"Puisque Odette Froyard avait existé, elle méritait d’être considérée. Elle était considérable. Il y avait dans mes échafaudages la honte intériorisée de venir d’une femme qui avait endossé l’invisibilité comme identité, n’ayant pas su, voulu ou pu s’en libérer. Si je la laissais au silence de l’oubli, il y aurait aussi, et pour toujours, la honte de ne pas l’avoir racontée."
Dans ce livre vibrant d’humanité, Isabelle Monnin retrace la vie minuscule d’Odette Froyard, sa grand-mère. Au fil des pages, les souvenirs cèdent la place à l’enquête puis à la fiction, pour restituer la destinée de cette femme en apparence sans histoire. De la ville de Gray pendant la Première Guerre mondiale aux camps de la mort, en passant par un mystérieux orphelinat franc-maçon dans les années 1930, Odette Froyard en trois façons offre une traversée du siècle et explore la part romanesque de toute existence.
D’une parfaite inconnue, Isabelle Monnin la transforme en personnage unique d’un roman relevant à la fois de l’étude sociologique et de la généalogie, où la fiction vient combler les non-dits, d’une existence d’apparence lisse et réglée.
Attachant et poétique, Odette Froyard en trois façons est un hommage à une grand-mère adorée. À travers elle, c’est une ode à toutes les femmes de…, les mères de… qui ont choisi, au siècle dernier, de ne pas prendre la lumière, et qu’on a trop longtemps cantonné à l’apparence qu’elles nous ont laissée. « Pour tous, elle était, avant tout, sa femme. C’était plus qu’un statut social : une définition."
Vie d’une grand-mère Au moment du confinement, Isabelle Monnin, déjà chancelante du côté de l’âme, décide de se consacrer à retrouver sa grand-mère plutôt que de sombrer plus avant dans le pessimiste environnant.
Odette Froyard est une femme qui ne déroge jamais de sa routine quotidienne immuable et effacée au monde. Alors, pour redonner une vie à cette grand-mère adorée, Isabelle Monnin part à la recherche des souvenirs de la fillette retrouvée.
Elle n’y trouve qu’une femme trop discrète, ponctuant ses conversations de dictons surannés. Pourtant, une photo et une légèreté qui apparaissait une fois par mois avec ses sœurs, semblent contredire le portrait qu’elle a voulu laisser.
De ce point de départ auréolé de l’amour qu’elle lui porte, Isabelle Monnin part à sa découverte, l’ossature de sa recherche constituée de documents d’archives enrobés de fiction.
Pour moi, cette lecture fut longue car entrecoupée de chemins de traverses et de rêveries vers une autre passion qui occupe beaucoup de mon temps : la généalogie. La recherche de nos aïeux représente des chemins qu’il nous faut explorer pour connaître mieux notre présence dans le monde.
À découvrir ! Et Odette Froyard en trois façons contient les trois aspects qui animent des recherches généalogiques : curiosité, secret et patience. Sauf que le talent littéraire de Isabelle Monnin emmène bien plus loin en ouvrant à la fois sur l’universel par le goût du romanesque.
Ex-journaliste au Nouvel Obs, Isabelle Monnin a choisi depuis longtemps l’écriture pour ses créations. Odette Froyard en trois façons est son septième roman à caractère autobiographique. Sa collaboration avec Alex Beaupain pour l’album « Les gens dans l’enveloppe » inspiré de son roman lui assure la reconnaissance du public.
Odette Froyard en trois façons est un récit à lire pour le plaisir d’aller au-delà des apparences et de s’embarquer à sa recherche qui ressemble à s’y méprendre à toutes les femmes de l’après-guerre, découvrant de nouveaux horizons mais consciente de devoir rester toujours en retrait. Seulement, allons au-delà de l’enveloppe, comme Isabelle Monnin !
Le roman fait partie de la sélection pour le Prix Louis Guilloux 2024 et, une fois de plus, je ne l’aurais sans doute pas lu sans l’opportunité de ce prix des lecteurs.
