Vingt-sept AnimauxVilles vivantes ont offert le voyage instantané à l'humanité, ou du moins à ceux capables de payer le tarif exorbitant exigé par le Cartel. Pour les autres, il ne reste qu'à devenir un Astral : un être désincarné qui attend que son corps le rejoigne à bord d'un vaisseau d'émigrants. Closter, artiste en mal de création, rencontre Marika, l'Astrale qui se sert du corps des autres pour voyager à travers les mondes. L'un court après sa mémoire, l'autre après sa chair. Ensemble, ils vont traverser le miroir des apparences... Sept cents ans avant Etoiles Mourantes (écrit en collaboration avec Ayerdhal et couronné du prix Tout Eiffel de science-fiction 1999), la première rencontre entre les AnimauxVilles et l'humanité se joue au rythme d'un piano dans le bar des Etoiles Mortes. Ce space opera sensuel et intimiste a été couronné du prix Rosny aîné en 1992.
Un joli roman de science-fiction française, très poétique, parfois pas évident à suivre, mais plutôt réussi. Ce n'est pas du space-opera classique, c'est plutôt une belle histoire d'amour sur un fond science-fictif réussi.
Ce livre est très agréable à lire, si l'on préfère s'accentuer sur les personnages et leurs développements plutôt que sur des histoires complexes. Amateurs de space-opéra, je ne suis pas sûr que vous trouveriez votre compte avec ce livre et je pense que vous devriez vous tourner vers l'autre livre traitant des Animaux-Villes, Étoiles mourantes, écrit en collaboration avec Ayerdhal, qui je pense répond beaucoup plus a vos attentes. Pour ma part j'ai clairement préféré Étoiles mourantes à Étoiles Mortes, car l'histoire prime sur les protagonistes (ce que moi je préfère) mais n'en oublie pas moins de les développer et de les rendre attachant. Cependant, ce livre reste un roman de qualité avec une très belle plume qui vaut le coup d'être lu.
Un trope est une figure de style qui sort du code habituel de la communication. Le signifié, ce dont l’on parle, n’est pas exprimé directement. Le trope plus connu est la métaphore, l’image linguistique. Une métaphore est, essentiellement, une comparaison qui n’est pas rendue explicite par les indicateurs « comme », « pareil à » etc. Souvent, le langage que Dunyach emploie vire au métaphorique. Mais, plus que ça, son histoire entière transmette la vision d’une métaphore. Souvent l’auteur saute sur des explications des éléments fantastiques ou les remplace par un langage saturé d’images. Souvent des allusions parsèment les conversations des personnages : « On n’en finit pas de démêler les sous-entendus. » Souvent, en autre mots, l’histoire n’exprime pas directement ce qu’elle signifie. C’est précisément en ceci que consiste la valeur de cette œuvre.
Au début, le lecteur est plongé dans la confusion. Les informations pour tisser l’arrière-fond des événements racontés sont éparpillées dans les premiers chapitres Il y a un artiste, Closter, qui saute entre des villes qui paraissent se trouver sur des planètes différentes. À chaque saut, à travers un système d’échange, Closter, un des doubles du vrai artiste Monteori, change place avec lui. Et puis apparaît une Astrale, voyageuse spectrale qui réclame être à la recherche de son corps : Marika. Les destins des deux personnages s’unissent, sans indication par où leur chemin commun puisse déboucher.
Une métaphore est nécessairement détachée de l’immédiateté de la compréhension: elle est une image du signifié, pas le signifié lui-même. Plus la métaphore est inusitée, plus grand résulte le détachement entre l’énonciation et la compréhension. « Étoiles Mortes » est, comme chaque histoire, une histoire unique. Ainsi elle est aussi une métaphore unique. Le lecteur va tarder à la déchiffrer. L’auteur est économe avec des éclaircissements, le tirage entre l’actuel et le métaphorique prend son temps, le signifié ne se dévoile que lentement – et quelques parts resteront à l’ombre.
Par exemple, au début, on est tenté de croire que les villes n’ont pas une vie organique, comme ils l’ont réellement, mais que c’est plutôt la perception artistique de Closter qui les dotent d’une telle vie. C’est assez difficile à imaginer, voire d’expliquer : une ville étant une entité sensible. Ainsi, c’est seulement conséquent que les descriptions dérivent au métaphorique. Cette tendance est le plus accentuée quand des éléments fantastiques prédominent dans le texte. Par exemple, Closter se braque sur le système neuronal d’une ville et se met en communication avec elle. Ce procès n’est pas décrit en termes bio-physiques ou informatiques, mais par des images : « Je m’enfonce dans les profondeurs, parcours salle après salle le labyrinthe de son esprit. » Au lecteur revient d’interpréter ces images de l’immersion dans le réseau nerveux d’une ville : « Je suis une lame qui tranche, une épée qui pourfend. » etc. La divergence du code habituel du langage ne s’achève pas seulement par le penchant vers le tropique, mais aussi sur le niveau de la syntaxe : « Froid, silence, flétrissure. Engourdissement. Vieillesse. » – « Je capte des bribes de pensée (lumière/douceur, vision d’un échiquier circulaire où s’affrontent des pions bicolores.) » L’effet est le même que pour les altérations au niveau sémantique. L’immédiateté de la compréhension est retardée, si peu qu’il soit, parce que les parties essentielles pour la formation d’une phrase ordinaire sont tronquées, principalement le prédicat. Pour que la compréhension se maintienne, le lecteur lui-même prête de la cohérence aux phrases, en ajoutant mentalement les parties manquantes.
