" Je suis le Liban qui a fait la guerre depuis tant d'années. Je suis le Liban qui ne trouve plus les mots pour dire sa douleur. "
Beyrouth, 13 avril 1975. Des membres du FPLP ouvrent le feu sur une église dans le quartier chrétien d'Ain el-Remmaneh. Quelques minutes plus tard, un bus palestinien subit les représailles sanglantes des phalangistes de Gemayel, inaugurant un déferlement de violence sans commune mesure qui dépassera bientôt les frontières du Liban et du Proche-Orient. Michel Nada part alors pour la France, où il espère rallier la droite française à la cause chrétienne. Édouard et Charles, ses frères, choisissent la voie du sang. Dans la banlieue sud de Beyrouth, Abdul Rasool al-Amine et le Mouvement des déshérités se préparent au pire pour enfin faire entendre la voix de la minorité chiite. À l'ambassade de France, le diplomate Philippe Kellermann va, comme son pays, se retrouver pris au piège d'une situation qui échappe à tout contrôle. Mais comment empêcher une escalade des tensions dans un pays où la guerre semble être devenue le seul moyen de communication ? La France de Giscard et de Mitterrand en a-t-elle encore seulement le pouvoir, alors qu'elle se voit menacer au sein même de son territoire ? Première partie du projet le plus ambitieux de Frédéric Paulin à ce jour, Nul ennemi comme un frère retrace les premières années de la guerre du Liban.
Le récit commence à Beyrouth le 13 avril 1975.J’ai eu un peu de mal au début avec tous ces personnages et ces familles libanaises : les Nada grande famille maronite ; les Gemayel dont Bachir va devenir président du Liban et Philippe Kellermann le conseillé politique de l’ambassade autour de qui tourne le récit.Et puis le roman commence sur les chapeaux de roues avec l’enlèvement d’un fils de famille.L’auteur prend ensuite le temps de poser les personnages du drame libanais.
La famille Nada avec le père Nassim, les fils Edouard, et Charles resté au Liban (Charles fait du trafique de drogue) et Michel parti en France au RPR pour faire entendre la cause libanaise. Son mariage avec la juge Gagliago sera un échec.
L’assassinat du président Bachir Gemayel déclenchera les massacres de Sabra et Chatila, la tuerie des réfugiés palestiniens dont les corps seront recouvert à la pelleteuse pour qu’il n’y ai pas d’enquête.
J’ai été touché par le personnage de Philippe Kellermann qui tente de faire valoir la cause libanaise au sein du PS ; son amour pour Zia la traductrice ; sa consommation anxiolytiques et d’arak.
J’ai suivi avec intérêt le personnage de Dixneuf, officier de la SDECE qui tente d’y voir clair dans le jeu politique.
J’ai aimé et détesté le personnage de Zia al-Faqîh, d’abord traductrice de l’ambassade de Beyrouth, puis appartenant à la katiba d’Abdul Rascol qui recrute des adolescents pour le martyr.
J’ai découvert une partie de l’histoire politique du Liban : son occupation par Israël mais aussi par la Syrie sur une partie de son territoire.
J’ai appris l’existence de l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie (l’ASALA) composée de jeunes arméniens galvanisés par l’exemple palestinien. Il est dirigé par Hagop Hagopian qui serait en contact avec avec le Fatah-Conseil révolutionnaire d’Abou Nidal.
J’ai appris le rôle de la communauté chiite dans les troubles, communauté qui s’appuie sur la république islamique d’Iran.
J’ai découvert le double jeu de la France qui a hébergé Khomeini puis le Shah ; France qui soutient les chiites d’Iran mais vend des armes à l’Irak.
Je croyais que Abou Nidal était le nom d’un groupe terroriste, et en fait non ; et les membres d’Action Directe négociaient avec le président Mitterand. Elysée qui négocie aussi avec Abou Nidal..
L’auteur évoque aussi l’attentat de la Rue des Rosiers et autres attentats qui ont ensanglantés Paris dans les années 70-80.
N’oublions pas le Hizbu-Ilàh, qui vient mettre son grain de sel.
