Ils sont artisans, employés, pompiers, commerçants, retraités… Ils ont un statut stable, disent n’être « pas à plaindre » même si les fins de mois peuvent être difficiles et l’avenir incertain. Et lorsqu’ils votent, c’est pour le Rassemblement national. De 2016 à 2022, d’un scrutin présidentiel à l’autre, le sociologue Félicien Faury est allé à leur rencontre dans le sud-est de la France, berceau historique de l’extrême droite française. Il a cherché à comprendre comment ces électeurs se représentent le monde social, leur territoire, leur voisinage, les inégalités économiques, l’action des services publics, la politique. Il donne aussi à voir la place centrale qu’occupe le racisme, sous ses diverses formes, dans leurs choix électoraux. Le vote RN se révèle ici fondé sur un sens commun, constitué de normes majoritaires perçues comme menacées – et qu’il s’agit donc de défendre. À travers des portraits et récits incarnés, cette enquête de terrain éclaire de façon inédite comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien.
Félicien Faury est sociologue et politiste, chercheur postdoctoral au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales).
Passionnant et accessible, un livre qui analyse notamment le rôle central du racisme dans le choix des électeurs RN. J’ai beaucoup aimé l’approche sociologique de l’auteur, certains de ses choix : les entretiens non dirigés, le fait de ne pas écrire les insultes rapportées, le rappel constant que les individus s’inscrivent dans une société et n’existe pas dans une bulle.
L’ouvrage arrive à la fois à ne pas déresponsabiliser les électeurs RN (évitant les incomplets « ils ne savent pas » ou « c’est un vote contestataire ») tout en explicitant les dynamiques et inquiétudes réelles qui se jouent pour eux.
Bref, une enquête précieuse à lire de tout urgence avant les prochaines élections pour mieux comprendre les causes de ces votes – et mieux les combattre !
C'est assez fou d'écrire un ouvrage qui s'impose déjà clairement comme un classique de la sociologie électorale de l'extrême droite et plus largement de la socio de l'extrême droite !
J'ai déjà fait la propagande de ce livre auprès de tou·te·s mes proches. Les premiers retours que j'en ai : tout le monde est fasciné par cette lecture.
Félicien Faury nous donne des clés pour essayer de comprendre et, in fine, changer la situation et le paysage politique français. Sans jugement envers ses enquêté·e·s, avec un ton pédagogue, il va au-delà du raisonnement scientifique qui rend compte de ce qui a été saisi à un instant t sur un terrain avec une visée plus ou moins universalisante. Pas déprimant, mais parfois révoltant, surtout quand on ne côtoie personnellement aucun·e électeurice RN. Éclairant quand on a déjà discuté avec ces personnes et qu'on se rend compte que leurs catégories de représentation du monde social sont celles de plein d'autres électeurices FN qui ne résident pas en PACA, voire de personnes à droite (LREM, LR).
Et puis merci d'avoir mis les points sur les i ! C'est plus possible d'éluder la question du racisme, qui est un facteur clé dans la motivation du vote FN/RN ! C'était sublime ce recadrage (si carré) qui remet chacun·e à sa place sur ses analyses focalisées sur la classe à tel point qu'on en """oublie""" les revendications phares de ce parti fondé par des SS, avec lesquelles leurs électeurices sont bien en accord.
J'ai l'impression qu'il y a une liberté de ton dans cette écriture, permise par le cadre non académique de sa parution, qui m'est vraiment appréciable. Pour ce qui est de la forme, c'est limpide. On ne s'aventure pas dans des phrases bourdieusiennes qui font tout un paragraphe, avec plein de parenthèses dans des parenthèses. Les concepts sont constamment expliqués, les notes de bas de page se trouvent bien en BAS de page et pas à la fin, et elles ne sont pas barbantes. Je pourrais m'épancher longtemps sur tous les points admirables de ce bouquin. Alors bravo aussi à l'éditeurice qui, j'en suis sûre, a beaucoup bossé.
J'avoue être aussi assez admirative du travail massif de débroussaillage des idées préconçues sur le sujet mais surtout de l'analyse passionnante de ce terrain ! Le livre m'a donné envie de lire sa thèse. Pas de publication prévue dans des presses universitaires…?
Dorénavant, je suivrai son travail de près. Il est si prometteur ! Et puis au vu du contexte politique, il est urgent de se saisir sérieusement de ces problématiques et d'en faire des discussions accessibles au nombre le plus large. Donc finito les livres de socio illisibles !
Pour aller plus loin : dans l'émission d'Ugo Palheta, Minuit dans le siècle, les parties 1 et 2 de l'épisode « Aux sources du vote FN/RN : prendre le racisme au sérieux », où Félicien Faury apparaît, sont vraiment précieux.
Des électeurs ordinaires, Enquête sur la normalisation de l'extrême droite, est un ouvrage du sociologue Félicien Faury, publié en mai 2024 au Seuil. J’avais vu, lu et entendu plusieurs fois son auteur en parler dans des articles, des vidéos ou des podcasts. Je savais que je le lirais un jour, mais j'avais repoussé ce moment car j'avais un peu peur d'être confronté à la parole de ces "électeurs ordinaires" qui donnent son titre au livre.
