Jump to ratings and reviews
Rate this book

La maison vide

Rate this book
En 1976, mon père a rouvert la maison qu’il avait reçue de sa mère, restée fermée pendant vingt ans.
À l’intérieur : un piano, une commode au marbre ébréché, une Légion d’honneur, des photographies sur lesquelles un visage a été découpé aux ciseaux.
Une maison peuplée de récits, où se croisent deux guerres mondiales, la vie rurale de la première moitié du vingtième siècle, mais aussi Marguerite, ma grand-mère, sa mère Marie-Ernestine, la mère de celle-ci, et tous les hommes qui ont gravité autour d’elles.
Toutes et tous ont marqué la maison et ont été progressivement effacés. J’ai tenté de les ramener à la lumière pour comprendre ce qui a pu être leur histoire, et son ombre portée sur la nôtre.

Denis Podalydès s'empare avec un talent inimitable de cette saga familiale virtuose et captivante.

Audible Audio

Published November 4, 2025

519 people are currently reading
3457 people want to read

About the author

Laurent Mauvignier

30 books141 followers
Laurent Mauvignier was born in Tours (France) in 1967. He graduated from the Beaux-Art (plastic arts) in 1991.

He has published several novels with the Editions de Minuit and his books have been translated in several countries, among them In the Crowd by Faber and Faber (2008). His novels try to map out reality while confronting what cannot be voiced and the limits of what can be said.

His words attempt to articulate absence and sorrow, love and lack; their endeavour is to hold back what sifts through the fingers and through the years.

Source: http://www.laurent-mauvignier.net/en/...

Ratings & Reviews

What do you think?
Rate this book

Friends & Following

Create a free account to discover what your friends think of this book!

Community Reviews

5 stars
354 (54%)
4 stars
208 (32%)
3 stars
59 (9%)
2 stars
15 (2%)
1 star
8 (1%)
Displaying 1 - 30 of 114 reviews
Profile Image for Floflyy.
502 reviews276 followers
November 4, 2025
donnez lui les Goncourt, Renaudot, Femina, Nobel et surtout toute la reconnaissance qu'il mérite. Pas un seul écrivain contemporain n'écrit comme lui.

EDIT: faites moi entrer à l'Académie en fait
Profile Image for Jo.
1,217 reviews223 followers
August 25, 2025
Je vais commencer cet avis par deux précisions importantes. Laurent Mauvignier fait partie de mes auteurs favoris depuis que j’ai lu « Histoire de la nuit », l’un de mes romans préférés de tous les temps. J’ai longuement hésité à ouvrir « La maison vide », même en ayant découvert d’autres de ses textes, de peur d’y placer des attentes trop grandes. Pour rester dans l’honnêteté totale, l’épaisseur de ce nouvel ouvrage me paraissait intimidante, comme si la masse des pages annonçait une traversée difficile. J’avais juste peur d’être déçu, je crois.

Et, pourtant, dès les premières lignes, quelque chose de magnifique s’est imposé : Laurent Mauvignier allait de nouveau me faire ressentir l’onde de choc littéraire qu’il m’avait déjà merveilleusement permis d’expérimenter il y a quelques années. Cette voix, cette écriture qui attrape, qui retient, qui fouille au plus profond de la mémoire et des silences : j’ai compris que non seulement je n’aurais pas envie de m’arrêter mais que le livre aurait pu être plus long sans jamais me lasser (et quel bonheur, vraiment).

Avec « La maison vide », l’auteur nous bouleverse avec une intensité si rare qu’elle en devient extrêmement précieuse. Il marque ici, à ma plus grande joie, le retour de sa plume dilatée, presque infinie, qui explore chaque nuance d’émotion, chaque tremblement du corps, chaque expression fugitive, chaque mot dit ou tu. Lire Laurent Mauvignier, c’est accepter de se tenir au plus près de ce qui, d’habitude, échappe : les interstices du temps, les traces minuscules laissées par les vies disparues, les rictus dissimulés et les secrets révélés à des générations lointaines. Cet étirement des choses, ce refus de la précipitation, donne au roman une puissance hypnotique qui m’a comblé en tant que fan inconditionnel de l’auteur mais également en tant que lecteur amoureux de la langue française en la voyant être si parfaitement utilisée, allongée, manipulée.

« La maison vide » n’est pas seulement un récit familial, ni même une fresque historique. C’est un grand roman, un roman-monde, le roman de la vie. Un livre de la mémoire et de la généalogie qui interroge ce qui nous a façonnés et ce qui continue de peser sur nous, même lorsque les voix se sont tues. C’est une véritable méditation sur les tumultes du temps et sur le poids des décisions du passé qui se répand, se transmet, s’infiltre dans les existences sans qu’on en mesure toujours la portée.

En explorant cette maison vide, Laurent Mauvignier rouvre surtout un espace où celles et ceux qui n’ont plus de mots retrouvent une présence et une histoire. Il prouve également l’immensité de son talent et confirme, par l’ampleur et la profondeur de cette œuvre, sa place parmi les très grands auteurs contemporains.
Profile Image for Mélanie.
912 reviews188 followers
August 30, 2025
Qu'on lui donne le Goncourt tout de suite, ou un Nobel.
Ce livre est une merveille, dans le texte, et dans la langue, cette langue qui vous saisit le coeur et l'âme à chaque phrase.

Je ne vais pas m'épancher, ça ne lui rendrait pas justice. La maison vide est un grand roman.
Néanmoins, préparez vous. Après l'avoir refermé, tout vous parait fade, et il est bien difficile de se laisser porter dans un autre texte.
Profile Image for julien_k.
3 reviews13 followers
October 19, 2025
Une 6ème étoile pour la route, hop ⭐️
Profile Image for Nelson Zagalo.
Author 15 books466 followers
December 1, 2025
A well-deserved Goncourt in 2025!

