Dans quelle mesure l’islam a-t-il freiné le développement économique des pays dits « islamiques » ? L’a-t-il seulement influencé ? À travers une analyse matérialiste des liens entre la religion de Mahommet et les structures économiques du monde arabo-musulman, Maxime Rodinson montre que, comme chez ses homologues judaïques et chrétiens, la religion n’a pas été déterminante. Aucun interdit spécifique n’a jamais vraiment été imposé aux fidèles. Ainsi dans le monde musulman médiéval faisait-on fructifier l’argent avec autant d’entrain que de réussite. Le capitalisme y existait donc, sous différentes formes. Comme toutes les grandes religions, l’islam n’a pas échappé aux lois historiques, qui ont influencé ses lectures et interprétations. Les « retards » constatés en matière économique sont donc le résultat d’autres facteurs – au premier rang desquels figure la colonisation. Socialiste convaincu, Maxime Rodinson couple son analyse historique de données contemporaines et se demande si l’islam peut avoir son rôle à jouer dans une révolution socialiste des pays musulmans – seule perspective pour faire advenir la justice sociale.
« Il n’est qu’un moyen sûr au monde pour que les non -privilégiés obtiennent que leurs droits d’êtres humains soient respectés, c’est de leur donner une part au contrôle du pouvoir politique, d’abolir le plus de privilèges qu’il est possible, et de garantir ces conquêtes par des institutions adéquates et solides. On peut décorer, si l’on veut, ces institutions de la phraséologie des préceptes musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, stoïciens, kantiens et de mille autres. Cela fera même justice à un certain sens de ces préceptes. Mais les préceptes sans les institutions ne sont que vaine littérature et honteux camouflage d’iniquités fondamentales. »
Une analyse historique, sociologique, économique, religieuse et anthropologique – actualisée par la préface d’Alain Gresh –, qui n’a rien perdu de sa pertinence pour toutes celles et ceux qui cherchent des références pour comprendre l’actualité du monde arabo-musulman.
Linguiste, sociologue, historien, orientaliste, Maxime Rodinson (1915-2004) nourrit son analyse de l’islam d’une approche résolument marxiste. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont L’Islam : politique et croyance (1994) et d’une biographie du prophète de l’islam, Mahomet (1994).
Marxist historian, sociologist and orientalist. He was the son of a Russian-Polish clothing trader and his wife who both died in the Auschwitz concentration camp. After studying oriental languages, he became a professor of Ethiopian (Amharic) at EPHE (École Pratique des Hautes Études, France). He was the author of a rich body of work, including the book Muhammad, a biography of the prophet of Islam.
Rodinson joined the French Communist Party in 1937 for "moral reasons", but later turned away after the party's Stalinist drift. He was expelled from the party in 1958. He became well known in France when he expressed sharp criticism of Israel, particularly opposing the settlement policies of the Jewish state. Some credit him with coining the term "Islamic fascism" (le fascisme islamique) in 1979, which he used to describe the Iranian revolution.
particulièrement pertinent et incisif sur la réalité du système économique dans les sociétés musulmanes, d’autant plus lorsque l’on considère l’époque d’écriture (les années 60 & la décolonisation). Rodinson, très cultivé sur le sujet et en qualité de sociologue arabisant et arabophone, nous offre une analyse précise, sur la base des textes religieux (qu’il a lus) + d’autres sources qui lui accordent une large documentation, nuancée et exhaustive. il prend à la fois en considération les comportements individuel et collectif qu’il rapproche aux dogmes religieux qu’il décrypte et qu’il affirme ne pas entraver l’activité « capitalistique ». d’autre part, il met le doigt sur le contexte colonial et critique les thèses jusqu’alors considérées comme justes qui ne sont en réalité que le fruit de biais racistes et arabophones comme il les décrit au cours de son argumentaire. Rodinson, t’es vraiment ce gars ! chapeau
Exellent ouvrage qui permet de revenir sur le lien entre mode de production et système religieux.
Les différent développement sur la morale économique de l'islam sont intéressants bien que très lourd car historiquement situé.
Je retiendrai particulièrement la réfutation des thèses de Weber sur les liens entre capitalisme et protestantisme par l'utilisation de la comparaison entre monde musulmans et chrétiens. Outils très important pour les marxistes qui veulent réfléchir sur la question religieuse.
De même la conclusion revenant plus largement sur la question de la dialectique idéologie/économie est passionnante.