Mais alors la cerise sur le gâteau, c’est l’affaire Eurodif : cette société spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium se voit prêter 1 millliard de dollars par le Chah pour venir produire en Iran. Après la révolution islamique, le république des mollahs demande le remboursement à la France.
Une lecture un peu technique et politique (beaucoup de jeux de pouvoir) qui ne plaira pas à tout le monde, mais j’adore l’écriture de Frédéric PAULIN et sa façon d’éclairer les conflits actuels.
Il ne prend pas son lecteur pour une cruche et met en lumière les liens restés cachés des alliances politiques au Liban et en France.
Même si le mot fin apparaît à la dernière page, il me tarde de lire la suite de l’Histoire du Liban, une histoire mouvementée et tellement en lien avec l’Hexagone.
Quelques citations :
Oui, peut-être que pour les pays étrangers le Liban n’est qu’un moyen de renforcer leur puissance régionale. Peut-être que le Liban n’a pas d’autre intérêt pour ses puissants voisins que d’être un champ de bataille où régler leurs comptes. (p.88)
Depuis le début de l’été, les attentats se succèdent en France. Qu’ils soient revendiqués ou imputés à Action Directe, aux Arméniens de l’Asala ou aux Palestiniens du Fatah-Conseil révolutionnaire d’Abou Nidal, les flics et la justice sont démunis. (p.274)
Depuis la mort d’Hussein ibn Ali, le « roi des martyrs », à Kerbala en 680, l’islam chiite accepte le sacrifice. (…) Les Iraniens l’emploie depuis le début de la guerre contre l’Irak. (p.409)
Dans le grand bordel du monde, seul le hasard peut changer les choses. (p.443)
L’image que je retiendrai :
Celle de Zia, traductrice à l’ambassade, qui prend le voile pour pouvoir défendre la cause chiite mais qui se bat également pour ne pas être reléguée à la maison.
ça aurait été 5 étoiles si les 2 personnages féminins les + importants étaient pas l'attention d'absolument tous les mecs qui posent le regard sur elles
Oeuvre ambitieuse, déjà annoncée comme le premier tome d'une trilogie consacrée au Liban, Nul Ennemi comme un Frère raconte le destin de plusieurs personnages entre la France et le Liban, témoins et acteurs du conflit qui a déchiré le Proche-Orient et de la France des années 70-80. Nourrie de faits réels, l'histoire est un témoignage d'une époque encore très proche et à certains égards prémonitoires des déchirements actuels.
Frédéric Paulin aime les défis visiblement. Ce livre nourri d'une écriture généreuse, sans conteste, en est un de taille. Rendre compréhensible la complexité de la guerre civile libanaise dans un roman est une gageure.
D'autres auteurs ont écrits sur ces années noires : Richard Millet (La Confession négative, Tuer, Beyrouth notamment), Patrick Meney (Même les Tueurs ont une Mère), Tracy Chamoun (Au Nom du Père), Alexandre Najjar (Le Roman de Beyrouth), Jacqueline Massabki et Françoise Porel (La Mémoire des Cèdres) et j'en passe.
C'est donc un thème bien connu de la littérature. Quel dommage d'être passé à côté de son sujet avec ce docu-fiction polyphonique. Même si la thèse est de montrer l'absurdité et la conjonction d'agendas cachés de trop nombreuses parties, pour le lecteur la lecture en devient chaotique sans avoir le brio de Oriana Fallachi dans son prolifique et baroque roman, Inchallah. Car ce qu'il manque à ce récit ce sont bien de véritables personnages. Hélas, l'accumulation de noms et d'actions rendent l'ensemble indigeste, presque illisible, et ne permettent pas de créer un enjeu et un sentiment d'attachement.
Le texte souffre d'une absence de construction (volontaire sans doute pour donner ce sentiment d'urgence et d'enchainements dramatiques) et finit par épuiser le lecteur avec le sentiment de gravir une montagne sans en voir le bout.
A la décharge de l'auteur, l'histoire du conflit libanais est complexe. Frédéric Paulin aurait dû prendre parti et créer une véritable narration. C'est le génie d'un auteur comme James Ellroy qui sait tirer une intrigue en l'appuyant sur des faits historiques ou comme Alexandre Dumas bien avant nous.