There are writers who surprise us with their ability to invent worlds; Laurent Mauvignier surprises us, first and foremost, with the way he draws us into fragile, broken minds, and with his courage in keeping us there long enough for us to recognise something of ourselves. "La Maison vide" (2025), which I read now after "Histoires de la nuit" (2020) and "Continuer" (2016), confirms what I already suspected: there is, in Mauvignier's work, a particular art of creating literature from inner tension, a way of delving into emotional life that few can achieve with such depth.

Ful text, in Portuguese, Narrativa X: https://narrativax.blogspot.com/2025/...
Profile Image for Daniel KML.
116 reviews31 followers
November 4, 2025
Now worthy winner of the 2025 Prix Goncourt

...ici, je ne fais que des suppositions, des spéculations – du roman – c’est ça, je ne fais que du roman –, mais je crois que si ce que j’écris ici est un monde que je découvre en partie en le rêvant, je ne l’invente pas tout à fait : je le reconstruis pièce à pièce, comme une machine d’un autre temps dont on découvre que le mécanisme a pourtant fonctionné un jour et qu’il suffit de le remonter pour qu’il puisse redémarrer. Ce monde, je pars de sa disparition pour le reconstituer, peut-être à l’aveugle, en prenant trop de libertés, mais avec la conviction que je le fais dans le bon sens, comme à partir d’un fémur fossilisé le squelette d’un animal préhistorique que personne n’a jamais vu.

[...here, I am only making suppositions, speculations — a novel — that’s it, I am only making a novel — but I believe that if what I write here is a world I partly discover by dreaming it, I am not entirely inventing it: I am reconstructing it piece by piece, like a machine from another time whose mechanism, one realizes, once worked and only needs to be wound up again in order to start running. This world, I begin from its disappearance in order to reconstitute it — perhaps blindly, taking too many liberties — but with the conviction that I am doing so in the right direction, as from a fossilized femur one recreates the skeleton of a prehistoric animal that no one has ever seen.]


Here I am again, checking out a frisson-causing work from the French rentrée littéraire (the period when publishers launch most of their new novels).
The last time I did this was with Neige Sinno’s Triste Tigre in 2023 — a non-fiction work that redefined what trauma literature (an overdone topic) is capable of achieving. Back then, I was not disappointed!

Now, with La Maison Vide (The Empty House), Laurent Mauvignier brings a refreshing approach to the family-memoir genre (another overdone topic). Setting himself the goal of telling the lives of his grandmother and great-grandmother, Mauvignier produces something quite distinctive: a 700-page novel that, while echoing hints of great French writers such as Zola, Flaubert, and Maupassant, speaks in a very personal voice — that of a narrator seeking not so much to preserve the memory of his family as to make real, amid the abundance of gaps in that memory, a fictionalized version of both individual and collective stories.

C’est parce que je ne sais rien ou presque rien de mon histoire familiale que j’ai besoin d’en écrire une sur mesure, à partir de faits vérifiés, de gens ayant existé, mais dont les histoires sont tellement lacunaires et impossibles à reconstituer qu’il faut leur créer un monde dans lequel, même fictif, ils auront chacun eu une existence.

[It is precisely because I know nothing or almost nothing of my family history that I feel the need to write one tailor-made — based on verified facts, of people who really existed, but whose stories are so fragmentary and impossible to reconstruct that it is necessary to create for them a world in which, even if fictional, each of them will have had an existence.]


Mauvignier, with his long, winding, image-rich sentences, may well be the greatest French writer alive today. I believe his previous work, Histoires de la Nuit (The Birthday Party), displayed a similar level of craftsmanship, though in the service of a story that at times felt artificial and unnecessarily prolonged. With La Maison Vide, however, Mauvignier has achieved a more ideal balance of content and form, giving birth to an extraordinary work of literature.

Once again, I was not disappointed. And I can only hope that French writers keep reinventing these beaten-down, worn-out literary topics!

Ps.: I've added excerpts that caught my attention. The English versions were made using automatic translation.
Profile Image for Macqueron.
1,031 reviews14 followers
October 29, 2025
Je suis arrivé un peu intimidé devant cette Maison vide. Ne connaissant pas l’histoire, la perspective de 700 pages de vide ne m’enthousiasmait pas, d’autant que j’avais compris qu’il s’agissait d’un texte très littéraire. Mais de vide il n’y en a pas, ce serait aussi faux que de dire que Cent ans de solitude n’a qu’un personnage. Et la langue de Mauvignier est certes littéraire mais très abordable.
Il est ici question d’une histoire familiale, retraçant en creux un demi-siècle (début du XXeme siècle) de société française. Ca pourrait être du déjà vu, ça pourrait être boring, mais il y a la plume de l’auteur et quelle plume! Derrière ses phrases longues à la Proust se cache une langue ample mais jamais ampoulée, travaillée mais facile d’accès. Pour accentuer certains phénomènes de malaise, de pensées obsédantes, l’auteur utilise l’incise et les effets de répétition comme le fait divinement bien Stephen King. Le grand écart de style entre les deux en fait un auteur au style unique et extrêmement prenant et efficace.
Car ces phrases ne sont pas que des effets de style, elles servent le fond, vont creuser les personnages, leur donnent une chaire comme rarement j’ai ressenti. Bien sûr on pourra lui reprocher que sur une histoire vraie il se pose en narrateur omniscient capable de connaître chaque geste, chaque émotion, chaque réaction de ses personnes. Mais peu importe, on est clairement ici dans un roman et les personnages sont vrais. Ils ne sont pas des poupées de chiffon mais des êtres complexes et auxquels on s’attache ou desquels on se défie au fil des pages. L’auteur prend le temps de décrire les situations et ne se contentent pas de les survoler, comme le faisait à merveille un Zola, ou encore un Flaubert.
Sans doute une des fresques familiales (au sens romanesque du terme, et non au sens enquête comme le fait parfaitement Carrère) les plus passionnantes que j’ai lues depuis longtemps, avec un plaisir de lecture et de belle langue assez incroyable.
Profile Image for Zon.
94 reviews6 followers
September 21, 2025
exceptionnel génial énorme coup de cœur miam
Profile Image for vic.
99 reviews8 followers
September 2, 2025
vraiment c'est goncouresque asf