Ils sont artisans, employés, pompiers, commerçants, retraités… Ils ont un statut stable, disent n’être « pas à plaindre » même si les fins de mois peuvent être difficiles et l’avenir incertain. Et lorsqu’ils votent, c’est pour le Rassemblement national. De 2016 à 2022, d’un scrutin présidentiel à l’autre, le sociologue Félicien Faury est allé à leur rencontre dans le sud-est de la France, berceau historique de l’extrême droite française. Il a cherché à comprendre comment ces électeurs se représentent le monde social, leur territoire, leur voisinage, les inégalités économiques, l’action des services publics, la politique. Il donne aussi à voir la place centrale qu’occupe le racisme, sous ses diverses formes, dans leurs choix électoraux. Le vote RN se révèle ici fondé sur un sens commun, constitué de normes majoritaires perçues comme menacées – et qu’il s’agit donc de défendre. À travers des portraits et récits incarnés, cette enquête de terrain éclaire de façon inédite comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien.
L’ouvrage est à la fois passionnant et terrifiant. Comme je le craignais, il a été difficile pour moi de lire les paroles et la vision du monde portées par les électeurs du RN que Félicien Faury a rencontrés entre 2016 et 2022. Pour autant, le travail de sociologue réalisé par l’auteur pour sa thèse de doctorat et pour ce livre est nécessaire et très éclairant.
D’après Félicien Faury, le racisme est central dans les motivations de ces électeurs, et il recommande de ne pas fermer les yeux sur cet aspect, au profit d’une vision purement sociale ou économique d’un vote que serait vu uniquement comme contestataire.
Evidemment, cette vision racialiste du monde s’appuie également sur des considérations sociales et matérielles : ces deux aspects s’auto-alimentent, dans un souci partagé par ces électeurs de rester majoritaires d’une part, et dominants parmi les dominés d’autre part.
Dans un système de triangulation sociale où ces individus s’estiment pris en étau entre des élites inaccessibles et des classes populaires immigrées bénéficiant d’un système de redistribution sociale dont ils considèrent ne plus bénéficier eux-mêmes, le racisme et le vote RN deviennent des moyens de lutter contre une impuissance économique, sociale et culturelle.
Je ne sais pas si je ressors très optimiste sur notre avenir politique et social après avoir lu ce livre, mais c’est en tout cas une étude sociologique qui me semble de grande qualité, accessible au plus grand nombre, et très utile pour comprendre à la fois les motivations de ce vote croissant pour l’extrême-droite et les déterminants sociologiques derrière ce phénomène politique inquiétant.
Excellent bouquin de socio construit sur un travail de terrain de plusieurs années auprès d'électeurs et d'électrices RN dans le sud-est de la France.
Dans un moment où la gauche est en train de s'écharper et se diviser sur la stratégie à mettre en place face à la montée inexorable de l'extrême-droite ça fait beaucoup de bien de lire un travail aussi fin et précis pour sortir des batailles à coups de "fachés pas fachos" et de "stratégie terra nova".
Le bouquin analyse comme la question du déclassement, bien réelle ou ressenti, s'articule systématiquement avec le racisme et pourquoi ça ne fait pas sens de séparer ces deux enjeux.
Les électeurs du RN le sont entre autres parce qu'ils ont peur de la dégradation de leur situation économique. Mais au lieu de désigner les dominants économiques comme responsable, cette peur est systématiquement articulée à une mise en accusation et un dénigrement constant des classe populaires racisées. Ils sont perçus à la fois comme des profiteurs, qui bénéficieraient injustement d'aides, mais aussi comme une menace pour la position sociale et le mode de vie de ces électeurs d'extrême-droite. Le livre démontre super bien cette articulation et comment le sentiment de déclassement nourrit le racisme et inversement.
Une idée que j'ai trouvé particulièrement intéressante, c'est que les électeurs RN sont notamment la frange de la population blanche qui ne peuvent pas profiter du système raciste "silencieusement" comme peuvent le faire les franges plus riches et la bourgeoisie. Parce qu'ils sont plus bas sur l'échelle sociale que les plus riches et qu'ils sont de plus en plus soumis aux tensions du capitalisme, ils cherchent à renforcer les frontières de l'ordre raciste, pour s'assurer de ne pas rejoindre le camp des dominés. "Si le racisme apparaît si régulièrement dans les paroles de ces électeurs, c'est aussi parce que ces derniers peuvent moins compter que d'autres sur les mécanismes silencieux et implicites par lesquels la racialisation bénéficie usuellement aux membres du groupe majoritaire."
Merci felicien pour ce super travail ! (Après lui a été payé pour passer du temps avec des fachos pendant que moi je le fais gratuitement sous prétexte que c’est ma famille quoi…)
Le RN est raciste ?! Mais non ?! (Je rigole je rigole mais vu l’ambiance générale véhiculée par les médias ça reste un livre assez important)
Excellent. Une enquête sociologique accessible, claire et on ne peut plus pertinente par les temps qui courent. Spoiler: le vote RN est bien un vote raciste (mais le livre mérite vraiment d’être lu en son entièreté car le développement de la thèse de l’auteur est extrêmement fin).
This entire review has been hidden because of spoilers.