Face à la déception immense de ce travail qui fourmille de détails, je retiens néanmoins certains points clés :
Le Liban a été le prototype du conflit moderne, c'est à dire la délocalisation de la guerre
Comment une nation occidentalisée se transforme en narco-état
La nation est un principe fragile
L'histoire de la France et du Liban sont entremêlées
Quelles sont les chances de trouver la paix lorsque qu'une guerre s'installe dans le temps long ?
Au final, malgré l'intérêt commun pour le Liban et cette époque charnière pour l'Occident, un texte précis mais flou qui surabonde de détails historiques mais se perd dans les méandres de la grande Histoire.
Thomas Sandorf
PS : pour ceux qui veulent comprendre ce conflit, à lire absolument : Géopolitique du Conflit Libanais par Georges Corm ou Guerre secrète au Liban d'Antoine Basbous et Annie Laurent
Frédéric Paulin ouvre aujourd'hui une nouvelle série destinée à mieux nous faire comprendre les enjeux des conflits libanais. Vaste entreprise (!) dont le premier titre Nul ennemi comme un frère est tiré d'un proverbe qui évoque la trahison.
L'auteur, prof d'histoire-géo et journaliste, s'est fait une spécialité de romans (un peu polars, un peu thrillers) avec lesquels il éclaire la géopolitique de notre Histoire contemporaine. On se rappelle notamment sa trilogie Benlazar sur le terrorisme venu du Maghreb et surtout son récit du sommet du G8 à Gênes. .
Issu d'une longue tradition française, le pays du Cèdre, la Suisse du Moyen-Orient dont la capitale fut même appelée le Paris du Moyen-Orient, fait toujours et encore aujourd'hui la Une des actualités : l'histoire que l'auteur va nous raconter tombe vraiment à point nommé. Ce premier tome (début d'une nouvelle série) couvre la période des années 70 jusqu'en 1983, du début de la guerre civile libanaise jusqu'au 23 octobre 83 précisément, jour des terribles attentats contre les forces de la FMSB qui visèrent les américains à l'aéroport et les français dans l'immeuble Drakkar.
Depuis des millénaires, le Liban est le centre géopolitique du Moyen-Orient et aujourd'hui toujours, le centre névralgique d'une région sur le point d'imploser. "[...] Qui comprend ce qui agite depuis quelques années la Bekaa et le pays entier ? Pourtant tout le monde pressent le pire."
Nous voici dans les années 70 puis 80 au cœur d'une poudrière faite d'une multitude de communautés et de confessions irréconciliables. C'est ici, entre chiites, chrétiens, druzes et sunnites, qu'ont trouvé refuge les palestiniens chassés par les israéliens et les jordaniens. Frédéric Paulin a convoqué le phalangiste chrétien Pierre Gemayel et son fils Bachir, le druze Kamal Joumblatt, Hassan Nasrallah et Abbas Moussaoui, ... tous ces noms qui faisaient la Une des journaux télévisés de notre jeunesse et certains encore aujourd'hui.
Quelques acteurs français également comme Charles Pasqua chef d'orchestre des basses œuvres du RPR, Pierre Marion nommé par Mitterrand à la tête de la DGSE lors de la réforme du SDECE, …
Les années 70 ce sont celles où se succèdent à Beyrouth enlèvements, attentats, massacres et assassinats, celles de la révolution iranienne menée par les chiites de Khomeyni, celles aussi des premiers attentats d'Action Directe à Paris, …
Les années 80 ce sont celles de l'assassinat de l'ambassadeur français Louis Delamare en poste à Beyrouth, celles de Mitterrand au pouvoir, celles des attentats palestiniens à Paris (rue Copernic, rue des Rosiers), …
Enfin, rappelons que 1982 c'est l'année de l'opération Paix en Galilée et l'invasion du Liban par les israéliens qui se conclura par les sinistres massacres de Sabra et Chatila ... "[...] Peut-être que le Liban n’a pas d’autre intérêt pour ses puissants voisins que d’être un champ de bataille où régler leurs comptes."