déçue de moi-même je l'ai lu un peu trop vite, j'aurais du plus en profiter
1,347 reviews56 followers
November 20, 2025
Par quoi commencer pour vous parler de ce roman de 752 pages qui m’a conquis ? Par quel événement ? Par quel personnage ?

L’ancêtre Firmin Proust et sa femme, la préposée aux confitures et aux chaussettes à repriser ?

Leur fille Marie-Ernestine qui se voyait faire une carrière de pianiste et dont les rêves se sont brisés nets lors de l’annonce de son mariage avec Jules Chichery, un gros jeune homme qui tentera de l’amadouer avec des bouquets de marguerites ?

Leur fille Marguerite, que sa mère n’aime pas, avec qui elle ne crée aucun lien ; placée à 13 ans chez un commerçant qui la viole elle et sa collègue Paulette ?

J’ai aimé ce roman plein de femmes qui, à l’époque, n’avait aucun droit. Comme si la filiation du narrateur venait uniquement d’elles.

Si je n’ai pas beaucoup aimé Marie-Ernestine enfermée avec son piano, j’ai en revanche eu de la peine pour sa fille Marguerite qui doit se débrouiller avec sa mère et son père mort en 1916 en Argonne.

J’ai aimé son amour pour son mari André, son désarroi lorsque celui-ci est emmené au STO, la collaboration horizontale de Marguerite pour tenter de grappiller des informations sur son mari.

J’ai aimé sa collègue Paulette à la langue bien pendue qui la traite de gourdasse et lui explique la vie.

J’ai détesté Marie-Ernestine de se remarier avec le notaire Lucien, son fils Rubens qui ne sait rien faire, et le sale tour qu’ils jouent à la famille.

J’ai aimé la préposé aux confitures et aux chaussettes à repriser qui, lors de la première guerre, devient Jeanne-Marie qui prend les terres, la scierie, la menuiserie et les locataires en main.

J’ai aimé le leitmotiv du cerisier noir planté par Jules le jour de son mariage et qui fait, des décennies après, le bonheur de sa famille, ses branches qui frottent contre les vitres.

J’ai aimé que le narrateur avoue ne pas pouvoir imaginer certains faits, comme si ceux-ci résistaient. Cette impression, que j’ai vécu d’être dans l’impossibilité de connaître le fin mot de l’histoire, le but d’une action d’un de nos ascendants, c’est ce qui fait que le roman peut exister : dans les failles de la mémoire familiale.

J’ai aimé son style et ses longues phrases à la (Marcel) Proust. J’y ai vu un hommage, lui dont l’aïeul Firmin s’appelait Proust.

Un roman sur les femmes dans les guerres (la première te la seconde).

Un roman sur les conséquences du manque d’amour maternel sur les générations futures.

Quelques citations :

… même obsession de s’encourager au travail, à la rigueur, à tenir le front – de la guerre ou de la maison – (p.301)

Hors de question que sa propre fille subisse ces jeunes filles qui n’avaient pas à être acceptées par Dieu parce que Dieu et toute la Sainte Famille avaient leur rond de serviette chez elles. (p.324)

… une jeunette qui entend dans les mots de sa grand-mère Tant que les hommes ont l’impression de porter la culotte, tout va bien pour les femmes (p.432)

C’est parce que je ne sais rien ou presque rien de mon histoire familiale que j’ai besoin d’en écrire une sur mesure, à partir de faits vérifiés, de gens ayant existé, mais dont les histoires sont tellement lacunaires et impossibles à reconstituer qu’il faut leur créer un monde dans lequel, même fictif, ils auront chacun une existence. C’est cette réalité qui se dessine qui deviendra la seule, même si elle est fausse, car la réalité vécue n’a aucune raison de revenir (p.506)

De tout ça, j’ai beau chercher, je ne trouve pas le point de leur rencontre, mon imagination achoppe, non, il n’y a rien, c’est un point aveugle, un angle mort, et dans mon esprit, là où leur histoire commence ils ses ont déjà rencontrés (p.507)

L’image que je retiendrai :

Celle du piano à queue qui trône dans la maison, cadeau de son père à Marie-Ernestine, qui refusera toujours d’en jouer à sa fille.

https://www.alexmotamots.fr/la-maison...
Profile Image for Agathe.
87 reviews6 followers
November 12, 2025
Récit phénoménal des liens entre mères et filles, celles de la famille de l'auteur. Les trajectoires, les déceptions, les destins des unes influencent celles des autres, jusqu'à atteindre le père de l'auteur, et, puisqu'il écrit ce livre, l'auteur lui-même.

C'est une grande fresque qui a pour point de départ un endroit : la maison familiale, là où ces femmes ont vécu, que l'auteur parcourt en y racontant les recoins, les pièces, les meubles... et les TRAGÉDIES qui vont avec.

Et ça donne un PAVÉ de 750 pages hyper intenses, mais très très bien écrites. J'ai été surprise parce que l'auteur est un homme, pourtant il raconte la vie de ses aïeules en se plaçant presque dans leur tête, raconte des histoires tragiques de femmes avec beaucoup de détails et c'est convaincant ; pour ça je dis bravo. J'étais comme dans un film dans ma tête, tout était fluide, les personnages sont forts même s'ils sont presque tous horriblement méchants.

