est porté par des moments à peine esquissés ou sous entendus, ce qui fait qu'ils manquent de profondeur et de nuances. L'expérience féminine est donc décrite par différents perspectives et personnages, mais par ce procès cela devient moins féminin et plus stéréotypé. C'est comme si la morale de ce roman était "chacun a ses malheurs", ce qui est un peu limitant pour le potentiel unique de la plume de Clairville.
Un style d'écriture simple. Le narrateur se glisse dans la peau des animaux de ferme mais avec une vision qui reste très "humaine". Je n'ai pas du tout aimé le traitement de la chronologie, quasi inexistant. On passe des mois voir des années en quelques lignes.
Corps de ferme, corps de femmes, maternité, parentalité... Excellent livre, une écriture choisie, pleine d'émotions. J'ai adoré ce roman qui a définitivement changé mon regard. À lire absolument.