Plus qu’une critique de ce livre, ceci est une fiche de lecture, un résumé de ma prise de notes pour essayer d’en retenir une partie. Si je devais donner mon avis, ce livre est très bien écrit, permettant une lecture étonnamment fluide pour de la socio, en plus de traiter d’un sujet essentiel en France en ce moment à savoir non seulement pourquoi les gens votent pour le Rassemblement National, mais aussi dans quelles logiques de pensée plus larges ce vote s’inscrit : « davantage que l’acte de vote lui-même, qu’il ne s’agit pas de fétichiser, ce sont ces visions du monde ordinaires qui m’ont intéressées » (parce qu’il faut pas oublier qu’une grande partie des gens s’en foutent un peu de la politique au sens institutionnel).
Une des opérations principales du livre est de montrer en quoi le vote RN est bel et bien un vote raciste, et d’étudier les mécanismes de ce racisme. Il détaille ainsi 4 opérations à l’œuvre dans le racisme : la fixation (focalisation sur un groupe de personnes), l’essentialisation (partir du principe que les individus appartenant – ou qu’on présuppose appartenir – à ce groupe partagent une essence commune), l’altérisation (idée que cette essence est fondamentalement différente de celle partagée par « nous ») et la hiérarchisation.
Il explique comment le racisme est souvent mis de côté dans les enquêtes sociologiques sur le RN par volonté de ne pas stigmatiser les classes populaires ; c’est pour éviter cela que lui-même ne cesse de rappeler que le racisme est multiforme et n’est pas l’apanage des groupes sociaux étudiés, tout en montrant que c’est une erreur sociologique de diminuer l’importance du racisme dans le vote RN, tout comme il y a un problème dans le présupposé selon lequel les préoccupations « culturelles » (racistes) des électeurs de leurs préoccupations « économiques ». C’est ce qui rend caduque les sondages de type « classer vos priorités », car quand le pouvoir d’achat arrive en premier par exemple, y compris chez l’électorat RN, la « question migratoire » est perçue (suite aux discours du RN) comme une cause de ce problème. Le racisme structure les convictions sur le « bon fonctionnement » de l’économie. Le RN propose un cadrage économique de la question migratoire, et ce dès les années 1970 avec le slogan « 1 million de chômeurs, c’est 1 million d’immigrés de trop », contribuant à forger une double image des immigrés comme voleurs d’emploi et profiteurs d’allocs.
Ce qui fait voter RN, c’est moins le chômage (qui entraîne plutôt l’abstention), que la peur du chômage, la peur du déclassement. Les électeurs RN sont souvent dans une position d’entre-deux : la haine de l’assistanat est nourrie chez eux car ils se perçoivent comme trop haut pour recevoir les aides sociales, mais avec malgré tout un salaire insuffisant pour vivre confortablement. La critique des assistés est souvent additionnée à la xénophobie : les chômeurs « branleurs » deviennent synonyme « d’arabes » et le sentiment d’injustice est plus important si ce ne sont pas des « français » (pas perçus comme tels par les interrogés) qui bénéficient de l’aide sociale. Ce deux poids deux mesures perçu concernant l’État social qui n’aiderait que « les étrangers » s’étend à la perception de la police et de la justice qui seraient bien trop laxistes avec la « racaille ».
Les minorités raciales sont associées à la pauvreté, tout en étant considérées comme pas suffisamment pauvres puisqu’elles sont supposées frauder pour obtenir plus d’allocations. Il existe une « dialectique entre les formes individuelles et structurelles de racisme » : cette racialisation de la pauvreté n’est pas un simple fantasme raciste, elle correspond à une réalité structurelle qui découle elle-même du racisme, il y a une circularité entre les représentations individuelles et les structures institutionnelles. Le racisme est un « régime de vérité » en ce qu’il cherche à établir une vérité sur la réalité sociale, qui rentre en concurrence avec les sciences sociales.
Le RN comme parti entretien les croyances racistes de ses électeurs, tout en restant dans le cadre de ce qu’il est possible d’exprimer en public. Par exemple, on observe une décorrélation du terme « étranger » de la nationalité. La rhétorique de la « préférence nationale » est utilisée comme dogwhistle raciste, sans pour autant mentionner la couleur de peau.
L’État et ses politiques sont perçus comme défaillants notamment dans le cas de l’école, alors même qu’en payant des impôts, les électeurs interrogés estiment avoir droit à ces services. Ils ont alors parfois recours à l’école privée, ce qui est un coût supplémentaire qui peut être difficile à assumer, mais l’investissement dans le privé est une forme de compensation économique d’un faible capital culturel. La dégradation de l’école publique est là encore perçue dans une logique raciste : les stigmates de pauvreté sont racialisés, ainsi que les clichés qui les accompagnent (indiscipline, violence). Les membres non-blancs et la politique migratoire sont rendus responsables de cette dégradation.
La casse et la mise en concurrence des services publiques entraînent une mise en concurrence des pauvretés sur le plan de l’obtention des prestations sociales (cf. image américaine de la « welfare queen »), ce qui a pour conséquence une augmentation de la xénophobie, qui se manifeste sous la forme d’un « protectionnisme reproductif ». L’école et ce type de prestations sociales sont des causes mobilisatrices chez les femmes, ce qui est un des facteurs explicatifs de l’absence d’un gender gap au sein du vote d’extrême droite en France depuis 2011.
Faury cherche à préciser sociologiquement l’image floue qu’on peut avoir du racisme : « Si le vote RN se nourrit du racisme, celui-ci renvoie moins à une haine de l’Autre abstraite qu’à une série d’intérêts proprement matériels, où l’hostilité raciale s’entremêle aux préoccupations économiques ».