Le contexte historique - début 20e jusqu'à la seconde guerre mondiale - est passionnant, très bien raconté. je recommande 👍🏻

Le seul bémol que j'apporte c'est que certains passages sont assez répétitifs, et c'est le style de l'auteur, mais parfois c'était un peu trop à mon HUMBLE AVIS
Profile Image for Aude Bouquine Lagandre.
725 reviews218 followers
November 24, 2025
Dans « La Maison vide » rouverte en 1976, rien n’est tout à fait mort, rien n’est vraiment vivant. Un piano, une commode au marbre ébréché, une Légion d’honneur, des photographies mutilées. À partir de ces quelques objets, Laurent Mauvignier remonte le temps et exhume une lignée de femmes. Ce roman propose une plongée dans ce que les catastrophes intimes font aux corps, aux mots et aux descendants. La maison devient alors un carrefour où se rejoignent deux guerres mondiales, la ruralité du XXᵉ siècle, la violence du patriarcat et la mécanique impitoyable des petits villages qui, souvent jugent, condamnent, enferment.

Au cœur de « La Maison vide » se jouent des catastrophes intimes, une jeune femme fauchée par l’alcool et la solitude, un mari interné, un fils qui se donne la mort, des existences brisées que l’état civil réduit à quelques mentions. Laurent Mauvignier met à nu la façon dont ces drames se fabriquent lentement, par accumulation de frustrations, de honte et de renoncements. Les ravages s’entrecoupent de guerres, la grande et la seconde, et se poursuivent ensuite, dans les cuisines, les chambres conjugales, les silences du dimanche. Le malheur n’arrive jamais seul, il est nourri par des structures sociales, la morale religieuse ou le regard du village. Tout un système se construit qui préfère le sacrifice des individus à la remise en question de l’ordre établi.

Cette configuration porte un nom, le patriarcat, et Laurent Mauvignier en démonte progressivement les rouages. Car, la domination masculine traverse la maison de part en part… Hommes propriétaires, décorés, reconnus par l’État et par le village. A contrario, les femmes sont réduites à l’état de servir, à enfanter et à se taire. Ce qui se joue au niveau intime est inséparable du fonctionnement clos de la société rurale (une femme donnée en mariage, un talent musical sacrifié, une vie empêchée). Dans « La Maison vide », il suffit d’imaginer qui parle et qui se tait, qui est accroché au mur en uniforme et qui disparaît des photographies. Les ravages de ce patriarcat omniprésent sont tous là, au cœur de la maison silencieuse où ces vies de femmes qui ont porté la maison sont effacées.

Pourtant, durant les deux guerres, les hommes partent au front. Ils en reviennent mutilés ou n’en reviennent pas. Les médailles s’accrochent dans les salons, les noms se gravent sur les monuments. La gloire militaire donne aux lignées une fierté ponctuelle et un poids symbolique qui traverse les générations. Mais Laurent Mauvignier s’intéresse à l’envers de la médaille : les veuves trop jeunes, les enfants orphelins, les hommes brisés que l’on enferme en psychiatrie plutôt que de regarder leur souffrance en face. L’Histoire avec un grand H écrase l’histoire minuscule des individus, tout en la déterminant. Les guerres servent de justification. On excusera la dureté des pères, l’alcoolisme, les coups, au nom de ce qu’ils ont « enduré là-bas ». Le roman dévoile ce chantage souterrain.

De génération en génération se rejouent ainsi des rapports de pouvoir. Entre hommes et femmes, puis entre parents et enfants, et entre ceux qui possèdent la terre et ceux qui la travaillent. La maison familiale concentre toutes ces tensions. Elle est le théâtre de la transmission matérielle et celui de la transmission symbolique. Mais l’écrivain s’attache à montrer comment on construit surtout le silence, ce que l’on choisit de dire ou de taire. On ne parle pas de suicide, on parle de maladie. On ne parle pas de violence, on parle de caractère. Le village tient, la façade tient, mais le prix à payer se lit sur les corps et dans les mémoires.

L’héritage des blessures sur quatre générations est au centre de « La Maison vide ». Il convient de retisser le fil du temps pour redonner chair aux aïeules et aux objets oubliés. À travers certains d’entre eux, comme le piano, ou, plus tard, un visage découpé sur toutes les photos, le narrateur recompose les existences de ces femmes : la grand-mère, l’arrière-grand-mère, leurs mères (et des hommes autour d’elles). Les blessures familiales ne s’arrêtent pas à la personne qui les subit, elles se prolongent en ombre portée sur les enfants et les petits-enfants. Des schémas se répètent sans que personne ne les soupçonne.

Avec cette idée de retour dans « La Maison vide », celle-ci devient le personnage central. C’est en la traversant que le narrateur mène sa quête. Chaque objet devient un fragment d’histoire à réactiver. En redonnant chair à la maison, il redonne chair aux disparus. À quel dessein ? Il cherche à répondre à la question obstinante du suicide de son père. Pourquoi cet homme, issu de cette lignée, a-t-il choisi de mettre fin à ses jours ? Qu’est-ce qui, dans l’histoire familiale, pèse sur son geste ? Laurent Mauvignier va alors examiner la chaîne entière, les morts, le poids de la honte, les non-dits, les modèles masculins impossibles à tenir, les femmes aimées et mal comprises. La question du père ouvre alors toutes les autres, puisque ce n’est qu’en fouillant les générations antérieures, que le narrateur peut approcher une forme de réponse.

