Un scénario/document mâtiné de fiction qui raconte la prise en otage des montres Lip par les ouvriers de l'usine. 329 jours de lutte racontés à travers le prisme d'une ouvrière, Solange, d'abord réticente puis partie prenante... L'affaire Lip a tenu en haleine toute la France en 1973, les ouvriers ayant décidé d'occuper l'usine et de cacher le stock de 25 000 montres comme trésor de guerre. Un roman graphique de 176 pages – dont un cahier supplémentaire inédit – pour découvrir la lutte des ouvriers dont le leitmotiv était : "On fabrique, on vend, on se paie !"
Né le 16 mars 1970 à Issy-les-Moulineaux, Laurent Galandon grandit dans la banlieue parisienne. A l’adolescence, il s’enferme dans des greniers et joue des nuits entières de longues aventures où il combat Trolls et autres créatures Cthulhiennes. Ses premières histoires, il les écrit donc pour ses camarades de Jeux de Rôle. Adultes, il rejoint Paris pour se consacrer à son autre passion : la photographie. En 1996, il quitte la capitale et prend la direction d’un cinéma d’Art et Essai à Trappes (ville d'un célèbre comique !). Là, il rencontre des comédiens, des réalisateurs et des scénaristes qui raniment son goût pour raconter des histoires.
Il ne serait pas indu de dire de Laurent Galandon qu'il est le scénariste des opprimés. En quelques années, cet auteur a signé nombre d'albums dont le trait commun semble être une certaine volonté d'ouvrir les yeux du public sur le sort réservé à certaines populations ou individus. Des enfants déportés de L'Envolée sauvage, aux gitans de Quand souffle le vent, en passant par les gamins des colonies agricoles pénitentiaires des Innocents coupables ou les ouvriers en lutte de Lip, des héros ordinaires, Galandon aime dépeindre le sort des damnés de la terre. Exercice périlleux auquel il se livre toujours avec une grande sensibilité, multipliant les collaborations – autour de one-shots ou diptyques, la plupart du temps. Ses dialogues minimalistes et la grande part laissée aux silences et aux émotions ont conquis le cœur du public.
Laurent Galandon vit maintenant en Ardèche. Il continue à écrire des histoires empreintes d’humanité où ses personnages s’inscrivent dans des périodes sombres ou tourmentées de l’Histoire.
C'est l'histoire de "C'est la Lutte Finaaaale" (qui n'a en fait rien de définitif car elle se répète encore et encore et encore).
Une BD importante car documentant avec précision un schéma qui se répète de site industriel en site industriel (Florange, Renault, Lejaby). Des moments dans lesquels des salariés s'opposent à la logique capitaliste sur des sites pourtant rentables... mais pas assez pour l'actionnariat. Cette BD m'a rappelé l'excellent film "En guerre", ces deux œuvres sont à lire relire, voir et revoir et remplacent avantageusement la couverture des luttes réalisées par les mé(r)dias.
On découvre des moyens de lutte qui n'ont pas beaucoup changé depuis: confiscation du stock (on peut aussi menacer de faire sauter l'usine (Nortel ou MG&S Industrie), séquestration de la Direction (Air France), autonomisation des salariés et diversification de leur compétences dans des "missions" avec comme résultat inattendu l'accroissement de l'estime de soi, le création d'une fierté de classe, de fierté ouvrière.
Face à eux l'alliance du patronat et des pouvoirs publics s'opposera à cet acte hautement subversif d'autonomisation et finira par recourir à la force afin de faire plier le peuple. Le troisième acteur (les médias) est peu incriminé ici malgré son impact décisif dans la popularité du mouvent auprès de la population (cf. Gilet Jaune).
L'introduction d'une histoire d'amour permet de confronter deux opinions sur la façon dont doit se terminer le mouvement ainsi que l'après lorsque l'ouvrière provinciale aspire à devenir photographe parisienne et qu'un ancien collègue lui rempile à l'usine. Leur histoire d'amour ne survivra pas à ces nouvelles aspirations sociales.
La BD est assez épaisse mais on lit d'une traite les 163 pages dont étonnamment (ou pas) les plus émouvantes sont celles de la préface de Mélenchon.
Un bel exemple d’autogestion dont on aurait aimé un regard un peu plus nuancé d'autant que l’expérience s’est soldée par une liquidation deux ans après et le rachat de la marque en 1984.
This entire review has been hidden because of spoilers.