S'introduire chez le vieux Moglione, paix à son âme, et voler quelques bibelots aurait dû être un jeu d'enfant. Pourtant, quand le cambriolage tourne au fiasco, quatre amis inséparables se retrouvent contraints de fuir la belle cité de Brillanza.
S'improvisant cuisiniers et comédiens itinérants, ils peuvent compter sur leur bonne humeur et leur inventivité culinaire pour se sortir des galères. Mais alors que leur route les mène toujours plus au nord, ils découvrent que les objets qu'ils ont volés semblent avoir réveillé les souvenirs d'une guerre meurtrière, qui ravagent peu à peu les régions qu'ils parcourent, de la côte des Dryades aux marais baïlaks... Un nom est sur toutes les lèvres : la sorcière Crachemort serait de retour.
Mais peut-on sauver le monde seulement armé de jeux de mots et de bons petits plats ?
Quelques années après la dernière aventure de Silas, Rossignol et La morue, Raphaël Bardas revient chez Mnémos avec un nouveau roman intitulé Les fourneaux de Crachemort. Même univers mais loin de Morguepierre, nouveaux protagonistes et une accroche « Food-truck fantasy » fort alléchante, j’avais hâte de goûter ce plat-là.
Quatre amis de longue date, monte-en-l’air en dilettante quand l’ennui gagne, trouvent un plan de cambriole facile dans une maison vide après le décès du proprio. Mais la maison vide n’est pas vide et ils doivent se carapater vite fait, emportant seulement quelques accessoires de théâtre trouvés dans un coffre qui traînait là. Pas trop de casse, mais c’est à partir de ce moment-là que chacune de leurs vies va partir en cacahuète, et chacun pour des raisons différentes ils vont se retrouver à fuir la cité, planqués dans une roulotte qui fait office de taverne itinérante. La vie de cuisiner-amuseur commence alors pour Catane, Fauve, Mwandishé et Marcello, mais le passé qu’ils ont laissé derrière semble vouloir mettre des bâtons dans les roues de leur roulotte.
Gros changement de cadre puisque la grise Morguepierre laisse la place à la brillante Brillanza, où Raphaël Bardas se fait plaisir en nous plongeant dans une ambiance bien sudiste faite d’apéros, d’antipasti, de légumes du soleil, de siestes et de vin qui tape. Bon, bien sûr on va voyager à bord de cette « camelote » et on va aussi traverser quelques contrées plus froides, mais l’air du sud reste collé à la peaux de nos joyeux drilles, et les senteurs de sa cuisine aussi. Oui on va beaucoup parler de bouffe et de boisson dans Les fourneaux de Crachemort ! On a là une ode à la fête, à la bonne chair, et à l’amour dans tous les sens du terme (et dans tous les sens tout court), car c’est toujours ça qui sauve le monde, c’est bien connu.
L’auteur retrouve son sens de la formule et de la théâtralité ici, et même avec les curseurs un peu plus poussés puisque le théâtre est un des sujets centraux de l’histoire. Il a une patte particulière dans le paysage de l’imaginaire puisque sa plume est très inspirée du théâtre (justement), c’est frais, mélodique, rythmé et joueur et personnellement j’adore ça. On s’amuse avec le sens de la formule, les jeux de mots, les trouvailles et les dialogues à contre-temps, mais ça met aussi en valeur le fond de l’histoire, et aussi nos protagonistes si attachants. Parce qu’un des tours de force des Fourneaux de Crachemort, ce sont ces quatre énergumènes qui nous emmènent dans leur food-roulotte à travers le monde.
Catane est la bagarreuse, la fonceuse qui est en première ligne au moindre signe de filade, et elle forme un duo de saltimbanques virevoltants avec son demi-frère Fauve, plus torturé mais flamboyant dans tout ce qu’il touche. Marcello est le colosse bon vivant, le cuistot de la bande, génie de la saucisse et des câpres, qui amène son âme et sa sensibilité dans cette cuisine à roulettes. Mwandishé est peut-être celle qui m’a le plus touchée, posée, cultivée et réfléchie, elle est la plume et le calme dans la tempête, l’exploratrice amoureuse de l’amour et chercheuse de tout. Ensemble ils sont un groupe équilibré, avec ses tensions et ses moments de camaraderie puissants et touchants, ils ont chacun leurs défis, leur passé, ils portent cette histoire et emportent les lectrices et lecteurs dans un monde sombre et cruel qui ne leur épargnera rien.