« Puisque Odette Froyard avait existé, elle méritait d’être considérée. Elle était considérable. Il y avait dans mes échafaudages la honte intériorisée de venir d’une femme qui avait endossé l’invisibilité comme identité, n’ayant pas su, voulu ou pu s’en libérer. Si je la laissais au silence de l’oubli, il y aurait aussi, et pour toujours, la honte de ne pas l’avoir racontée. » la quatrième de couverture laisse présager une belle enquête sur les origines et les souvenirs d’enfance de la narratrice.
Odette Froyard est présentée comme un petit bout de femme silencieuse, paisible, sans heurt ni passion au point d’en être transparente en regard de la personnalité tonitruante de son époux, au point que lorsque la narratrice se penche vers le passé de sa grand-mère Odette, c’est pour prendre conscience que personne, pas même ses enfants et petit-enfants, ne la connaît vraiment. Qui était donc Odette ? Pourquoi cette femme silencieuse et discrète à l’extrême a-t-elle choisi l’effacement social et de vivre dans l’ombre de son mari ? C’est ce sur quoi se penche l’autrice, Isabelle Monnin, petite-fille d’Odette, afin de rendre justice à cette femme trop transparente pour que cela ne cache pas quelque chose. A mesure que l’enquête progresse, que les souvenirs remontent à la surface, la narratrice retrace « la vie minuscule » d’Odette laissant place à la fiction. Plonger dans le passé d’Odette c’est traverser le vingtième siècle, entre Gray, paisible ville provinciale en Haute-Saône, et Paris, entre ascension sociale d’une famille et les loges maçonniques, entre le carnage de la Grande Guerre au désastre de l’Occupation allemande et l’horreur des camps d’extermination. Puis, la narratrice tombe sur l’existence d’un orphelinat franc-maçon récueillant les enfants des familles des Frères en difficulté comme ceux des réfugiés politiques espagnols. Elle retrouve une photo sur laquelle apparaissent Odette, alors jeune fille souriante, ses deux sœurs et son jeune frère. Une autre montre deux jeunes garçons : son frère et un ami à lui …. et si ce dernier était à l’origine du sourire heureux d’Odette ? Avec la délicatesse d’une archéologue, Isabelle Monnin comble les trous de la vie de sa grand-mère en utilisant remarquablement la fiction. Peu à peu Odette prend corps derrière ses expressions passe-partout qui jalonnent ses propos dont le fameux « allez, allez, on n’en parle plus ». On n’en parle plus pour que ce qui fait souffrir se taise, ne prenne pas d’ampleur, pour qu’un secret reste bien gardé ? Cela lui ressemblerait tant, elle qui fait tout pour ne pas se faire remarquer, pour entrer dans l’anonymat social, celui dans lequel elle peut se dissimuler et se fondre.
« Odette Froyard en trois façons » est un roman empreint d’une immense humanité au cœur duquel les vies minuscules deviennent importantes pour comprendre une famille dont l’arbre généalogique possède des branches silencieuses. Isabelle Monnin, grâce à sa belle écriture claire et poétique, m’a fait voyager dans la vie de sa grand-mère, une vie discrète dont les contours se sont précisés au fil des pages et de l’enquête. Avec tendresse et brio, elle plonge dans les profondeurs, parfois troubles, de sa mémoire pour offrir une existence à celle qui n’a vécu qu’en marge des autres, une marge d’invisibilité dotée d’un sens extraordinaire de l’organisation sans lequel, les autres justement, sont perdus. Les invisibles ont une histoire qu’ils s’évertuent à cacher pour ne pas se faire remarquer. Est-ce une façon d’accéder au bonheur d’une vie paisible ? Ce fut celle d’Odette Froyard, grandiose et émouvante.
Encore un excellent roman proposé par le Prix Louis Guilloux…. diantre que le choix sera ardu !
Beaucoup trop de blabla pour arriver à un bout de roman et quelques lignes sur la Shoah… la première partie est lourde de la dépression de l’auteur liée au Covid et je n’ai pas ressenti du tout la chape de plomb qu’elle décrit. Bref cela a gâché le reste