Du point de vue de la géographie électorale, le RN ne prospère pas uniquement dans des territoires déclassés comme on peut le penser : la région PACA, dans laquelle Faury fait son étude, est attractive, mais c’est aussi la 2e région la plus riche de France en inégalités. Il reprend l’idée d’O. Schwartz d’une « conscience sociale triangulaire » : les électeurs appartiennent en grande partie à des classes « médianes », qui se sentent menacées tant par en haut que par en bas. Dans la région d’étude de Faury, cette menace est aussi géographiques : avec la hausse des résidences secondaires, les prix de l’immobilier sont trop hauts pour accéder à certains espaces, et dans le même temps les logements sociaux sont vus d’un mauvais œil, notamment car ils sont perçus à travers des lunettes racistes. « Les présences non blanches servent de véritables signaux informatifs qui permettent aux habitants de jauger et de comparer les espaces. » La simple présence des minorités raciales dans un espace est considérée comme un marqueur de dégradation.
S’ils sont menacés par en haut et par en bas, le sentiment d’injustice se dirige davantage vers le « bas » : alors que l’arrivée des riches est perçue comme un donné inévitable, les présences non blanches sont vues un fait politique régulable. Sur la question de la disparition des commerces en centre-ville, Faury montre que ce n’est pas seulement cette disparition qui est perçue négativement mais le fait que les commerces de proximité ou restaurants qui restent ne sont « pas assez français » (épiceries « arabes », kebab, halal, bar sans alcool). Il montre aussi comment certains commerces ont recours à des processus de sélection de la clientèle. L’électorat RN se caractérise non seulement par la volonté d’une ségrégation spatiale racialisée mais aussi par l’incapacité de la mettre en œuvre (à la différence de celle qui peut exister dans les classes supérieures).
Il existe aujourd’hui un consensus scientifique autour de l’existence de l’islamophobie, mais un rejet politique de cette notion : l’islamophobie est déniée ou diminuée au nom du droit de critiquer la religion. Le « racisme » est restreint à la dimension physique, en oubliant la part culturelle, religieuse et traditionnelle du racisme. Or, il devient difficile de séparer le racisme et la critique de la religion quand musulman est employé indifféremment comme synonyme d’arabe ou d’immigré.
L’électorat RN n’est pas exclusivement catholique, et quand il l’est c’est un « catholicisme détaché », à travers une « patrimonialisation » de la religion catholique qui est perçue comme un partage de « valeurs communes », avec une dimension culturelle. Le référent religieux est utilisé avant tout de manière agonistique, le catholicisme est un « truc de blanc ». Pas une guerre d’une religion contre une autre, car « l’islam » pose aussi problème aux électeurs athés du RN. C’est en raison de cet électorat majoritairement catho et athé que Le Pen a un double positionnement du côté d’un catholicisme patrimonialisé et d’une laïcité identitaire.
Le procès en sexisme fait à l’islam est hypocrite dans la mesure où la misogynie est réservée aux non blancs. Les pratiques misogynes sont soulignées comme le symptôme de la non-conformité des musulmans aux mœurs dites « françaises », « seul le sexisme des “autres” semble ainsi pouvoir être noté et perçu négativement. ». Sur le port du voile, le problème n’est pas l’injonction vestimentaire faite aux femmes, mais le type d’apparence auquel elles sont contraintes ; en d’autres termes, la dénonciation d’une misogynie islamique est décorrélée d’une lutte antisexiste, le sexisme de l’islam est dénoncé seulement en ce qu’il diffère d’un « sexisme à la française », ce qui explique la dénonciation du port de voile sur le registre du « dommage elle est belle ». A l’inverse, les femmes musulmanes ne portant pas le voile peuvent être condamnées comme duplices, trompeuses (alors même que le port du voile est dénoncé comme « refus de la séduction ». Enfin, si le port du voile est perçu comme un choix, il est vu comme un prosélytisme, une « imposition » de sa religion. « Le “défaut d’assimilation” des musulmans peut ainsi être appréhendé tantôt comme une impossibilité culturelle, tantôt comme un refus, volontaire, de s’assimiler à la société française et à ses mœurs ».
Puisque les musulmans continuent de l’être, cela veut dire qu’ils ne veulent pas s’intégrer ; à l’inverse, le bon arabe est celui qui boit et mange du jambon, mais même pour lui persiste un soupçon de dissimulation qui conduit à des « enquêtes ». « Il existe des volontés de savoir racistes, dont l’islamophobie est l’un des domaines de déploiement privilégiés. De même, l’analyse du racisme come “repli” serait ici fautive, occultant la dimension proprement active de la mise en suspicion raciale. » Il y a une forme d’irrationalité de la conception comme un corps étranger de la 2e religion de France. Rappel aussi que les discours islamophobes ne sont pas restreints à l’électorat RN, le racisme antimusulman étant répandu en France dans diverses couches de la société.