Oui parce qu’on pouvait avoir l’impression que le roman de Raphaël Bardas pouvait nous emmener vers de la cosy-fantasy tranquille faite de pizzas et d’apéro mais en fait non. Oui on part sur les routes pour amuser et nourrir le monde sur les places et les marchés, on a une part de grosse joie de vivre qui fait du bien. Mais en face il y a un monde sombre et cruel, où les dieux déchus marchent parmi les hommes avec leurs malédictions et leur cruauté. Il y a des morts, des situations dramatiques et des moments de désespoir intenses, mais ce contraste est un des piliers du roman, qui fonctionne extrêmement bien. On nous parle du pouvoir de la camaraderie, de la fête et de l’amour face à des situations désespérées et horribles, avec des gros moments de doutes et des envolées puissantes qui donnent de la force au propos. Cette dualité du personnage hyper-positif dans un monde sombre et cruel qui va en repousser les limites, c’était un truc qui me faisait kiffer dans les Greatcoats (même si dans un tout autre style), et je retrouve ça avec grand plaisir ici.
Les fourneaux de Crachemort est donc une grande réussite pour moi. L’auteur nous propose une fantasy qui fait la part belle à la camaraderie et au théâtre, au bon mot et à la fête, dans une histoire hors-norme, touchante et vivante. C’est sombre, c’est lumineux, c’est tendre, c’est corsé, c’est sucré et j’ai faim. Merci Raphaël Bardas, continue donc de « dispenser la joie et les saucisses », je serai là pour le suivant.
Roman reçu en Service Presse de la part de Mnémos, que je remercie.
On se retrouve aujourd’hui avec un récit de food-truck fantasy signé Raphaël Bardas. Les fourneaux de Crachemort est son troisième livre, après sa duologie des Chevaliers du Tintamarre. Il se déroule de fait dans le même univers, mais s’attache à des personnages différents qui fuient leur cité d’origine à bord d’un food-truck tracté par un mégalodonte nain. Une aventure rocambolesque et déjantée !
Suite à un cambriolage qui a mal tourné et au cours duquel ils ont récupéré, sans s’en rendre compte, quatre artefacts imprégnés d’Art Sinistre, Catane, Fauve, Marcello et Mwandishé doivent fuir la cité où ils sont nés. Ils ne fuient pas seulement les autorités, mais aussi des obligations familiales déplaisantes, et lorsqu’ils trouvent refuge dans une roulotte à fourneaux, un vent de liberté s’empare d’eux. Bien vite, l’excitation l’emporte sur la peur, mais c’est compter sans l’origine des artefacts volés qui attirent sur eux l’attention de la terrible Crachemort et de ses troupes.
C’est le début d’une épopée, de foires en festivals, à inventer des recettes, vendre des saucisses, monter des spectacles pour amuser la galerie et, surtout, mettre le plus de distance possible entre Brillanza et eux. Les rencontres et les péripéties s’enchaînent jusqu’à la lointaine contrée où vit Crachemort, qu’ils devront vaincre pour échapper à la malédiction qui pèse désormais sur eux. Une aventure hautement improbable mais parfaitement réjouissante, auprès de héros attachants, drôles et doués d’une belle répartie donnant lieu à des dialogues succulents.
Ce sont tous les quatre de bons vivants, dont la devise pourrait être “carpe diem”. Ils aiment profiter de tous les plaisirs de la vie et ne s’en privent pas. Mais ils ont aussi un vrai talent pour s’attirer des ennuis, le genre de personnages qui est un peu la marque de fabrique de Raphaël Bardas, c’était déjà le cas des chevaliers du Tintamarre. S’ils sont un peu moins lourdauds que ces derniers, ils ont quand même bien la poisse ! Mais malgré le côté un peu loufoque de l’intrigue, l’auteur y aborde des sujets intéressants, comme le désir d’échapper au poids du passé et d’utiliser l’art pour y parvenir.
Malgré un petit effet “ventre mou” vers le milieu du roman - normal, quand il s’agit de gourmandise -, je me suis surprise plusieurs fois à lire le sourire aux lèvres. Raphaël Bardas a un univers bien à lui dont il ressort qu’il est, je cite, “avant tout question de s’en payer une bonne tranche” ! Et franchement, c’est une belle réussite.
Quatre gosses errants sous un ciel d’encre, Courent entre l'ombre et le vide, Petits acrobates empressés Portés par l'élan d'un larcin improvisé.
Fauve, brûlé d'orgueil et de blessures, Son verbe tranchant comme une lame oubliée. Marcello, ancré dans la terre, Le ventre rond de rêves et de saveurs. Mwandishé, au silence et aux secrets tissés d’or, Catane, étoile rebelle, éclatant dans l'obscur.
Un coffre, une faute, quatre reliques volées, Eclats maudits d’un théâtre consumé : L’épée, le fleuret chantant les morts, Le manteau lourd de froid et de présages, Le masque tissé de vérités acides, et la plume, douce et cruelle, aux mots remplis d'abîmes.
Le bruit retentit, La fureur sonne.
