Pascal Picq est un paléoanthropologue français, maître de conférences au Collège de France où il collabore avec le professeur Yves Coppens. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques autour de la question de « Qu'est-ce que l'humain ? ». Il cherche surtout à trouver ce qu'est le propre de l'espèce humaine : « Le propre de l'humain n'est-il pas justement de se poser cette question : "Qu'est ce que l'humain ?" Et est-ce ce sens propre à notre espèce Homo sapiens ? Dans ce cas, les autres hommes, dits préhistoriques, étaient-ils des humains ? »
Une mise en scène séduisante, minée par ses angles morts
L’ouvrage de Pascal Picq présente de réelles qualités. Il se distingue par une bibliographie riche, convoquant des références variées d’experts en IA et de philosophes. L’auteur a le mérite de tenter des rapprochements inhabituels, en liant des réflexions philosophiques classiques aux problématiques contemporaines de l’IA. Surtout, il soulève des questions stimulantes qui encouragent à dépasser les sempiternels débats caricaturaux sur l’intelligence artificielle. Pour un lecteur qui conserve un esprit critique, cet essai peut ainsi nourrir une réflexion riche et féconde — à condition, paradoxalement, de se libérer de la manière dont Picq conduit lui-même sa démonstration.
Car les limites apparaissent rapidement. L’ouvrage repose sur un dispositif séduisant en apparence — un dialogue entre l’auteur et ChatGPT — mais trompeur sur le fond. Les prompts sont orientés, les réponses reflètent souvent le biais de confirmation, et Picq n’avertit jamais clairement son lecteur que ChatGPT est programmé pour être « agréable » et complaisant, au détriment parfois de la vérité ou de la rigueur. La mémoire contextuelle du modèle amplifie encore l’effet miroir : lorsqu’une notion est introduite dans une question (par exemple celle de paradoxe), elle réapparaît ensuite dans la réponse, donnant l’illusion d’une initiative de l’IA. Picq ne met jamais en garde contre ce mécanisme, laissant croire à un échange véritable là où il n’y a qu’un reflet.
Ce déficit de transparence s’accompagne d’un manque d’argumentation. Picq commente parfois les réponses de ChatGPT, mais rarement en profondeur, et pose beaucoup d’affirmations sans démonstration. De plus, certaines formulations sont inutilement complexes, plus impressionnantes qu’explicatives, et les attaques répétées contre Raphaël Enthoven renforcent l’impression d’une arrogance intellectuelle.
La présentation des grandes cosmologies (naturalisme, animisme, totémisme) souffre elle aussi de simplifications caricaturales. Le naturalisme occidental est réduit à un système fermé, comme si ses apports étaient secondaires. L’animisme et le totémisme sont au contraire valorisés comme des visions « ouvertes », au point de les transformer en images romantiques proches de la Pocahontas de Disney. L’animisme est même convoqué pour justifier une approche plus inclusive de l’IA, presque d’égal à égal, alors qu’il s’agit d’une cosmologie ancrée dans la relation au vivant et à la nature, non dans la technologie. Un tel glissement dénature son sens et frôle l’appropriation rhétorique.
Un autre problème est le paradoxe du rapport à la philosophie occidentale. Picq critique le poids excessif du naturalisme et de la pensée occidentale, mais les références convoquées dans le dialogue — par lui comme par ChatGPT — restent, justement, quasi exclusivement occidentales. Cela tient en partie au biais du modèle (formé principalement sur des corpus occidentaux), mais aussi à la langue et aux formulations de Picq. L’effet est contradictoire et ironique.
À cela s’ajoute l’usage flou et polémique du terme « woke », employé à plusieurs reprises mais jamais défini. Or, c’est un terme historiquement positif (veille face aux injustices sociales) devenu piégé dans le débat public, où il est souvent utilisé pour discréditer des luttes légitimes. Ne pas expliciter son sens entretient la confusion. Plus ironique encore : en critiquant le naturalisme occidental et en valorisant les cosmologies marginalisées, Picq adopte lui-même une posture qui pourrait être qualifiée de « woke ».
Mais l’angle mort le plus grave de l’ouvrage reste son silence sur l’impact écologique de l’IA générative. Alors que Picq insiste sur l’éthique et appelle à reconnaître l’intelligence animale et à envisager une harmonie entre humains, animaux et IA, il ne dit rien du coût écologique colossal de l’IA. Or, c’est précisément cet impact qui menace les écosystèmes dont dépendent les animaux qu’il invite à respecter. Parler d’harmonie sans aborder ce point crucial relève d’une contradiction éthique majeure.
En définitive, L’IA, le philosophe et l’anthropologue se voulait une expérimentation audacieuse : confronter un anthropologue, un philosophe et une intelligence artificielle. Mais le résultat peine à convaincre. Le choix méthodologique — séduisant en apparence — relève davantage du vernis que de l’analyse rigoureuse. En outre, si Picq mobilise des références riches et des concepts anthropologiques, sa réflexion reste enfermée dans un cadre très théorique. L’IA n’est presque jamais replacée dans ses contextes concrets — économiques, géopolitiques, sociaux — alors que ce sont précisément ces contextes qui conditionnent ses usages et ses risques. L’absence de mise en garde sur les biais de ChatGPT, les simplifications, omissions et contradictions minent la légitimité de l’ouvrage. Plutôt que d’outiller réellement le lecteur, le livre risque de produire une illusion de réflexion, séduisante mais fragile.
P.S. : Cette critique a été produite par ChatGPT, à partir d’une « discussion » que j’ai eue sur le livre de Picq. Ironiquement, là où Picq l’utilise pour étayer ses propres idées, ChatGPT permet ici de mettre en lumière les faiblesses de son ouvrage.
P.P.S. : Pour un ouvrage qui se veut littéraire et intellectuel, trouver « AI » au lieu de « IA » et des « à » pour « a » à de multiples reprises est… sidérant.