Il faut voir que dans l’opposition à la migration, tout n’est pas égal, les Ukrainiens et plus largement les européens sont acceptés, avec d’ailleurs certains électeurs qui ont des origines migratoires européennes, mises en avant par des récits de parcours « d’intégration réussie » qui légitiment la xénophobie à l’encontre des migrations non-blanches. Repousser certaines minorités et non d’autres permet de dénier les accusations de racisme, et le racisme permet d’intégrer le groupe blanc, a fortiori chez les victimes de racisme qui cherchent à s’intégrer dans le « on » français. « La peur du déclassement social s’exprime ici sous la forme de la déchéance raciale. Comme si tomber dans la précarité faisait aussi prendre le risque d’être amalgamé avec les groupes minoritaires stigmatisés. »
Dans le contexte social des interrogés, assumer le vote RN participe d’une certaine honorabilité. Ce vote a pour but de se maintenir dans le groupe majoritaire. « Si les personnes interrogées ont conscience que voter Marine Le Pen est un choix électoral potentiellement stigmatisant, c’est loin d’être le cas dans leur vie quotidienne, au cours des interactions concrètes avec leurs proches et leurs connaissances ». C’est un vote « normal » par rapport aux normes locales : le vote n’est pas personnel, il est toujours en lien avec les affinités sociales. Le contraste entre les préférences politiques de l’entourage et les résultats nationaux peuvent d’ailleurs conduire à une certaine méfiance. Par ailleurs, la dimension collective du vote permet la validation de son « bien-fondé » contre la stigmatisation.
Les électeurs reconnaissent (et revendiquent) le lien entre leur vote et l’exaspération contre les « immigrés » : ce n’est pas un vote purement protestataire, c’est une colère qui « n’est jamais générale mais orientée, se fixant notamment sur (et contre) certaines minorités spécifiques ». Dans ces milieux, il y a un consensus du rejet de l’immigration, qui est sans cesse confirmé dans des activités de routine (on peut en faire du small-talk). « Rattacher le vote RN au repli sur soi, à une crise du lien social ou à l’anomie est à mon avis une manière de battre en retraite sociologiquement, en expliquant cette préférence électorale par une sorte de “défaut social”, sans voir que cette préférence est en réalité le produit de sociabilités partagées et la marque d’un sentiment d’appartenance à certains groupes sociaux auxquels on s’identifie positivement. ».
La perception négative du vote RN les conduit à le justifier par un vécu différent, le lien stéréotypé racisme-ignorance les conduit à mettre en avant la connaissance (contre une vision de « bisounours » du monde par la gauche par ex). La gauche est associée à des socio-types suffisants alors qu’ignorants de la « réalité » (profs, artistes…), des socio-types à fort capital culturel. En effet, le vote RN est plus fortement lié au niveau de diplôme qu’au revenu. La réussite par le travail est vue comme ayant plus de valeur que la réussite par l’école, par un processus d’identification, qui conduit à une valorisation des élites économiques contre les élites culturelles. Les élites économiques ne sont critiquées qu’à travers l’image des « milliardaires » qui « se gavent » (le bon patron contre le rentier). La « gauche » est rejetée comme un amalgame des cultivés et des minorités, l’aversion politique est d’autant plus forte qu’elle s’ancre dans des antagonismes sociaux.
Mais dans l’ensemble, les « politiques » sont considérés comme un tout qui suscite la méfiance. Le monde politique cumule les critiques à l’égard des élites économique et culturelle : richesse trop importante et imméritée ; usage inutile du pouvoir rhétorique et symbolique. Cette méfiance s’étend en partie au RN comme personnel politique, mais les électeurs croient en son efficacité a minima sur la question migratoire. Montre bien que ce n’est pas juste un vote « parce qu’on a jamais essayé » : «Ce vote reste en effet orienté par des aspirations sociales et politiques spécifiques, qui vont porter prioritairement ces électeurs vers l’extrême droite (et non par exemple vers la gauche, y compris vers des partis qui n’ont pourtant pas été « essayés » non plus…) ».
Pour certains, vote enthousiaste pour le RN, qui fait sortir de l’abstention, avec parfois un attachement personnalisé à "Marine", en dehors du programme : « l’identification à un parti […] vient servir de filtre perceptif permettant d’orienter (et d’économiser) ses consommations et pratiques politiques », d’où un moindre succès de Zemmour chez cet électorat. Zemmour a attiré les fractions les plus politisées (souvent plus aisées) de l’électorat d’extrême-droite, et la nouveauté a joué en sa défaveur. La longévité politique paie, et a aussi permis à Marine Le Pen de prétendre incarner le peuple (même si c’est une bourgeoise) et d’abaisser son image de radicalité.
Il existe une conviction chez certains électeurs que le programme ne pourra pas vraiment être appliqué, et que l’extrême droite est moins extrême qu’avant (contraste père/fille), ce qui conduit à remettre en question la stigmatisation. Il faut voir aussi que la « dédiabolisation » n’est pas un phénomène nouveau mais au contraire, elle est à l’origine même de la création du FN par les membres d’Ordre nouveau. En parallèle, les responsables politiques continuent d’activer des « marqueurs de radicalité » pour que le parti conserve son image anti système.
