"Ça marche, c'est tout", nous dit la publicité pour un smartphone. C'est simple, c'est intuitif. Il n'y a pas à se poser de questions. Le passage au numérique tel que nous le vivons aujourd'hui correspond largement à une délégation généralisée des choix politiques, éthiques, culturels et sociaux à des opérateurs privés qui ont su rapidement proposer des "solutions fonctionnelles" pour à peu près tout. Dans cet essai provocateur, le philosophe Marcello Vitali-Rosati prend le contre-pied de cet "impératif fonctionnel" au coeur de la vision du monde dans laquelle les GAFAM nous enferment. Il propose au contraire de réfléchir à partir de ce qui heurte le flux bien huilé des rhétoriques de l'immatérialité, de la simplicité, de l'intuitivité et du bon fonctionnement : le bug. En anglais, ce mot signifie "insecte", mais aussi "spectre". En court-circuitant la machine qu'il habite et qu'il hante, le bug nous pousse à ouvrir la boîte noire. C'est aussi ce à quoi ce livre nous invite. Au lieu de nous laisser séduire par un discours qui, nous promettant de nous délivrer de toutes les tâches matérielles, finit par nous asservir à une poignée de plateformes, nous pouvons cultiver une connaissance critique des technologies à même de nous libérer de cette emprise.
Il y a eu des moments où j'ai eu un peu de mal à suivre - questions de style - mais le propos d'ensemble est limpide, la variété des exemples très efficace. Je n'ai pas appris énormément de choses dans la mesure où ce sont des questions qui m'intéressent depuis des années, mais la mise en perspective était très chouette et je pense que pour des personnes peu geeks c'est au contraire très intéressant de ce point de vue.
Surtout, j'ai adoré la conclusion, qui récapitule tout ce que j'ai cherché dans ce livre et que j'y ai trouvé : un éloge simultané de la "geekerie" d'accord, mais aussi du DIY (c'est plus large), du queer (le bug, c'est l'inverse du straight imho, mais c'est moi qui l'ajoute par rapport au livre), du handi (pareil), du féministe même (là c'est pas moi c'est dans le livre ! bon, un peu, et creusable), du littéraire, du gratuit et de l'inutile. Il y a aussi, corrélé à tout ça, une question de morale - parce que le fond reste très simplement "svp faites vos propres choix mais faites-les vraiment" -, mais il me semble qu'elle reste là pour celles et ceux qui voudraient creuser, sans s'imposer explicitement pour celles et ceux qui voudraient plutôt juste s'informer un peu. Pareil pour le petit règlement de comptes de la fin (dont on comprend qu'il est pas mal structurant en fait) : on comprend la rancœur et le moteur, en même temps ça reste pris à la légère.
Au départ emprunté pour préparer des médiations d’expo, Éloge du bug a été ce genre de lecture qui tombe parfaitement au bon moment. J’ai du mal à m’intéresser à tout ce qui est technologies, sûrement par ignorance, c’était donc la première fois que je lisais de la non-fiction sur le sujet - bien qu’Éloge du bug soit bien plus que ça. Transdisciplinaire, l’essai de Marcello Vitali-Rosati est un manifeste libertaire et communautaire pour se saisir des outils que l’on prend pour acquis et prendre le temps, surtout prendre le temps, pour tout : pour réfléchir aux matrices de fonctionnement du numérique comme tout uniforme car uniformisé par le système capitaliste, pour apprendre à bidouiller même si cela veut dire perdre en efficacité, in fine perdre ce temps pour refuser l’impératif de productivité. la lecture est à la fois accessible (les 5 chapitres partent de références littéraires, de pop-culture, historiques, philosophiques… qui sont continuellement réinvesties et permettent d’assoir le tout sur des bases compréhensibles) et intellectuellement demandeuse (surtout si comme moi on y connaît pas grand chose en philo et en numérique). Marcello Vitali-Rosati décompose tout de façon à faciliter la compréhension et n’hésite pas à se répéter sur les éléments clés. J’ai beaucoup apprécié la richesse des exemples déployés au fil des chapitres et l’analyse critique du numérique sous le prisme du genre notamment au travers de l’opposition immatériel/materiel masculin/féminin. Il manque seulement une couche d’analyse sous le prisme de la race et du néocolonialisme qui est capitale à la bonne compréhension des enjeux du numérique selon moi! À part ça lecture vraiment enrichissante et qui j’espère m’aidera à tuer le capitaliste qui est en moi et qui me force à tjrs vouloir tout faire et tout optimiser dans ma vie!!!!!!!!!!