La fiction apparaît alors comme la seule voie possible vers une vérité intime et insaisissable. Et l’écrivain, puisque c’est là son métier, suppose, imagine et remplit les blancs. Cette façon de faire permet de toucher quelque chose que les faits bruts ne disent pas tels que la texture émotionnelle d’une époque, la tonalité affective d’une relation, la densité d’un événement pour ceux qui l’ont vécu. Laurent Mauvignier prend soin de montrer qu’il ne sait pas tout et qu’il invente parfois. L’action d’imaginer est l’outil par lequel il tente de réparer un peu les vies abîmées, de donner une place à celles et ceux qu’on a fait taire.

Toute « La Maison vide » ne tiendrait pas si l’écriture n’était pas à la hauteur. Or, elle l’est, somptueuse et virtuose, faite de phrases longues, travaillées, où chaque incise compte. J’ai pensé à Zola pour la puissance avec laquelle il inscrit ses personnages dans leurs milieux. Les destins individuels sont pris dans un étau de déterminismes sociaux et historiques que le texte met en lumière avec une précision presque naturaliste. Mais j’ai pensé aussi à Proust pour la manière de déplier la mémoire, de laisser remonter les sensations, de s’attarder sur un geste, une lumière. La phrase se déploie, s’enroule autour de l’objet observé, laisse apparaître les strates du temps et de l’émotion. Laurent Mauvignier se fait le garant de ces deux traditions et les prolonge en les arrimant à notre modernité.

Nul doute que « La Maison vide » deviendra un classique de la littérature française qui marquera les esprits. Il touche à une vérité universelle où chacun possède une maison, réelle ou imaginaire, dont les murs retiennent des histoires qu’on ne connaît pas entièrement. Chacun pressent que les silences familiaux ont une forme de pouvoir sur sa propre vie. Ensuite, parce que « La Maison vide » parvient à faire le lien entre l’intime et le collectif. Ce qui arrive à cette famille est un concentré de ce que la France rurale, les guerres, la morale catholique, le patriarcat ont produit pendant des décennies. En ce sens, le roman parle de nous tous, même si nous ne venons pas de cette maison-là.

Mais, « La Maison vide » s’impose par la qualité de son écriture et la puissance de ses intentions : remonter quatre générations pour tenter de comprendre un seul geste. Ce faisant, il rend justice à celles et ceux que l’Histoire a effacés. Laurent Mauvignier offre un texte qui assume de rester au contact de l’incertitude, d’en combler les blancs par l’imaginaire, et qui rappelle que la littérature est parfois le seul lieu où les destins les plus intimes trouvent refuge. C’est cette exigence, à la fois dans la langue et dans le regard qu’il porte sur ses personnages, qui permet au livre de dépasser le rang de « très bon roman » pour rejoindre, peu à peu, celui de chefs-d’œuvre.
Profile Image for Marie Diehl.
2 reviews
October 21, 2025
Exceptionnel. Une histoire sur quatre générations, une fresque familiale grandiose au rythme du XXe siècle et de ses drames. Des personnages féminins d’une finesse, complexité et beauté absolue. Je le relirai c’est sur !
Profile Image for Coline Fournier.
59 reviews12 followers
December 25, 2025
c'est une lecture incroyable, dévorante et qui hante jusque loin dans son corps

un style à la croisée de joyce et de simon, quelque part près de proust et de zola, avec des scènes proches de mouawad – l'enfance est un couteau planté dans la gorge – tout en restant accessible, lumineux, jamais pompeux, toujours littéraire (le roman d'un écrivain)

deux portraits de femmes complexes, deux enfants qui vivent une vie de femme au XXème siècle, avec tout ce que ça veut dire – la guerre les hommes la beauté du monde et l'argent, avec du piano des crucifix des poignets du vin des foulards et cette maison

"il a honte et ne sait même pas si c'est de ne pas leur ressembler qui lui fait honte ou si, au contraire, c'est de leur ressembler malgré tout et de devoir accepter de vivre avec le même sang que le leur dans ses veines."
"on ne sait rien de l'intimité qui chuchote dans les couloirs de l'histoire"
"attachement ténu mais réel, lié à la communauté de destins que la vie leur a imposée"
Profile Image for Léa.
270 reviews44 followers
October 19, 2025
Lecture dans le cadre du Prix Landerneau 2025 🏆

Quelle écriture ! Époustouflante du début à la fin !

On entre dans ce livre comme on pousse la porte de la maison vide. On découvre au fur et à mesure que nous arpentons les pièces, de vieux meubles, un piano abandonné, les tomes des Rougons Macquart prenant la poussière au grenier, tous ayant appartenus aux anciens habitants de cette maison. C’est aussi leurs âmes que nous rencontrons par la plume de l’auteur qui s’applique à nous dresser son histoire familiale en tentant d’assembler les pièces d’un immense puzzle. Ces histoires tissées par l’auteur à partir de photographies et anecdotes racontées de génération en génération.

La maison vide est empreinte de la mémoire de ses habitants, de leurs souvenirs mais aussi de leurs silences. Des silences comblés par ce roman aux personnages inoubliables, avec une véritable âme et une personnalité propre à chacun. Chaque personnage participe à l’intimité de ce roman qui en devient finalement universel.

Un roman sur le poids de l’héritage intergénérationnel et des secrets.
Profile Image for Tessa.
296 reviews
November 1, 2025
Mauvignier ne manque pas de souffle pour raconter l'histoire de sa propre famille sur plusieurs générations dans La maison vide.

Outre le fait que son récit soit remarquablement documenté, c'est surtout sa magnifique écriture qui en fait un livre exceptionnel, avec un style hors du temps et maîtrisé comme on en rencontre rarement. Ses longues phrases d'une limpidité étonnante sont envoûtantes.