F. Faury propose de prendre au sérieux la parole des électeurs, de ne pas le soupçonner automatiquement d’ignorance politique. Pour lui, il est possible et nécessaire « de saisir en même temps les fragilités de la condition sociale de ces électeurs et leur participation, depuis une position majoritaire, aux processus de racialisation et de stigmatisation des minorités. ». Il réfute aussi la volonté de confiner géographiquement le racisme de l’électorat RN à l’électorat RN du Sud, car cette différence Sud/Nord n’est à ce jour prouvée par aucune étude, et invite à ne pas le séparer des questions socio-économiques : « l’aversion entretenue vis-à-vis des minorités ethno-raciales constitue à la fois le dénominateur commun aux différentes fractions de l’électorat lepéniste et le lien entre les différentes motivations des électeurs du RN ». Refuser de voir le racisme, c’est aussi donner du crédit à la stratégie de dédiabolisation voulue par les cadres du RN, et l’appel aux « fachés pas fachos » (Ruffin, Mélenchon) contribue à cette minorisation du racisme. Les électeurs RN ne sont pas non plus antisystème puisque le RN est réélu : lorsque le « système » leur convient, les électeurs continuent à voter pour l’extrême droite.
Cette situation n’est pas irréversible : le racisme n’est pas un fait de nature mais une construction sociale et politique. Le RN le nourrit par un ancrage matériel, il s’appuie sur les « inégalités capitalistes » et le « raidissement raciste contemporain ». Si le vote RN s’inscrit dans des sociabilités ordinaires, durables, la lutte doit se faire au quotidien et pas seulement sur la scène électorale.
« Considérer cet essor comme un phénomène anormal ou pathologique, c’est ne pas voir qu’il se nourrit de normes déjà largement légitimées, que l’extrême droite ne fait que radicaliser ou simplement rendre explicites. […] Étudier le RN, comprendre ses électeurs, c’est aussi se rendre compte que ceux-ci ne penchent vers l’extrême-droite que parce que le monde dans lequel ils vivent penche avec eux. »
"Considérer cet essor comme un phénomène anormal ou pathologique, c’est ne pas voir qu’il se nourrit de normes déjà largement légitimées, que l’extrême droite ne fait que radicaliser ou simplement rendre explicites. Les discours « anti-assistés » et « anti-immigrés », si souvent entendus durant cette enquête, ne paraissent valides aux acteurs que parce qu’ils s’insèrent dans un contexte matériel, culturel et idéologique qui les rend possibles, voire valorisés.
Étudier le Rassemblement national, comprendre ses électeurs, c’est aussi se rendre compte que ceux-ci ne penchent vers l’extrême droite que parce que le monde dans lequel ils vivent penche avec eux."
Livre très instructif avec de nombreux témoignages permettant de comprendre avec précision le vote RN des électeurs du Sud-Est de la France.
This entire review has been hidden because of spoilers.
"Faire de l’extrême droite un épouvantail à part de la société est sans doute rassurant pour certains, mais occulte les processus collectifs qui concourent à la montée de partis comme le RN. Considérer cet essor comme un phénomène anormal ou pathologique, c’est ne pas voir qu’il se nourrit de normes déjà largement légitimées, que l’extrême droite ne fait que radicaliser ou simplement rendre explicites."
"Étudier le Rassemblement national, comprendre ses électeurs, c’est aussi se rendre compte que ceux-ci ne penchent vers l’extrême droite que parce que le monde dans lequel ils vivent penche avec eux."
Analyse du vote RN, notamment dans le Sud-Est. Indispensable pour penser l'avenir politique.
Parti-pris intéressant : prendre au sérieux le racisme des électeurs du RN, analyser comment il colore leur vision du monde, de l’économie et d’eux-mêmes à l’aune de la sociologie de la race/racialisation. Ça semble une évidence, mais peu de travaux de sociologie du vote en France l’avaient fait !
ravie d'avoir lu ce livre, même si j'ai un peu pris une pause au milieu pour me changer les idées la lecture du racisme au vote RN est intéressante, change de la prise en compte habituelle (soit insoluble, soit complètement déconnectée "fâchés mais pas fachos") l'approche est nuancée et permet de compléter un peu mieux la compréhension de l'extrême droite
Je recommande ce livre à toutes les personnes qui pensent que le vote RN est exclusivement un vote raciste ou exclusivement un vote de « ras-le-bol ». Vous n’avez qu’à moitié tort (Ou à moitié raison…!).
Je vous laisse avec la dernière ligne du livre qui résume bien l’enquête de l’auteur : « Étudier le Rassemblement national, comprendre ses électeurs, c’est aussi se rendre compte que ceux-ci ne penchent vers l’extrême droite que parce que le monde dans lequel ils vivent penche avec eux ».
Captivant et accessible, cet ouvrage explore en profondeur le rôle central du racisme dans les choix électoraux en faveur du RN. J’ai particulièrement apprécié l’approche sociologique adoptée par l’auteur, notamment certains de ses partis pris : les entretiens non dirigés, l’omission des insultes rapportées, ainsi que le rappel constant que les individus évoluent au sein d’une société et ne vivent pas en vase clos.
L’auteur parvient à ne pas déresponsabiliser les électeurs du RN – évitant ainsi les explications simplistes du type « ils ne savent pas » ou « c’est un vote contestataire » – tout en éclairant les dynamiques et les préoccupations réelles qui influencent leur choix.
Une enquête à lire pour mieux comprendre les motivations de ces votes et mieux les combattre !
9 Juin 2024. La France découvre presque 40% de votes pour l'extrême-droite. Le 30 juin, avec 60% de participation, elle en découvre encore 34%. Comment en est-on arrivé là ? Qui sont ces électeurs ?
