"Juste, avant de continuer, je voudrais remettre quelque chose en place : je construis malgré moi mon image à vos yeux, ne soyez dupes d'aucun de mes livres. Je me suis résigné depuis longtemps à laisser mes sentiments précéder mon esprit. Je me vois, spectateur complice, guider mes désespoirs et mes euphories comme un peintre compose un portrait. Si je ne sais pas vivre, je sais au moins en donner l'illusion et afficher une apparence qui a quelque chose de celle d'un personnage de roman."
Cette nouvelle rencontre avec Rachid O, après Analphabètes, m'a permis de me confronter encore et encore au style de cet auteur, très déroutant. Il ne cherche pas à faciliter la lecture de son livre alors qu'il nous livre ses pensées, ses angoisses, ses expériences disparates, sans chronologie, comme pour nous donner à voir l'étendue de "Ce qui [lui] reste" après des années. Rachid O nous met à nouveau face au dilemme de l'écriture dans laquelle il semble trouver à la fois une délivrance mais aussi la souffrance, voire la frustration de ne pas pouvoir écrire ce qu'il voudrait. Comme dans une expérience d'association libre, l'auteur nous confronte à ses angoisses, à ses manques, sentimentaux, poétiques... Mais à côté de cette entreprise d'écriture métapoétique qui nous plonge parfois dans une légère léthargie, Rachid O nous met soudain face à des situations très concrètes: la relation au père, le destin d'une sœur rejetée par la société, l'image d'un oncle qui se dessine en filigrane dans le discours de Rachid enfant et adulte, ainsi que ses expériences amoureuses et sexuelles, pas toujours épanouissantes... En définitive, je me suis trouvée face à ce livre entre admiration et rejet, incompréhension en empathie, et j'ai l'ai clos avec la même impression que celle ressentie après Analphabète, à savoir que cet auteur nous offre certes une lecture difficile, cryptée mais qu'il également énormément de choses à nous apprendre sur la vie concrète. C'est une entrevue intime qui se déroule tout au long de ce livre et qui nous permet de devenir complices de ce narrateur particulièrement humble.