L'hystérie n'est-elle qu'une fiction du passé ? On l'associe généralement à un diagnostic obsolète, né de l'esprit d'hommes de la fin du XIXe siècle et resté figé dans les mémoires par les photographies de femmes en train de faire l'arc de cercle, pieds et mains au sol, les yeux révulsés. Supprimée des classifications psychiatriques, l'hystérie est supposée avoir aussi disparu du vocabulaire juridique. Le terme peut même nous faire sourire tant son caractère misogyne relève aujourd'hui de l'évidence. Et pourtant, l'hystérie continue de nous hanter. Elle est toujours présente dans les cabinets des médecins, les couloirs des hôpitaux psychiatriques, au sein des cours de justice, des commissariats de police, dans nos familles et nos imaginaires. Si ce signifiant flottant se terre parfois sous d'autres noms, il s'agit toujours de faire des femmes des folles pour cacher les violences dont elles sont réellement victimes. Car l'hystérie ne tombe pas du ciel : pour qu'il y ait "hystérisation ", il faut d'abord des " hystériseurs ". À partir de rencontres avec des femmes psychiatrisées, d'affaires contemporaines, d'entretiens avec des historien. nes, des avocat. es, des médecins, d'archives d'hôpitaux, de témoignages laissés par des autrices internées, Pauline Chanu exhume la voix des femmes enfouies sous les diagnostics et nous invite à laisser parler les fantômes. Celles-ci nous montrent la porte de sortie de la maison hantée.
J'ai adoré. J'en parlerais dans mon prochain podcast mais vraiment un essai incroyablement émouvant et bien écrit tout en étant rigoureux et passionnant. Bravo.
un des meilleurs essais que j’ai lu cette année (pour ne pas dire le meilleur)
j’ai trouvé tout ce que je voulais, et plus encore, dans ce livre d’une pertinence fascinante. on parlera entre autre de la pathologisation psychiatrique des femmes, de féminicide, de traumatisme, de la voix des femmes, de violences sexistes et sexuelles, de foyer, de médecine, et bien d’autres sujets intimement reliés, tout ça de façon très bien documentée historiquement mais également avec des exemples récents. l’écriture m’a également beaucoup plu, les témoignages sont poignants et je mettrai d’ailleurs un TW VSS si vous y êtes sensibles.
ici quelques extraits du dernier chapitre « Sortir les folles du grenier » :
« Je n’ai pas encore toutes les réponses, mais je sais déjà que je n’accepterai plus celles-ci : « Parce qu’elle était hystérique », « Parce qu’elle était folle ». Et je poserai plutôt une question : qui a intérêt à raconter cette version de l’histoire ? »
« Pourquoi, de cette histoire de l’hystérie, retenons-nous la folie des femmes et non la violence des hommes ? […] Car peut-être n’y a-t-il jamais eu de vieilles tantes, de belles-mères, d’ex-femmes, de grands-mères et d’arrière-grands-mères folles dans le grenier ? Peut-être n’y a-t-il eu que des maris, des oncles, des pères, des frères, des cousins, des beaux-pères, des prêtres, des professeurs et des médecins violents ? »
« Je crois que moins les violences conjugales, médicales et psychologiques, moins les agressions sexuelles, l’inceste et les « crimes passionnels » seront tolérés, plus les agresseurs recourront à la stratégie de l’hystérisation et de la pathologisation pour recouvrir la violence. Notre prétendue hystérie ne dit rien d’autre que leur peur d’être découverts »
J’en sors révoltée mais aussi éclairée. Le livre est magnifiquement bien construit, l’écriture est fluide ET instructive, ce qui nous donne envie de poursuivre le plus vite possible jusqu’à la fin. Honnêtement, j’aurais pu lire encore des centaines de pages sur ce sujet.
Je le conseillerais à tout le monde.
Merci à Pauline Chanu pour tout ce travail monumental et pour le vent nouveau et nécessaire qu’elle apporte à notre lutte 🫶🏼