Dans une enquête de terrain, réalisée dans le Sud-Est de la France, Félicien Faury interroge des électeurs RN convaincus et tente de dresser un portrait sociologique du vote "lepéniste", mettant en relations des dynamiques locales et nationales, ainsi que le rôle particulier de la classe sociale des électeurs qu'il interroge.
Il ressort tragiquement de cette enquête que le dénominateur commun, qui lie l'idéologie des électeurs RN, n'est autre qu'une forme de racisme, que Faury définit comme tel non pas par ce que les électeurs RN développent une théorie essentialiste, biologique ou pseudo-scientifique de "races", mais bien par ce que leur vision du monde procède d'une forme de fixation et d'ostracisation de minorités qu'ils ne supportent pas, qualifées de façons interchangable de "migrants", "arabes", "musulmans", "turcs" - souvent sans preuve tangible de leur identité réelle. La différence visible est suffisante pour créer une mythologie de l'autre.
Le thème revient régulièrement au long du livre : les électeurs interrogés vivent dans une forme de réalité alternative, dans laquelle les objets de leur racisme sont priviligiés par l'état, la justice, les aides sociales et les médias. Dès lors, toute discussion politique se réduit à la question migratoire.
L'insécurité est une conséquence de l'augmentation du nombre de 'migrants', puisque les 'migrants' sont par essence criminels. Le manque de logements ou encore la perte en valeur des propriétés est dûe à l'arrivée de migrants dans leurs espaces. Le fait même que les "enquêtés" déménagent pour s'éloigner des migrants (qui sont accusés de détruire l'espace public, de vivre salement, de dégrader...) est vue comme une autre attaque des migrants contre les 'locaux'.
Le thème dans lequelle ce dénominateur commun est le plus fort est la question de la justice sociale et du pouvoir d'achat. Les enquêtés de Faury, dans le Sud-Est, contrairement par exemple aux électeurs RN du Nord, disposent d'une situation professionelle stable. Si la peur de perdre son travail à cause des immigrants n'est pas présente, et que les enquêtés se décrivent comme 'pas à plaindre', la peur d'un déclassement dû aux immigrés est omniprésente.
En particulier, l'impôt, au modèle social redistributif, est associé non pas à une forme de solidarité mais à une ponction des 'travailleurs' pour le bénéfice des 'assistés', qui sont invariablement immigrés ou étrangers. Les électeurs RN ne sont pas hostiles à l'État mais paradoxalement voient le modèle redistributif comme un acte de violence envers les 'natifs' pour le bénéfice des 'étrangers', et ce volontairement et intentionellement. Il est illusoire, pour Félicien Faury, de distinguer un vote "social" d'un vote "ethno-nationaliste" : pour les électeurs RN, la question du pouvoir d'achat est liée à celle de l'immigration.
Le profil social des électeurs que Faury interroge est celui de 'dominants-dominés' : ils expriment une forte volonté de ségrégation entre 'blancs', et du reste ont un cercle social principalement blanc et lui aussi lépeniste. Cependant, ils n'ont pas le pouvoir social pour que cette ségrégation soit effective, et les choix qu'ils effectuent pour y parvenir - écoles privées, déménagement, choix de clientèle et de magasins - leur sont très coûteux. Le vote RN est donc un vote pour parvenir à cette ségrégation, ou du moins la rendre moins coûteuse. En effet, puisque l'abolition de la relation de domination 'par le haut', de la part des classes sociales plus aisées, qui s'emparent des "coins sympas", ou encore la détoriation de la qualité de vie due au 'capitalisme néolibéral' sont vues comme inévitable, seule la préservation des privilèges vis-à-vis de la classe dominée importe.
Les immigrés sont vus comme une menace évitable, et comme une corruption intrinsèquement insupportable du mode de vie des 'natifs'. Le thème de la préférence nationale voire de la remigration comme solution au déclassement est le lien commun.
Les électeurs RN sont conscients des limites probables en cas de prise du pouvoir par leur parti, et aussi des 'faiblesses' de certains cadre. Comme le rapelle Faury, c'est le niveau de diplôme qui est le facteur prédicteur le plus important du vote RN. Les électeurs RN ne sont pas 'hyper-politisés', et le vote reste pour eux un aspect accessoire de leur vie sociale, mais accordent une confiance indéniable au parti et à ses leaders. Leur raisonnement est simple et revient toujours, selon Faury, à la question de l'immigration, avec parfois une virulence et une outrance dans les propos - un ex-CRS pose des questions 'pièges' à ses connaissances musulmanes pour distinguer s'ils sont 'radicaux' ou non, dans le but de se préparer à une guerre civile (!) - qui donne froid dans le dos.
Un message suggéré tout au long du livre est que si le racisme est une composante sociale du vote lepéniste, il est loin d'en être l'apagne. Le racisme exprimé par les électeurs est souvent la traduction idéologique d'une réalité concrète - le fait par example que les minorités soient victimes de discriminations policières - mais réinterpré pour servir une vision du monde raciste, en l'espèce que les minorités soient intrinsèquement criminelles et qu'elles bénéficient d'un laxisme judiciaire particulier.
C'est ainsi que Faury explique la "normalisation" de l'extrême-droite. Il ne s'agit pas uniquement d'électeurs qui penchent vers l'extrême-droite, mais d'une société toute entière qui penche avec eux. Il convient de se rapeller que les électeurs RN sont conscients que si eux n'ont pas les moyens d'obtenir eux-mêmes la ségrégation racile dont ils rêvent, d'autres l'ont, ne s'en privent pas, et motivent d'autant plus leur vote.