Par endroits la cohérence semble aussi faire défaut au récit. La valeur exceptionnelle de cette œuvre réside en que les failles dans la cohérence augmentent sa qualité, au lieu de l’abaisser. Le livre ne perd en rien parce que certains faits sont recouverts de silence ou d’un voile d’ambiguïtés. Tout le signifié ne se dévoile pas. Par exemple, pourquoi Closter se réveille deux fois dans la ville Nivôse, s’il n’y est sauté qu’une fois ? La double amnésie serait-elle un contrecoup tardif du saut ? Ou : comment sont censés fonctionner les échanges ? Est-qu’ils sont seulement immatériels, comme la nécessité d’avoir des doubles l’implique ? Mais dans ce cas, comment peut Closter affirmer qu’il ne devienne pas excédentaire quand il part d’une ville mourante où il laisse son corps ? Comment Closter et Marika peuvent quitter Aigue-Marine par la frontière, sans se voir incommodés par des gardes, malgré que les contrôles sont plus strictes aux frontières d’Aigue-Marine qu’aux autres villes ? Les autorités les auraient-ils laisser s’échapper par exprès ? Ou encore : Guanadi a-t-il trahi Closter en mettant à sa disposition une arme ineffective ? Pourquoi Vorst continue quand même de croire qu’elle fonctionne ? Voilà quelques des questions que le livre évoque sans les résoudre. Le lecteur remplit les lacunes en l’effort d’établir l’équilibre d’une unité de sens. Pourtant, s’il y avait lieu une résolution complète, la métaphore deviendrait méconnaissable : le signifié s’offrirait directement au lecteur. Comme ça, le livre perdrait son caractère particulier.
La parcimonie des explications donne aussi plus de poids aux explications qu’il y en a. Ces éclaircissements soudains, qui change pourtant profondément l’aspect de l’histoire, se glissent à pas feutrés dans le récit. C’est conséquent que l’auteur ne les signale pas expressément, parce qu’ils ne sont pas la clé pour entendre une métaphore, ils font partie même de la métaphore, c’est-à-dire, du récit entier. Du reste leur apparence peu spectaculaire ne diminue point leur effet. Un de ces éclairs, lancé au début, j’ai déjà lâché : « Je suis un de doubles de Monteori. » Mais viendront des autres, plus significatifs encore : « Des dieux habitables. » – « Lui aussi est une personnalité multiple, n’est-ce pas ? » – « Tu es l’original. » – « — Et la bombe ? L’expression de son visage est éloquente. » – « Monteori m’a chargé de gérer son passé à sa place ». Le lecteur, voyageant dans le clair-obscur du récit, est soudainement confronté à la clarté aveuglante que jette ces phrases. Sa perspective sur l’histoire se bascule, mais se stabilise aussitôt en nouveaux paramètres, le récit continuant dans son style ordinaire.
« Étoiles Mortes » arrive au but suprême de la création artistique, c’est-à-dire, l’unité de la forme et du contenu, du langage et du récit. Ici ni l’un ni l’autre se concrétisent complètement, ni l’un ni l’autre sont conçus pour achever une structure aboutie, mais ils sont conçus pour composer un ensemble que lui si irradie toute la vigueur d’une œuvre d’art ciselée à la perfection.
De la SF francophone de qualité, ça se note ! Un univers étrange, à mi-chemin entre l'organique et l'onirique pour une lecture assez unique.
3 étoiles cependant -
Les villes et l'univers semblent... Vides. Ça fait parfois partie de l'univers et de l'histoire mais parfois c'est juste un manque. Le ou les mondes sont une toile de fond que l'artiste ne prend le temps de peindre que partiellement. L'organique, les impressions immédiates du personnage principal ? On s'y attarde. Mais la vie ou les gens autour restent une énigme. Même leur absence n'est pas notée.
Les personnages sont changeants et leurs motivation souvent floues, parfois frustrantes. Marika s'ouvre et se referme sans raison apparente. Closter passe de héros malgré lui, pris dans la tourmente à Prophète omniscient en un claquement de doigt, et ça ne semble pas lui faire d'effet.
L'écriture est bonne, parfois belle ! Mais là où les images règnent, la poésie entre en conflit avec la clarté au risque de perdre le lecteur. De nombreuses scènes d'action sont peu lisibles et on en perd l'enjeu. Sont-ils en train de se faire tirer dessus dans les orgues de glace où est-ce une énième métaphore ? Même les réactions de Closter ne nous permettent pas de trancher pendant de longs paragraphes.
Ceci étant, le négatif prend plus de place à écrire que le positif. Et le positif, il y en a !
Beaucoup de concepts intéressants dans ce livre, et on se laisse porter malgré les défauts évoqués, qui n'en deviennent pas si importants. On se prend au jeu, la lecture est agréable, et on resterait bien dans cet univers un peu plus longtemps. J'irai lire la suite avec curiosité.
Je mets quatre étoiles, car les nouvelles sont vraiment toutes très bien. Les thèmes abordés, le choix des narrations, les fins, tout est très bien ficelé. On ressent la noirceur de l'homme dans ces quatre nouvelles. Cependant, avec cette deuxième lecture de l'auteur, je fais le constat que je ne suis pas une adepte de l'écriture de King. Cette manière de tergiverser, et de rendre la narration plus longue, me lasse et joue sur ma concentration. Je reconnais le talent de l'auteur, qui je trouve, est encore meilleur avec ce genre de format court.