Le destin tragique de ses ancêtres est tout simplement émouvant alors qu'on savoure en même temps la richesse du texte et le grand talent de l'auteur. Pardonnez le lieu commun : c'est un incontournable.
Profile Image for Matthias.
404 reviews8 followers
December 29, 2025
Compte tenu de mes difficultés avec des histoires familiales, ce livre m'a étrangement captivé. L'impossibilité de se souvenir d'un passé qui cherche à se faire oublier ne devient pas une source de tristesse accablante (comme c'est si souvent le cas dans les livres de Patrick Modiano) ; elle est au contraire compensée par l'invention d'un passé qui rend hommage aux oubliés. Magnifiquement raconté.
Profile Image for Hajer.
696 reviews
September 20, 2025
un pur moment de bonheur.
une plume inspirée et un art de la narration sensible et intimiste, comme on n'en croise plus que rarement aujourd'hui.

Depuis '' Continuer'', en passant par ''Seuls'', ''Apprendre à finir'' et ''Histoires de la nuit'', Mauvignier n'a cessé de démontrer la générosité de son style et la richesse de son univers.
116 reviews2 followers
November 19, 2025
Un roman monumental, une plume fascinante qui m’a entrainée pendant ces 752 pages que je n’ai pas vues passer, jusqu'à la dernière que je tourne avec émotion.
Une histoire familiale dépeinte avec une minutie qui rappelle les grands romans classiques de la littérature française.

Un prix Goncourt amplement mérité.
Profile Image for HALIMA Elyoussoufi.
353 reviews15 followers
November 19, 2025
la Maison vide est un souffle de solitude où les non-dits deviennent des échos puissants. L'auteur transforme le vide en émotion palpable, il arrive à nous faire ressentir l’invisible avec une intensité rare. une belle lecture même si parfois la répétition dans la narration où la lenteur du récit peuvent paraître gênantes.
Profile Image for Zei ☀️.
50 reviews5 followers
November 5, 2025
Im surprised i liked this book this much, the more i read the better it got, i got invested. i will ABSOLUTLEY reread this i will like it SO MUCH MORE now that like i know who everyone is and whats gonna happen so ill focus on the details more

moment of, like, ackldegment for how insane it is tho that i essentially started it on monday, read ANOTHER book, so all i all in like 2 days and a half i read approx 700+ pages

ONE I REREAD THO ILL QRITE A PROPER REVIEW, BUT THE BOOK IS GOOD TRUST
Its definetly voted best Femina watevr book for a reason. I get it
i think it would make a good tv show
5 reviews2 followers
November 6, 2025
Finir la lecture de ce joyau de Mauvigner le jour de l’attribution d’un Goncourt amplement mérité… Magnifique
4 reviews
December 14, 2025
la famille c’est pas facile mais au moins c pas misogygne - par contre il y avait une penurie de virgules le jour de la conception du livre ????
23 reviews1 follower
November 14, 2025
Très beau roman, long certes mais se lit aisément grâce à une écriture fluide et riche. L’auteur reconstitue l’histoire de sa famille plombée par les secrets et les non-dits, et tout particulièrement la relation entre sa grande-mère et son arrière grand-mère, toutes deux sacrifiées aux diktats de l’époque et pourtant incapables de se comprendre l’une l’autre. J’ai beaucoup aimé la profondeur émotionnelle de ce roman. Coup de ❤️
Profile Image for Victor  Ward.
271 reviews20 followers
November 29, 2025
2,5⭐️

Que dire.

Pour commencer par le positif, j'ai particulièrement aimé la plume et le style narratif de Laurent Mauvignier. Le livre est long, mais les chapitres sont rythmés, on est intrigué d'en savoir plus sur ses personnages alors il est facile d'enchaîner les pages.

Le seul bémol, c'est que l'auteur a l'air d'adorer se répéter. La répétition lui plaît. De toutes les choses qu'il aime, c'est de paraphraser grâce à la figure de style qu'est la répétition. En résulte des passages à rallonge dont on comprend bien la pensée puisque ça fait 5 fois qu'on nous la rabâche. Je pense sincèrement qu'en enlevant tout ces paragraphes, on gagne facilement une centaine de pages.

Ensuite, j'ai eu beaucoup de mal avec le principe du livre. On frôle le misérabilisme sur près de 800 pages, et on y trouve que peu de moments de répit qui, au final, sont de très courte durée.

Laurent Mauvignier décrit la vie de plusieurs membres de sa famille (et principalement de sa grand-mère, son arrière grand-mère et son arrière arrière grand-mère) à partir de souvenirs glanés ça et là, mais surtout de réinventions d'évènements (fait qu'il assume lui-même). J'aime énormément le principe de l'autofiction, et encore une fois, j'ai trouvé que l'auteur l'écrit avec brio. On arrive rapidement à se perdre dans le récit, à tel point que quand le narrateur refait surface pour nous indiquer que tel passage, pensée ou action est probablement déformé voire même inventé de toutes pièces, on en vient à se surprendre que Mauvignier n'a pas vécu ces scènes.
Malgré tout, le texte me rend énormément amère parce que l'auteur se complaît à utiliser les destins de ces trois femmes qu'il n'a pas connu. Il se permet de se réapproprier leur vie, d'imposer à Jeanne-Marie, Marie-Ernestine et Marguerite des façons d'agir et de penser qu'il ne saurait comprendre ou connaître, sans même imaginer que ces femmes n'avaient peut-être pas envie de faire l'objet d'un bouquin qui s'octroie le droit de balancer sur 752 pages les détails les plus intimes, sordides et terribles de leur existence. Je pense notamment aux agressions sexuelles et physiques vécues par elle trois ou encore à l'orientation sexuelle de Marguerite révélées sans pression...