Félicien Faury offers a serious and accessible analysis of the normalisation of the RN vote. The book is easy to read and deciphers the motivations of far-right voters, helping us to understand the rise of these ideologies. Using interviews, the author sheds light on the reasons why people vote for the RN, offering an illuminating insight into their reality and aspirations.
I particularly appreciated the depth of the analysis and the desire to understand, without necessarily justifying, the choices made by these voters.
However, one of the book's weaknesses lies in its focus on a specific region. While the depth of the analysis is appreciable, a broader, cross-cutting analysis would have provided a better understanding of the nuances and specificities of different geographical contexts.
In addition, it is important to emphasise the difficulty that can be felt when faced with the comments made by the interviewees. Some testimonies, tinged with xenophobia and discrimination, can irritate and even provoke a feeling of anger. This confrontation with the brutal reality of these opinions is both necessary and difficult to manage.
Despite these points, 'Des électeurs ordinaires' remains an important and relevant work.
Ils sont artisans, employés, pompiers, commerçants, retraités… Ils ont un statut stable, disent n’être « pas à plaindre » même si les fins de mois peuvent être difficiles et l’avenir incertain. Et lorsqu’ils votent, c’est pour le Rassemblement national. De 2016 à 2022, d’un scrutin présidentiel à l’autre, le sociologue Félicien Faury est allé à leur rencontre dans le sud-est de la France, berceau historique de l’extrême droite française. Il a cherché à comprendre comment ces électeurs se représentent le monde social, leur territoire, leur voisinage, les inégalités économiques, l’action des services publics, la politique. Il donne aussi à voir la place centrale qu’occupe le racisme, sous ses diverses formes, dans leurs choix électoraux. Le vote RN se révèle ici fondé sur un sens commun, constitué de normes majoritaires perçues comme menacées – et qu’il s’agit donc de défendre. À travers des portraits et récits incarnés, cette enquête de terrain éclaire de façon inédite comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien. Félicien Faury est sociologue et politiste, chercheur postdoctoral au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales).
En plus d'être tout simplement intéressant et de détruire des idées reçues assez répandues dans le débat public, ce livre permet de comprendre, scientifiquement, comment des travailleurs en viennent à voter RN, mais aussi les causes profondes de son ascension et la "vision du monde" politique de ses électeurs, ce qui permet de réfléchir sérieusement, sur des bases empiriques, loin de toute élucubration déconnectée du réel ou de tout jugement moral tels qu'on en entend trop souvent, à quoi faire. Il est donc également utile. Et j'adhère à 100% la vision de la sociologie qu'il promeut.
Incontournable pour quiconque voudrait penser sérieusement et/ou scientifiquement la situation politique actuelle.
Cet ouvrage m'a énormément plus. Plus que ça à vrai dire, il m'a passionné. En effet il synthétise toute ma passion pour la sociologie : rigueur dans la démarche scientifique, pertinence de l'analyse pour comprendre le monde social et des conclusions impactantes. L'analyse est fine et de nombreux concepts ou citations sont employés pour enrichir le propos. La lecture de cet ouvrage s'impose selon moi comme un incontournable pour quiconque prétend comprendre le si dense moment politique actuel. Je dois aussi mentionner que ma lecture tombe à pic car elle me conforte dans un choix de parcours universitaire et de fait, de vie.
Un peu mitigée par ma lecture. Forcément l'étude étant faite sur une zone géographique particulière c'est une enquête en fait sur une frange des électeurs d'extrême droite (le sud est de la France est représentatif d'une extrême droite historique). Il est interessant de voir comment se mêlent des questions économiques et raciales : l'autre qui vient voler le travail et les aides (je caricature à peine), la peur du déclassement, l'impression de ne pas réussir...et chercher un coupable. Certains chapitres sont un peu légers j'ai trouvé quand même
This book was an eye opener. I am grateful for all the research that Mr Faury did and the time he spent explaining it to the rest of us. The chapters are well organized and there is a little summary at the end of each one for quick review.
I appreciated his objectivity and how he just stuck to the facts, not judging anyone. I believe it is very important to understand how voters think and what pushes them to choose a party over an other.
I gave it only 4 stars, because at times it is difficult to read (meaning in fancy language) and may not be accessible to everyone.
Est-ce que j'ai besoin de préciser que c'est un ouvrage absolument essentiel ? Et en plus ça se lit très facilement, c'est aussi fluide que sourcé donc c'est autant une parfaite entrée en matière que la possibilité d'approfondir longuement le sujet.
Évidemment si vous êtes antiraciste c'est une lecture qui ne vous surprendra pas, mais faites la tourner à votre entourage de gauche qui cherche encore des excuses aux électeurices du FN.
Brillant. Ça nous met face à la réalité - le vote fn est un vote majoritairement poussé par des réalités racistes. C’est un livre à montrer à beaucoup de personnes et de personnalités. Comme il est dit dans la conclusion il est essentiel de pas se mentir et d’accepter les faits sociologiques qui sont dits ici. Pour autant le bouquin évoque aussi d’autres réalités du vote fn. C’est vraiment brillant de qualité de fond et de forme.