Pour la trame romanesque de son livre, Frédéric Paulin a réuni, aux côtés des personnalités réelles de l'époque, quelques personnages de fiction qui vont nous servir de guides dans ce dédale libanais où se mêlent très étroitement politique, guerre et religion : Philippe Kellermann l'agent de l'ambassade shooté aux anxiolytiques, Zia al-Faqîh la belle interprète chiite qui parle (trop bien) le farsi iranien, l'arrogant Christian Dixneuf l'agent du SDECE (puis de la DGSE avec Mitterrand), la charmante juge antiterroriste Gagliago, les chrétiens maronites de la famille Nada, ...
On profite avec plaisir et intérêt du parcours historique que Frédéric Paulin retrace brillamment pour nous : un intelligent résumé des événements de 1975 à 1983 quand Syriens, Iraniens, Israéliens et Palestiniens réglaient leurs comptes dans l'arrière-cour libanaise. Et un peu à Paris, aussi. L'auteur nous balade d'une faction à l'autre, de Paris à Beyrouth : le récit est soigneusement documenté et c'est tout simplement passionnant. Nous allons même assister en direct à la naissance du Hezbollah qui fait tant parler de lui aujourd'hui.
Mais Frédéric Paulin ne se contente pas de Beyrouth et détaille longuement les tergiversations et retournements de la diplomatie française au Moyen-Orient. Une politique française qui, de Chirac à Mitterrand, ne ressort pas vraiment grandie de ce récit, c'est le moins que l'on puisse dire.
On regrette cependant que l'intrigue romanesque marque le pas sur le résumé historique : le lecteur, captivé par les événements, aura bien du mal à s'intéresser aux déboires des personnages de fiction, pas tous recommandables. Pour une fois, l'alchimie entre Histoire et roman ne semble pas fonctionner à plein, peut-être parce que Frédéric Paulin a voulu brosser un trop large panorama dans lequel ses personnages de roman se sentent un peu perdus.
La narration est dans la continuité de ce que Paulin avait fait dans sa précédente trilogie, c’est très efficace et il y a beaucoup d’ellipses temporelles. Mais la multiplicité des personnages fait qu’on a du mal à s’attacher à eux. J’ai été particulièrement rebuté par une psychologie des personnages trop simplistes : ils ont tous le même caractère taciturne et en proie avec des sentiments amoureux qu’ils ne peuvent pas contrôler. Les personnages féminins sont tout simplement ratés. On garde donc le récit des événements dans leur continuité, qui lie ensemble de nombreuses dates isolées et forme peu à peu l’histoire du Liban moderne. Dommage que cet engrenage de violence ne soit pas vraiment expliqué par les récits personnels des personnages.
Je suis contente d'avoir lu ce livre, il m'a aidée à comprendre tous les conflits au Moyen-Orient, plus particulièrement la guerre civile au Liban. Effectivement, l'auteur retrace les premières années de cette guerre et il le fait avec brio. Certes, ce roman contient beaucoup de détails, mais il demeure très accessible. Il faut dire que l'auteur réussit à bien doser les aspects historiques et politiques à une histoire et des personnages très intéressants. Bref un roman de grande qualité qui mériterait un 5 étoiles, mais il m'a demandé beaucoup de concentration, il m'a manqué une notion de plaisir et de divertissement.
Premier tome d’une nouvelle trilogie sur le Liban et la France. Ce premier tome commence en 1975 forcément et se termine en 1983 avec l’explosion du Drakkar à Beyrouth. Ou il est question de Arafat, de la naissance du Hezbollah , de la DGSE, de Mitterrand. Bref comme d’habitude que du bon !
Je suis très impressionnée par le travail de @frederic_paulin dans ce premier tome de sa trilogie libanaise. D’abord c’est un peu touffu (et il n’y est pour rien, il y a beaucoup de - vrais - protagonistes), mais on finit par repérer qui est qui. Ensuite, je suis très contente parce que c’est une guerre et une période dont j’ai simplement le souvenir de l’avoir entendue chaque soir au JT dans les années 80, mais à un âge où l’on n’est pas capable de comprendre les enjeux ni les mettre en perspective. Vraiment comme à chaque fois avec cet auteur, on est happé par le roman et on se remet à respirer seulement le livre refermé. J’ai hâte d’attaquer la suite mais je dois retrouver le bouquin qui se cache dans les quelques cartons pas déballés… À lire +++ si on aime les romans plutôt d’espionnage ou de guerre