- Papa, je voudrais faire une enquête sur les maos, qui faudrait-il interviewer à ton avis ? Il a grimacé… –On ne parle plus jamais du maoïsme en France, et toi, qui en étais une des têtes pensantes, tu es devenu silencieux. J’aimerais demander à ceux qui militaient avec toi alors, ce qu’ils pensent de ton silence. Haussement d’épaule. –Tu sais papa, moi, quand tu t’es arrêté de parler, j’avais quinze ans. À quinze ans, on a beaucoup de souvenirs. Arrête de penser que parce que tu parais vivre sans mémoire, c’est pareil pour tout le monde ! Il me regarde, il a les larmes aux yeux. – C’est notre secret ma petite fille… – C’est quoi notre secret ? – Que tu saches tout ça, et que moi je ne parle plus.
Je suis la fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement prochinois en France et auteur de L’Etabli. Mon père est une des figures les plus marquantes des années 1968. Malheureusement, il en est aussi l’une des figures les plus marquées. En chemin pour retrouver les anciens compagnons de mon père, j’ai découvert leurs enfants. À travers leurs souvenirs, c’est ma propre enfance qui a ressurgi : tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents révolutionnaires… VL
C’est un livre sur la réaction plutôt que sur la révolution. Piketty, idéologue du PS, fait une hypothèse intéressante : que la détestation de 68 soit davantage due à la crise qui a suivi qu’aux événements eux mêmes. En 68 la politique est au centre de tout. Après 74 et la fin de cette séquence brûlante de luttes sociales, le sexe est désormais au centre. C’est souvent frivoles que sont les contre-révolutions (prenez Thermidor), et puritaines les restaurations.
L’enquête porte sur les enfants des révolutionnaires, les « enfants de 68 ». Certains s’avouent réacs, d’autres simplement allergiques à la politique militante. Ceux qui sont restés « de gauche » sont au PS. Virginie affirme elle-même avoir opté pour le train de vie petit-bourgeois, mais comme beaucoup de sa génération elle semble s’accrocher à l’idée que la révolution est impossible, qu’il vaut autant que son père reste silencieux, pour sa santé. Mais elle a le courage d’affronter les contradictions de son enfance, ses joies et ses manques. Se pose toujours la question de la possibilité d’être à la fois révolutionnaire et parent.
Robert Linhart est celui qui n’a pu physiquement supporter la fin du communisme. Sa vie sans politique n’est plus une vie. Il ne reste plus qu’à admirer ceux qui ont tenu bon et gardé leurs forces pendant ces années libérales, égoïstes, si sombres, et qui osent espérer fructueuse la transmission de l’héritage révolutionnaire, tel Alain Badiou.
Ce livre m’a donné envie de me replonger dans les années chaudes plutôt que dans la morosité de la contre-révolution. Peut-être lirai-je Bantigny, De grands soirs en petits matin, ou alors Génération, de Rotman et Hamon.
“C’est toute la question ; toujours la même : quelle place occupions-nous dans la tête, dans la vie de nos parents, au cours de ces années ? Cette question est presque devenue pour moi un signe de reconnaissance.”
En voulant parler de son père, célèbre militant maoïste qui s'est soudainement tu, Virginie Linhart (fille de Robert) fait le portrait d'une génération d'enfants qui ont hérité bien malgré eux de mai 68. Il y a tout un passage très pertinent sur le fait que beaucoup de militants de cette époque était juifs et le lien que cela peut avoir avec la Shoah, on commence seulement à s'interroger sur les conséquences invisibles que cette histoire a pu avoir sur les premiers descendants des survivants
“Nous avons été élevés dans l’idée que nous ne devrions pas être là. Mais au lieu d’en tirer une grande joie, mes grands-parents paternels en ont tiré une immense culpabilité : pourquoi est-ce qu’eux s’en étaient sortis, alors que tant d’autres y étaient restés ? Avoir échappé au destin tragique de la majorité des juifs de ces années-là n’a pas renforcé ma famille, cela l’a détruite.”
Au final plus qu'un livre sur son père, c'est un livre sur le fait que nous sommes tous le fruit d'une histoire et que cette histoire définit la manière dont on construit la nôtre
Virginie Linhart is the daughter of Robert Linhart, one of the most famous maoist left-wing activists of the 60s-70s in France. After trying to kill himself, this brilliant and larger than life ideologue decides to shut himself off. His daughter tries to understand this silence, the story of her jewish family, and describes the lifes of all these children of the May 68 revolution activists. Very moving book.
Un de mes livres biographique préféré. On sent dans l'écriture que l'autrice est également documentariste. J'apprécie cette histoire de mai 68 racontée au travers des enfants de 68. Cela nous permets d'observer les premières retombées (positives comme négatives) de l'engagement qui a suivi cette année là.