Je suis assez surprise des autres avis très véhéments sur ce manga. Voici un avis plus nuancé. J'ai effectivement été déçue par ce manga, mais on ne me l'a pas recommandé comme un livre féministe, et je pense qu'on a bien fait. Je développe.
Déja ce livre est très japonais dans sa manière de penser la féminité, le féminisme et les relations qu'ont les femmes avec les hommes et avec les autres femmes. Et je comprends que ça donne envie de jeter une table par la fenêtre qu'on appelle ça du féminisme, haha !
Il faut aborder ce manga comme des portraits de femmes japonaises, qui aborde les difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées dans une société patriarcale qui évolue avec une lenteur exaspérante. Cependant l'autrice nous présente des thèmes très forts pour les japonais-es : la tromperie (commune et admise, au Japon), de ne pas pouvoir dire ce qu'on pense et cacher ses émotions (rendant la communication impossible), de la profonde solitude ressentie par les japonais-es, les règles sociales implicites (terrible pour les neurodivergent-es), l'absence de modèles féminins qui changent de la norme pour les jeunes femmes (favoriser sa carrière, pas de mariage, pas d'enfants, pas de relation romantique... avant même d'oser parler de queerness !), ou encore l'absence d'éducation sexuelle et de communication sur le sujet...
Bref ce livre peut être décevant d'un oeil occidental, mais je le trouve très bien, sans aller jusqu'aux éloges. Moi aussi, j'ai trouvé que ça tournait trop autour des hommes et des femmes détestant les autres femmes. Mais c'est parce que leur vie est bombardée d'injonctions allant dans cette direction ! Et en lisant entre les lignes (très japonais), on voit bien que l'autrice déplore cela et invite à une évolution.
En conclusion : même si ce livre vous a déçu-e, ne négligez pas le travail de cette autrice, et allez jeter un oeil à sa série Entre les lignes. Je pense que ça vous plaira bien plus.
Yamashita Tomoko est toujours aussi magistrale et assène une claque monumentale avec ces portraits très fins qui portent sur les femmes un regard sans jugement. Que ce soit la force ou le vice, on y plonge avec douceur et justesse. Absolument un coup de cœur et une chaude recommandation.
Très déçue, je m'attendais à un récit plus féministe, plus 'girls' girls' comme on dit. Au final la majorité des portraits sont sur des femmes qui détèstent les autres femmes et qui ne vivent qu'à travers le regard des hommes. Aucune histoire d'amitié féminine forte, ni de solidarité féminine d'ailleurs. La seule histoire qui sort un peu du lot c'est celle sur la femme lesbienne, j'aurais bien lu tout un manga sur son histoire. L'autrice dit vouloir montrer une autre image des femmes à travers ce manga, c'est-à-dire s'éloigner de l'image de la femme douce, coquette et faibrile, sauf que c'est vraiment mal fait je trouve, et surtout il n'y a rien de mal à ce qu'une femme soit un "cliché" de femmes. Les hommes sont trop présents à travers les différentes histoires.
Le talent de Yamashita Tomoko est de représenter des humains avec leurs failles, leurs doutes, leurs tiraillements, leurs désirs, et aussi leurs contradictions. C'est ce dernier point que j'ai le plus ressenti en lisant HER - Portraits de femmes. Comme dans Entre les lignes (son chef d'oeuvre), on sent la pression qui pèse sur les épaules des filles/femmes qui sont mis de l'avant, et la résistance plus ou moins grande des personnages pour y résister/y céder.
Dans ces six chapitres, on présente six "cas", six portraits de femmes qui sont plus ou moins liées (certaines se croisent). La mangaka ne cherche pas à faire la morale, elle porte un regard quasi photographique sur une situation précise (ce qui se justifie: les récits sont courts), et elle laisse le lecteur/lectrice en déduire une réflexion. Ce qui fonctionne généralement bien:
- le cas 1 présente une femme qui se questionne sur son envie d'être elle-même mais qui en "impose" trop pour les hommes de son entourage. Pourquoi donc une femme qui en impose n'aurait pas droit d'être en couple avec un homme qui l'apprécie telle quelle? Et pourtant, de nombreux exemples viennent à l'esprit: dans la fiction, comme la façon dont on qualifie Chihayafuru de "beauté perdue" parce qu'elle ne pense qu'au karuta (donc à sa passion, et pas tant à leur plaire); ou dans la réalité, quand on connaît les statistiques de célibat des femmes "trop éduquées" pour plaire au Japon...
- le cas 2 est un regard externe sur les couples japonais, et la résistance à accepter de "telles conditions" pour avoir une telle relation. Encore une fois, ce n'est pas un récit qui fait la morale, il n'y a pas de critiques coup de poing: on montre simplement la situation... (et c'est plutôt choquant!)
- le cas 3 est probablement le meilleur récit. La discussion entre cette voisine artiste lesbienne, et l'adolescente de la maison d'à côté est fascinante, et rappelle beaucoup l'efficacité des mots d'Entre les lignes: "D'ici deux ans, tu auras oublié tes efforts pour étouffer ta passion et la haine que tu portes envers ton nom... Dans trois ans, tout ce qui te préoccupe actuellement te semblera futile. Et dans cinq ans, tu réaliseras qu'à 16 ans, tu avais mis de côté ce qui comptait le plus à tes yeux." Il est intéressant de mettre ces mots en lien avec les deux premiers cas où on présentait des femmes adultes qui réalisent un peu tout cela...
