«Soigner est une variation du verbe aimer. Il faut beaucoup aimer nos patients ». Mêlant récits et réflexions, l'auteure, médecin psychiatre et poète, s'interroge sur le soin dans le rapport à l'autre, au monde et à soi. La science rencontre ici l'art, qui permet au savoir de passer entre deux êtres. Si la guérison relève de la science, le soin relève de l'âme. À l'heure où la médecine gagne en technique, Soigner, aimer rappelle que soigner est aussi un art : celui de la compassion. De Sept-Îles à Montréal en passant par Kuujjuaq, l'auteure traduit la souffrance psychique qu'elle rencontre. Elle pose des mots sur la maladie, la vulnérabilité, la psychose et la mort. Elle aborde les malaises dans la civilisation psychiatrique et questionne l'extension du domaine du diagnostic. La souffrance psychologique et sociale est trop importante pour la laisser aux mains des seuls médecins. À travers le soin de soi, de l'autre et du territoire, Soigner, aimer souligne l'humilité comme valeur cardinale du soin. « Ce qui nous distingue de celui qui se trouve assis sur la chaise d'en face repose sur deux ou trois parcelles de gènes et une tonne de facteurs dont on ne saisit rien. Lorsqu'on a compris cela, c'est-à-dire que le hasard nous a posés là plutôt qu'en face, on peut commencer à soigner. Et à écrire, qui est une façon de soigner encore ». La psychiatrie rencontre la littérature. Soigner devient aimer.
Née en 1984, Ouanessa Younsi est poète et médecin psychiatre. Elle poursuit également des études à la maîtrise en philosophie. Elle a publié deux recueils de poésie aux éditions Mémoire d'encrier : Prendre langue (2011) et Emprunter aux oiseaux (2014), et codirigé avec Isabelle Duval le livre collectif Femmes rapaillées (2016).
« Il faut émerger de l'abîme pour organiser le chaos. »
Il est intéressant de savoir qu'Ouanessa Younsi est une psychiatre ayant effectuée ses études en médecine à l'Université Laval et ayant poursuivie le même cours de littérature dans lequel je suis présentement inscrite sous la tutelle du même professeur...le monde est petit.
L'autrice redéfinie l'empathie en teintant celle-ci d'une atmosphère littéraire (une puissance créatrice réunissant toutes âmes vivantes) afin d'éviter l'auto-destruction, car il est dangereux de côtoyer la souffrance au péril de l'acquérir. Quelle est la limite de cette empathie? Que pouvons-nous faire en tant que soignant? Je vois mon reflet dans les mots de l'autrice. On est jeune. Vif. On nous jette dans un système en ruine où les nombreuses possibilités nous noient. « Que pouvons-nous faire pour soulager des maux vieux de trop de siècle? » On est impuissant face à la tâche qu'on nous propose; celle-ci nous gifle et nous incite à rebrousser chemin, car qui sommes-nous pour détenir la conviction d'un souffle nouveau? Je la comprend...n'est-ce pas uniquement une fantaisie ou un mensonge qu'on essaye d'avaler? Je me soigne par l'entremise de la création me permettant d'épauler autrui dont le fardeau les pousse sous terre. La littérature, la métamorphose de l'amour. Est-elle la réponse à la souffrance?
Pour une amoureuse du care et des mots comme moi, c'était vraiment wow de lire la pensée d'une psychiatre qui s'éloigne des discours scientistes pour ainsi faire un pont avec l'art et la création. Un peu beaucoup tannée d'être sur les bancs universitaires qui m'apparaissent souvent manquer de douceur, de sensibilité et d'humanisation, ça m'a personnellement redonné espoir d'être témoin d'une professionnelle du domaine médical également sceptique de la glorification de la science et des données probantes comme l'unique réponse faisant preuve de courage en dévoilant de sa vulnérabilité au grand public – chose souvent découragée, voir démonisée, et stigmatisée dans les métiers du care. 🤍
« Oh j'ai lu des textes de psychiatrie transculturelle. Toujours ce questionnement en tête : lorsque les Occidentaux traitent d'acculturation dans des articles sur les taux de suicide des Autochtones, qu'est-ce qu'on en sait? Il me semble périlleux de parler pour un peuple, en son nom, de ses ombres. N'est-ce pas plutôt par la littérature, les arts, la culture, que souffle une parole fondamentale, en une langue maternelle qui dévoile davantage que les articles scientifiques? » (p. 57)
« C'est par ma souffrance, et par la tienne [...] que je parviens à tendre l'oreille, la main, le coeur. Je me laisse bouleverser, émouvoir, je n'ai plus peur de la folie, je l'apprivoise [...]. Je suis touchée. Être touchée est le propre du poète et du soignant. » (p. 127)
Je viens d'en terminer la lecture etje suis bouleversée. Ouanessa Younsi a soigné la soignante que je suis. Ce qu'elle écrit correspond profondément à ce que je crois, au pouvoir des mots, des images, de la littérature comme espace de mentalisation, comme espace psychique dit-elle, comme espace transitionnel entre le monde interne et le réel. Parmi les plus belles pages également sur la mort d'un être cher, sur l'anorexie. Un bijou!
Psychiatre et poète, l'autrice relate à sa façon en quoi les patients qu'elle soigne représentent d'abord et avant tout une rencontre "d'humain à humain". Une relation qui l'aide à se définir et à définir sa pratique. Écrire est sa thérapie. Écrire, est cette façon de transcender l'indicible, de prendre du recul, de créer du sens au travers de la souffrance qu'engendre ce qu'on appelle la folie. Écrire pour se dire, pour se soigner soi-même.
Il se dégage de ce texte une humanité, une sensibilité et une vulnérabilité qui font craquer l'image du médecin spécialiste, du psychiatre, immunisé contre la maladie.
J'ai été assez déçue par le recueil... J'avais entendue l'auteure réciter une partie du poème "Merci de m'avoir attendue pour mourir", qui m'avait beaucoup émue. Par contre, j'ai trouvé la majeure partie des textes trop "livrés" et cérébraux... J'ai bien aimé l'épilogue, qui versait plus dans l'essai.
Un essai magnifique de l'autrice qui est également psychiatre. Elle nous parle de soins en psychiatrie et de ses propres ressentis en tant que médecin. Elle aborde également des sujets de l'intime. Son essai est poétique, juste et m'a beaucoup plu.
Belle réflexion sur le rôle d’un psychiatre et l’apport de la littérature pour le professionnel. L’auteur relate l’histoire de certains de ses patients (fictifs) et tout le long tente de nous faire comprendre que le rôle d’un psychiatre s’est d’aimer, d’aimer l’autrui et ensuite le soigner.
« Qu’importe si cela dépassait les bornes puisque c’est le but, précisément, de l’écriture: que ça déborde. Ce que je ne comprenais pas, la page s’en emparait. »
Une ode à la littérature, une réflexion sur le soin mais plus encore sur soi, les autres, une célébration de l’altérité. « Le soin ne peut s’exercer sans la poésie d’une âme ouverte à la folie en soi. »
Dre Younsi a une écriture poétique, douce et légère. J'ai beaucoup apprécié son écriture. J'ai d'autant plus apprécié sa vision de la relation d'aide, que je trouve imprégnée d'un humanisme authentique et d'une humilité inspirante. Je la considère maintenant comme un modèle ; elle me montre qu'il est possible de soigner en ayant un profond désir de bien le faire, malgré nos doutes sur nos aptitudes comme soignants, sur notre rôle, etc... J'espère vraiment qu'elle publiera plus de livres sur sa vision de la pratique psychiatrique dans le système québécois !