Cet essai m’a vraiment fait réfléchir. Il m’a posé de nombreuses questions sur ma propre perception des choses.
Par moments, j’ai été tenté d'arrêter la lecture en raison de sa complexité, notamment avec les nombreux noms de logiciels et ses réflexions philosophiques très intenses.
Ce n’est pas une lecture légère, il vaut mieux être dans de bonnes dispositions, surtout à partir du chapitre 4.
Bien que convaincu par le modèle du logiciel libre et d’accord avec le fond de ce qui est défendu dans cet ouvrage, j’ai eu du mal à aller jusqu’au bout. C’est long, souvent répétitif et même quelquefois ennuyeux. C’est tout de même une lecture indispensable pour bien comprendre le problème posé par les systèmes propriétaires. Ce faisant, pour un humain, citoyen, employé commun, l’impératif fonctionnel se fait bien plus pressant que le besoin de liberté d’utilisation d’un ordinateur. Ce faisant je me fais l’avocat du diable et je le regrette, mais les choses et théories défendues par les tenants du libre manquent souvent de ce pragmatisme
Alors. ALORS. c'est bien hein, et je suis d'accord avec le propos du livre. mais je trouve ça un peut décevant qu'il y ait aussi peu de mentions de sociologie autour du numérique, alors que les travaux soutiennent largement ce qui est dit dans ce livre. "Les femmes font des taches hyper genrées dans le numérique . Regardé les informaticiennes des années 60 et Alexa". Oui et les monteuses de produits informatiques à la chaîne. "les digital natifs n'existent pas parce que on peut pas être natif de quelque chose qui ne s'intègre pas à notre culture". Entre autre, mais aussi on a prouvé que le concept ne marchait pas en general car les jeunes ne s'en sortent pas mieux que leurs parents avec l'informatique . Ya pleins d'autres trucs comme ça ou l'auteur m'a donné l'impression de detricoter des trucs qui s'étaient déjà fait pulvériser dans d'autres domaines de recherche. Aussi, je ne suis pas d'accord sur le fait qu'on ne pourrait reprendre le contrôle de numérique que via l'ordinateur et pas via le téléphone. Il y a des systèmes d'exploitation libres complets développés pour reprendre le contrôle de nos téléphones. Je nd trouve pas ça très respectueux de ne pas parler de tout ce travail, qui doit s'adapter a chaque modèle de téléphone. Enfin, c'est bien jolie la conclusion, mais je pense qu'il y a vraiment une sous estimation du coup d'entrée pour arriver à ce niveau d'informatique, que se soit en terme de temps ou de connaissance. Bon. J'ai l'air de descendre le bouquin. Mais je l'ai vraiment aimé. C'est pour cela que les petits manquements sont aussi frustrant.