Leur rire s’efface sous les ronces d’un enfant-monde. Puis vient un pas suivi d’un autre, sur les routes du néant. Brillanza n’est plus qu’un souvenir fané, La roulotte devient alors abri, scène, foyer.
Dans les marchés bondés Sous l’œil bienveillant d’un mégalodonte nain, ils jouent et cuisinent. L’une crie à l'amour, quand l’autre rit au feu, Lui, pétrit la pâte des jours fragiles, Elle, murmure des légendes d'antan
Mais les ombres rampent, tenaces, Crachemort, spectre aux mille masques, les traque. Derrière chaque sourire, chaque festin, les artefacts vibrent, suintant d’une faim ancienne.
De foire en clairière, sous l'étoile glacée, ils fuient. Mais fuir est un cercle qui se referme. En noces tragiques ou en moissons macabres,
Rires éclatants mêlés aux larmes muettes, S’entame dans ce récit Une danse entre le burlesque et le drame, Commedia dell’arte poétique, pleine d’esprit, grivoise et toujours cette plume qui griffe la vérité, ce masque qui dévore l’âme.
Leur quête est un cri, une lutte insensée, contre le poids du passé, contre les chaînes de l'Art Sinistre. Et quand vient la fin, Car quand c’est fini, c’est fini c’est un silence abrupt, sans éclat, mais l’écho d’une liberté volée. Tout cela servi dans un récit savoureux Malgré la noirceur des enjeux.
Sous des feux éteints et des cœurs gelés, Voici des voleurs devenus cuisiniers Un Fou de Tereukh, Une scène et des rêves qui fument : Chantez pizzas, dansez ravioles
Un récit dévoré en deux jours ! J’ai adoré les personnages si hauts en couleur, imparfaits et attachants. L’ambiance italianisante, entre invention de la pizza et commedia dell arte n’était pas pour me déplaire. De manière générale, j’ai été séduite par l’élan de plaisir de vivre qui semble être le message du texte : le théâtre, la bonne bouffe, le vin et les plaisirs charnels. C’est très dionysiaque tout ça !
Mon seul bémol vient de mon horizon d’attentes : le « food truck fantasy » m’envoyait des vibes « cosy / fantaisistes », or si je les ai eues, il y avait aussi beaucoup trop de sordide, horrifique, monstrueux et dégueulasse à mon goût… je ne m’y attendais pas et ce n’est pas ce que j’ai préféré. D’ailleurs, c’est de la littérature adulte, hein ! (Pas à mettre entre les mains d’ado).
Cela reste une belle découverte !
« Nous sommes ce que l'art, en tant que pulsion de vie, pouvait donner de mieux pour enrayer la marche de l'enfer ! »
Un roman à la narration si particulière, digne des pièces de théâtre italienne et de l'absurde. Des personnages haut en couleurs si bigarrées. C'est vraiment un quatuor avec une soif de vie et de beuveries, alliant tragique et comique dans leurs histoires, leurs envie et faisant preuve parfois de tellement d'humanité. Cependant, j'ai tout de même trouvé que ça partait dans tout les sens et que le récit avait du mal à retourner à son but premier. L'auteur nous perd comme il perd ces personnages. J'ai trouvé quelques longueurs par moments.
Une histoire prenante. J'aime beaucoup les histoires ou le hasard et le destin ne font qu'un. Ce que j'ai apprécié dans ce livre c'est le sentiment que cette histoire aurait pu suivre n'importe qui mais que les personnages choisis étaient les meilleurs pour leurs rôles. Le côté foodtruck et le message sur le rapport à la joie de vivre et la bonne bouffe m'ont beaucoup plu. Le seul élément qui noircit un peu le tableau pour moi est la fin un peu précipitée. Tous les intrigues se finissent d'une manière cohérente mais un peu rapidement.
Le pitch (food-truck fantasy) m'avait rendu·e vraiment enthousiaste, peut-être un peu trop. L'histoire est bien ficelée, mais je n'ai pas réussi à passer au-delà du style. Chaque fois que j'arrivais un peu à m'attacher à un personnage, le style (à la fois un peu "trop écrit" mais aussi avec un décalage de ton qui n'a pas fonctionné pour moi) me faisait décrocher. Je pense que ce n'est pas un mauvais livre per se malgré quelques griefs personnels sur le traitement de certains personnages, mais lisez quelques pages avant de vous y mettre pour vérifier que c'est votre truc.
Des personnages anti héros très attachants, une plume théatralisée qui surprend et une vraie quête de fantasy mais qui tourne beaucoup trop autour de l'absurde à mon goût. Passé les 80% je n'en pouvais plus des scènes de débauches, elles sont trop nombreuses et finalement trop semblables. Je n'ai pas du tout été convaincue de la façon dont les personnages dénouent l'intrigue. Dommage car j'ai quand même bien ri à certains moments.