Vivant est né seul, par génération spontanée, sur une île déserte, où il est le seul Homme. Il est élevé par une gazelle qu'il considère comme sa mère, mais qui bientôt meurt. Vivant part alors à la découverte de l'île, et comprend peu à peu le monde qui l'entoure : d'abord les corps inertes, puis les corps vivants, le principe vital, l'âme, et enfin Dieu. Arrivé au sommet de la contemplation du divin et donc de la compréhension de toute chose, un étranger arrive sur l'île, un autre homme du nom d'Asal. Asal apprend à Vivant la langue, et l'initie à l'Islam, que Vivant connait déjà non sous la forme des images de la religion, mais par la méditation qui l'a fait découvrir Dieu de façon autonome. Asal apprend à Vivant qu'il vient d'une autre île non loin de celle de Vivant. Les deux décident de se rendre sur l'île d'Asal pour que Vivant fasse la connaissance du monde. Vivant est accueilli comme un grand sage, mais s'aperçoit très vite que les Hommes de l'île ne sont pas à la hauteur de sa sagesse : ils sont vils, s'intéressent plus aux images qu'à la véritable religion, et ont besoin de dirigeants pour rester sur le droit chemin. Vivant prend conscience de sa supériorité, et, dégoûté par la masse, retourne sur son île avec Asal. Les deux se plongent dans une méditation que seule la mort de leur corps pourra troubler.
Analyse :
J'ai pris ce livre un peu par hasard dans une librairie, en me disant que j'allais lire un conte philosophique reposant. C'est en réalité un livre de philosophie assez technique, et donc la lecture n'est pas vraiment agréable. En tout cas, cela se rapproche plus de la philosophie que de la littérature, ce qui ne correspondait pas vraiment à mes attentes.
L'histoire de Vivant est en fait un traité de physique et de métaphysique. Ibn Tufayl, philosophe andalou du XIIème, est fortement influencé par Avicenne, et donc Aristote. L'éveil de vivant est donc une découverte progressive du monde physique tel qu'il est analysé par Aristote notamment dans sa Physique. Pour celui qui connait Aristote, c'est assez intéressant de voir comment Ibn Tufayl décrit Vivant en train de reconstituer tous les principes de la physique, des éléments au premier moteur en passant par l'âme. Mais cela fait qu'il n'y a pas vraiment de récit dans l'histoire, il s’agit plus en réalité d'un traité de philosophie naturelle à peine vulgarisé.
Je pense que la raison principale pour laquelle cette lecture n'a pas été aussi agréable qu'elle aurait pu être, c'est l'appareil critique qui l'accompagne. Celui-ci est d'une grande qualité : l'introduction et fait autant de pages que le récit lui-même, et les notes sont plus volumineuses que le récit. Jean-Baptiste Brenet, que je ne connaissais pas du tout, a ici fait un vrai travail d'explication non seulement du récit, mais de toute la philosophie arabe de l'époque. Pour quelqu'un qui n'y connaissait rien comme moi, c'est très instructif. Le souci est qu'il arrive fréquemment que pour un paragraphe de 10 lignes de récit, il faille se reporter 3 ou 4 fois à la fin du livre pour lire les notes explicatives. Je n'ai pas trop su gérer ce problème, et, comme les notes étaient souvent intéressantes, j'ai décidé de toutes les lire. Seulement, la lecture du récit de Vivant s'en est retrouvée très hachée, ce qui fait que je n'ai pas vraiment pu apprécié l'écriture.
Donc, malgré la grande qualité de l'appareil critique, je recommanderai aux lecteurs pour une première lecture de lire l'introduction de Brenet, puis de lire le récit sans consulter les notes, pour préserver la continuité du récit.
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