Review en Français • en Español • in English Ce livre réfléchit la construction de l'espace numérique superposé à notre monde analogue. Le questionnement se fait autour des produits des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ces entreprises qui se fondent dans notre paysage jusqu'à ne plus être remarquées, et comment elles envahissent de plus en plus nos actes de tous les jours et agrandissent notre dépendance à elles. « Éloge du bug » fait sortir du nuage et du virtuel ces technoligarques et les ancre dans la matérialité de leur existence et la non neutralité de leurs produits. Cette lecture permet de comprendre les éléments en jeux quand on achète un appareil, qu'on utilise un logiciel, qu'on se connecte à l'internet, qu'on communique avec d'autres personnes, qu'on achète des produits en ligne, ou qu'on crée des documents. L'auteur offre aussi des alternatives au modèle clé en main des GAFAM. Je recommande hautement ce livre à toute personne qui voudrait commencer sa littératie de l'espace numérique. — Este libro reflexiona sobre la construcción del espacio digital superpuesto a nuestro mundo analógico. El cuestionamiento gira al rededor de los productos de las GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), estas empresas que se integran en nuestro panorama hasta hacerse invisibles, y cómo invaden cada vez más nuestras acciones cotidianas y aumentan nuestra dependencia a ellas. "Éloge du bug" saca a estos tecnoligarcas de la nube y de lo virtual, y los ancla en la materialidad de su existencia y la no neutralidad de sus productos. Esta lectura nos permite comprender los elementos que intervienen cuando compramos un dispositivo, usamos software, nos conectamos a internet, nos comunicamos con otras personas, adquirimos productos en línea o creamos documentos. El autor también ofrece alternativas al modelo de clave en mano de las GAFAM. Recomiendo ampliamente este libro a cualquiera que desee iniciarse al mundo digital. — This book reflects on the construction of the digital space superimposed on our analog world. The questioning is around the products of the GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), these companies that blend into our landscape until they are no longer noticed, and how they increasingly invade our everyday actions and increase our dependence on them. "Éloge du bug" brings these technoligarchs out of the cloud and the virtual space to anchors them in the materiality of their existence and the non-neutrality of their products. This reading allows us to understand the elements at play when we buy a device, use software, connect to the internet, communicate with other people, buy products online, or create documents. The author also offers alternatives to the key in hand model of the GAFAM. I highly recommend this book to anyone who would like to begin their digital space literacy.
Cette lecture est longue, difficile, et surtout nécessaire.
C’est un tour de force que réalise Marcello Vitalli-Rosati, professeur à l’Université de Montréal. Si fort, que je ressens presque un malaise à me voir taper un texte dans Word sans vraiment m’en rendre compte.
Parce que c’est bien l’un des points traités par l’auteur : le numérique prend tout en charge, pas besoin d’utiliser votre cerveau.
Marcello Vitalli-Rosati part du constat que le numérique envahit nos vies, de manière si sournoise que l’on ne se pose jamais la question du pourquoi. L’auteur propose alors tout une réflexion sur l’intégration du numérique par le capitalisme, et dans nos vies.
Cet éloge du bug nous pousse à prendre le temps de la réflexion autour de différentes questions fondamentales que l’on nous pousse tout de même à oublier.
La productivité, poussée à son paroxysme, nous rend esclave. Le bug, ce disfonctionnement, pourrait-il être notre solution?
Bien que certains passages soient plus complexes et opaques, cette lecture nous ouvre les yeux. Elle pose des questions. C’est clair, intelligent, dérangeant.
Perdez de votre productivité et lisez ce livre. Il en vaut la peine.
La littérature numérique doit être une capacité critique fondée sur l’analyse la compréhension et la maîtrise (…) nous serons libres si et seulement si nous sommes capables non pas d’utiliser mais de comprendre et de choisir nos environnements numériques, de formuler de façon critique nos besoins en étant toujours conscient.es de la multiplicité des modèles et des choix possibles
Les grandes applications mainstream fondent leur modèle sur la vision du monde qui a le plus de chance d’être partagée par le plus grand nombre . (…) ce choix a un effet ultérieur : ces applications diffusent de manière encore plus large et renforcent le modèle dominant
Solutionnisme technologique (Morozov) : approche selon laquelle tous les besoins sociaux sont de fait transformables de façon unique claire et non ambiguë en problèmes qui peuvent être résolus par de bons algorithmes
whatsapp : une application moins accessible, qui ne notifierait pas , qui séparerait les espaces de vie , qui serait moins invasive serait considérée comme non fonctionnelle parce qu’elle proposerait une vision du monde différente de celle de la productivité capitaliste
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Une réflexion intéressante qui permet de s'arrêter pour réfléchir. "Tout cela est une perte de temps. Comme le sont, en effet, toutes formes véritable de liberté, de pensée et de philosophie"