Au 2/3 du livre, je n'en pouvais déjà plus, chaque chapitre est lourd de déprime, on referme ça à bout de souffle tellement ça pue la détresse. J'applaudis la volonté de Mauvignier de vouloir révéler des secrets familiaux qui permettront de s'alléger de certains traumatismes (ici notamment la guerre et la violence intrafamiliale) qui continuent de peser sur les épaules des générations futures. Malheureusement, je n'ai pas adhéré à cette mise en scène qui était, selon moi, à la limite du grotesque et du voyeurisme.

Aussi, j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi ça fait kiffer les membres du Goncourt de filer le prix à un bouquin qui n'est clairement pas de la fiction ? J'en peux plus de voir des (auto-)biographies être sélectionnées et gagner sérieux.


Pour finir sur une note positive, quelques très beaux passages :


(...) Car on ne médit pas tant sur les autres pour les rabaisser que pour accroître la surface de notre entente, pour la solidifier, la faire fructifier, comme si la médisance était le terreau par lequel mère et fille pouvaient s’imaginer comme deux amies, feignant d’ignorer que parler des autres c’est aussi le meilleur moyen d’éviter de parler de soi. (Chap. 7)


Là, triomphant – victoire trop facile, triomphe sans gloire –, il pouvait lui jeter à la face son amertume et son mépris, avec une secrète jouissance dont il s’étourdissait en lâchant qu’elle le priverait des joies de la paternité et de la nécessité d’une descendance, parce que son ventre à elle n’en avait pas voulu. Il parlait calmement et froidement pour lui dire tout ce qu’elle n’était pas, ne lui donnait pas, ne lui donnerait jamais ni à lui ni à aucun homme, et il finissait par lui dire – coup de grâce – combien il la plaignait et ne la quitterait cependant jamais, car il n’avait pas le cœur à l’abandonner ; il n’était pas un monstre, non, et au fond de lui il savait bien – cette fois en prenant bien soin de garder cette vérité pour lui – qu’on ne quitte pas ceux qui ne tiendront pas longtemps : il suffit d’attendre que le cœur les abandonne pour jouir enfin des joies d’un veuvage et d’un héritage qui apparaissent alors pour ce qu’ils sont, le remboursement mérité du sacrifice de sa jeunesse. (Chap. 14)


C’est comme une mouche qui s’épuise à lutter contre le verre d’une fenêtre et se cogne cent ou mille fois pour regagner le jardin, l’herbe, les arbres qui sont si près – tout est si près –, et la mouche pourtant se blesse, s’épuise, abandonne et meurt. C’est comme si elle aussi, Marie-Ernestine, devait se frapper sans cesse contre une vitre parce qu’elle n’a pas connaissance de l’existence du verre, comme si elle était condamnée à tenter de rejoindre un espace auquel elle croit avoir droit mais qui lui est refusé parce que quelque chose s’interpose qu’elle ne voit pas, ne comprend pas ; comme si cette réalité entre elle et son désir, elle en subissait la brutalité sans l’avoir jamais vue venir, sans même y avoir jamais été préparée. (Chap.21)


C’est parce que je ne sais rien ou presque rien de mon histoire familiale que j’ai besoin d’en écrire une sur mesure, à partir de faits vérifiés, de gens ayant existé, mais dont les histoires sont tellement lacunaires et impossibles à reconstituer qu’il faut leur créer un monde dans lequel, même fictif, ils auront chacun eu une existence. C’est cette réalité qui se dessine qui deviendra la seule, même si elle est fausse, car la réalité vécue s’est dissoute et n’a aucune raison de nous revenir ; le récit que j’en fais est comme une ombre déformée trahissant la présence d’une histoire dont je capte seulement l’écho. (Chap.74)


Si je n’avais jamais pris soin jusqu’à maintenant de vérifier les faits c’est qu’il n’importe pas pour moi de chercher le vécu, mais de faire barrage à l’oubli par les moyens dont je dispose – les récits, les histoires. (Epilogue)




Profile Image for SAM.
119 reviews1 follower
November 27, 2025
Sur la forme, on pense immédiatement à Proust mais en plus accessible, la preuve, je l'ai lu en entier !

Sur le fond, un auteur qui se plonge dans l'histoire de sa famille, ça m'a rappelé un autre Goncourt, "Les champs d'honneur" de Jean Rouaud, qui lui aussi était aux Editions de Minuit. J'ai pensé parfois aussi à Jean d'Ormesson avec l'excellent "Au plaisir de Dieu" qui dépeignait également une histoire familiale tout au long du XXe siècle.

Mais c'est vraiment le style qui est le plus mémorable dans ce roman. Tant de phrases longues, un usage immodéré des tirets pour interrompre la continuité de ses phrases, un sens du détail incroyable, tout ça aurait pu perdre le lecteur, et miraculeusement, non, ça tient et on s'accroche à ces pages, on est tenté de prendre son temps, puisque le livre est tout sauf un "page turner" où le suspense serait à son comble à la fin de chaque chapitre: ainsi ce gros roman m'aura accompagné près de deux mois !

Deux personnages de femmes vont animer l'essentiel de ces 744 pages, Marie-Ernestine, puis sa fille, Marguerite, la grand-mère de l'auteur. Dans un monde rural ou la place des femmes est de rester confiné aux tâches domestiques, toutes deux vont connaître des existences tourmentées, des relations aux hommes assez dramatiques. 

Le destin de la deuxième "héroïne", sur fond de Seconde Guerre Mondiale, est révélé dans l'épilogue qui mérite à lui seul le détour avec une intensité dramaturgique qui est à son sommet. On ne résiste pas au final à l'envie de se replonger dans le long prologue pour mieux mesurer le chemin parcouru par l'auteur entre ces deux morceaux de bravoure, dans une unité de lieu qui est cette fameuse "maison vide".