- le cas 4 se penche sur les blessures d'enfance que l'on porte dans la vie adulte et qui influence notre comportement. Les tentatives de guérison de la femme mise de l'avant sont maladroites, mais on y montre le début d'une évolution.
- le cas 5 est le plus difficile à saisir parce qu'il peut être interprété des plusieurs manières, et que la narration n'explique pas tout des sentiments très contradictoires de la personnage problématique. Toutefois, ce récit s'inscrit un peu dans l'esprit de la prochaine série à venir de naBan par la même mangaka: Hibari no Asa, où la personnage est projetée dans une image qui ne convient pas à ce qu'elle est. Dans le cas 5, elle réagit agressivement à ce miroir faussé d'elle-même.
- le cas 6 est narré par un personnage masculin qui regarde et s'interroge sur la femme qu'il fréquente et les femmes en général. Son discours n'est pas exempt de stéréotypes, tout comme celui de la femme du cas 1 d'ailleurs. Certaines critiques ont reproché à la mangaka de ne pas "corriger" ces préjugés sur l'un ou l'autre des genres. Mais le but de Yamashita n'est pas "d'éduquer" ses personnages ou ses lecteurs, mais d'observer la vie ordinaire, les interrogations des femmes, et dans une certaine mesure des hommes aussi, l'un face à l'autre.
Il faut être prêt à ce regard documentaire sur le monde pour apprécier ces six récits. Mais lorsqu'on comprend cette posture photographique, sans jugement, de la mangaka, on accède à une précieuse intimité sur les relations dans le Japon d'aujourd'hui.
Tomoko Yamashita est cette écrivaine de l’intime qui, ces dernières années, me touche infiniment par ses portraits justes qui brisent un peu les codes de la représentation de la femme japonaise féminine en y insufflant de la modernité et surtout du réaliste, réveillant à chaque fois des choses en moi.
Avec ce recueil d’histoires, qui sont toutes des portraits de femmes qui se croisent au fil de leur quotidien, elle offre ainsi, comme le dire très bien Pierre-Alain (PiAi) dans sa postface, une porte d’entrée à son univers, à ses écrits. On y retrouve sa sensibilité parfois un peu grinçante mais toujours franche qui prend soin et remue ses personnages, ainsi que son ton engagé et moderne qui lui permet d’aborder des questions qui nous parlent.
Au travers les histoires des 7 femmes de ces portraits, l’autrice nous pousse à nouveau à nous interroger sur nous-même. Quel est notre rapport à notre féminité, notre envie de séduire, notre rapport aux hommes, notre histoire avec notre mère, notre rapport à notre apparence, aux autres femmes, à celles vivant librement ce qu’on s’interdit, etc. C’est très riche et surtout cela résonne en nous intrinsèquement sans qu’on le cherche.
La narration fluide et sobre de l’autrice est accrocheuse et réconfortante, on se glisse facilement dans les pas de ses héroïnes et les angles de vues originaux adoptés à chaque fois, d’un baiser volé entre deux femmes dont une assez âgées qui interpelle une lycéenne qui a peur de franchir le cap de sa première fois, à une jeune femme stylée qui regarde tout via le prisme des chaussures, c’est singulier et pourtant très vif. Ces femmes, cela pourrait être nous. Elles représentent chacune une facette de nous à un moment donné de notre vie mais ce sont des portraits de femmes toujours combatives, jamais soumises même quand elles semblent correspondre au cliché de la femme japonaise, et ça fait un bien fou ! Chez Yamashita, c’est toujours actuel et moderne.
J’ai donc pris une bouffée d’émotion en lisant chaque parcours de vie, chaque instantané de femme qui se cherche et trouve une nouvelle voie. J’ai aimé la sororité qui se dégage du récit également et le regard qu’elles portent aussi bien sur elles-mêmes que sur les autres car elles ne sont pas une île. Cette lecture fut comme une thérapie, une nouvelle approche, un nouveau regard à poser sur soi pour survivre et surmonter les obstacles de la vie, mais avec un regard doux, tendre, grinçant et souvent drôle derrière la gravité du moment. Bref, du grand Yamashita. Je ne peux donc que vous encourager à lire cette autrice actuelle qui écrit si bien sur les femmes hors normes qu’on devrait normaliser au plus vite. Lisez Entre les lignes ❤ ! Lisez The Night Beyond the Tricornered Window ! Et j’espère fort que les éditeurs continueront à nous faire découvrir son oeuvre.
J’ai mis 3,25/5 sur StoryGraph donc je note ça ici aussi. J’ai adoré le manga entre les lignes de l’autrice donc j’avais hâte de lire ce recueil de nouvelles en manga sur des portraits de femmes. Je dois dire que je suis un peu mitigée car si certains étaient vraiment très bien, d’autres m’ont laissé un peu perplexe. Je pense que c’est surtout pour montrer des portraits, positifs comme négatifs, de femmes à une époque au Japon, une sorte de reflet de la société. J’avoue que l’histoire qui clôt le recueil n’a pas aidé à me faire monter la note vu les phrases types « les femmes sont ceci cela » en énorme généralité deguelasse. Par contre j’ai été très touchée par l’histoire avec la lycéenne qui va se rapprocher de sa vieille voisine lesbienne et lui poser plein de questions. Je suis contente d’avoir fait cette lecture malgré mon avis mitigé !