Dans la génération d'avant, celle de Marie-Ernestine, la guerre aussi avait joué un rôle majeur : ici c'est bien de la "Grande Guerre" dont il est question et même si les hommes sont au second plan dans ce roman, le destin de Jules, mari de Marie-Ernestine, ne laisse pas insensible et jouera un rôle majeur sur la suite de l'histoire familiale.

Si cette œuvre est extrêmement littéraire, on y trouve aussi des élans romanesques avec la passion de Marie-Ernestine pour le piano (et un professeur), un mariage arrangé (Marie-Ernestine et Jules), et au contraire, de l'amour passionnel (Marguerite et André). Ce roman s'attarde aussi souvent sur la relation particulièrement difficile entre une mère (Marie-Ernestine) et la fille (Marguerite) qu'elle ne voulait pas avoir, mais aussi sur l'irruption des guerres dans le quotidien des personnages, de la Première où Jules attendra 17 mois pour avoir enfin une permission (là encore, cela donne lieu à de magnifiques pages) à la Seconde ou André sera absent plusieurs années, ce qui occasionnera ce terrible secret de famille que Mauvignier ne gardera pas pour lui en nous le révélant dans les toutes dernières pages.

L'auteur apparaît à plusieurs reprises dans son œuvre pour expliquer sa démarche. En voici un extrait (page 616)  : "C'est parce que je ne sais rien ou presque rien de mon histoire familiale que j'ai besoin d'en écrire une sur mesure, à partir de faits vérifiés, de gens ayant existé, mais dont les histoires sont tellement lacunaires et impossibles à reconstituer qu'il faut leur créer un monde dans lequel, même fictif, ils auront chacun eu une existence."

Qu'il écrive sur l'intime (la nuit de noces de Marie-Ernestine étirée sur une dizaine de pages remarquables) ou qu'il décrive l'Exode de juin 1940, Mauvignier excelle et on finit ce livre en se réjouissant que le Goncourt ait couronné une telle oeuvre, ambitieuse, parfois austère tout en restant abordable.
Profile Image for Nathalie Vanhauwaert.
1,087 reviews43 followers
December 25, 2025
Un roman fleuve de 744 pages tout de même , qui se lit, il est vrai si l'on a du temps à lui consacrer, de manière assez fluide et rapide tant l'écriture est belle. Cependant arrivée à la moitié, et ayant moins de temps pour lire, j'avoue avoir perdu le rythme et avoir un peu peiné à le relancer, c'est le bémol que je lui porte.

Laurent Mauvignier, à la recherche d'une médaille dans une commode de la maison de son enfance nous offre une fresque sur le siècle dernier à la recherche de ses ancêtres, d'explication sur le poids des secrets et du passé que l'on porte en soi cherchant une explication au suicide de son père lorsque lui-même était âgé de 16 ans.

Ce livre c'est l'histoire d'une maison, d'un piano, d'une famille mais aussi le tracé d'une époque mêlant la grande Histoire à la sienne. C'est remonter à la source, à l'origine de la famille, de son arrière-arrière-grand-père, Firmin Proust et son épouse Jeanne Marie qui ont scellé le destin de sa descendance, de sa fille, sa préférée, Marie-Ernestine l'arrière-grand-mère animée d'une passion pour la musique et le piano. C'est la condition des femmes, leur rôle, la soumission à la décision du patriarche.

C'est un rêve qui s'envole pour Marie-Ernestine, un amour non choisi, une autre femme sa fille, Marguerite effacée de la famille.

J'ai aimé l'écriture immersive, qui vous prend et vous fait vivre le personnage de l'intérieur, on a l'impression d'être dans sa tête, avec elle, de vivre son époque, de ressentir, de visualiser tout, d'y être. Une écriture des grands écrivains du 19ème, mélange entre Flaubert, Zola, Maupassant et Proust pour la longueur des phrases. Tout est détaillé, passé au scalpel pour que l'on ressente sans dialogues ou presque. Je trouve cet aspect remarquable.

J'ai par contre perdu le rythme par moments, me suis un peu traînée, ennuyée même jusqu'à le retrouver si j'avais plus de temps de lecture. Je suis heureuse de l'avoir lu, j'ai vraiment dans l'ensemble passé un bon moment mais il m'a manqué la constance de ce plaisir.

Ma note : 9.5 /10

Lecture faite avant la proclamation du Prix Goncourt

Les jolies phrases

J'en ai relevées beaucoup , je triche pour une fois et vous renvoie sur Babelio

https://nathavh49.blogspot.com/2025/1...


https://nathavh49.blogspot.com/2025/1...
Profile Image for Alice Brunel-Robert.
81 reviews2 followers
December 1, 2025
En terminant La Maison vide, je me retrouve dans un drôle d’état, difficile à nommer. Le roman m’a souvent donné l’impression d’être lent, parfois même étiré, et pourtant je n’arrivais pas vraiment à décrocher. C’est comme si quelque chose continuait de me retenir, sans que je comprenne pourquoi, malgré l’absence d’action dans de longues portions du livre. Avec le recul, je réalise que c’est justement ce rythme particulier qui m’a permis de m’attacher profondément aux personnages et à leur monde intérieur, presque sans m’en rendre compte.

Et puis la fin… la fin...! Elle donne soudain un sens nouveau à toute la tension qui s’était installée silencieusement d’un chapitre à l’autre. C’est comme si le roman se révélait d’un coup, et que tout ce que je ressentais sans pouvoir le nommer prenait forme.

C’est un livre qui marque davantage après l’avoir terminé qu’en le lisant. J’ai même envie de le relire, pour savourer ce que j’ai peut-être manqué la première fois, maintenant que je comprends mieux ce que l’auteur construisait en filigrane.
Displaying 1 - 30 of 114 reviews

Can't find what you're looking for?

Get help and learn more about the design.