À la fois charge contre les représentations stéréotypées et sclérosées de l'homosexualité, critique féroce de la communauté gaie - de ses institutions, de ses codes, de ses modes de vie - et plaidoyer pour une sexualité libérée des entraves de l'hétéronormativité, Queues raconte également le mal de vivre et le désespoir d'un homme qui ne se reconnaît pas dans la société et qui est à la recherche d'authenticité dans un monde où tout n'est que facticité et faux-fuyants. Écrit dans un style très direct, brut et empreint d'oralité, Queues est l'affirmation viscérale et politically incorrecte du désir d'un homme pour le corps d'autres hommes.
Nicholas Giguère est doctorant à l'Université de Sherbrooke. Il a publié des textes dans Boulette, Cavale, Le Crachoir de Flaubert, Les Écrits, Le Pied et Moebius. Son recueil Marques déposées a été publié aux Éditions Fond'Tonne au printemps 2015. Il a publié Queues chez Hamac en 2017.
"j'en ai rien à crisser d'une société qui m'endure comme on endure une otite une verrue plantaire un mal de gorge qu'on essaie de guérir avec des Vicks si je voulais guérir je serais tout le temps pété à l'ecstasy au moins j'aurais du fun
je veux rien savoir d'une société qui m'accepte comme une attraction touristique une bête de foire des années 1930 une monstruosité pour les promeneurs du dimanche qui me lanceraient des peanuts tout en sifflant d'admiration et d'étonnement
Quand un récit débute par la phrase «Je suce des queues», le lecteur est immédiatement interpellé – ou repoussé, tout dépend de son niveau latent d’homophobie. Ce premier roman-poème de Nicholas Giguère ne laissera personne indifférent, et même si on y décode une intention flagrante de provoquer, on y trouve beaucoup plus que cela.
Comme amorce à un livre, on a déjà vu plus doux. Le premier paragraphe est un coup de poing qui donne le ton du reste du texte: on aura droit, sur une centaine de pages, à un narrateur cynique, désabusé, qui ne se fait guère d’illusions, mais qui n’est pas, non plus, au bord du suicide. Un narrateur qui ne s’identifie pas à l’hétéronormalisation de l’homosexualité, qui goûte à l’amertume des rencontres dans une ville (Sherbrooke) avec une très petite communauté gaie, et qui est souvent utilisé par des gars «en couple ou hétéros» pour ses talents oraux.
Outre ce premier paragraphe percutant, les moments-chocs abondent et le ton pamphlétaire ne se calme pas vraiment – ce qui donne lieu à de nombreux passages où on peut difficilement s’empêcher de s’esclaffer soudainement devant le mordant des phrases. Dans le cadre d’une entrevue imaginaire avec Michel Girouard, il lui déclare notamment: «Dans toutes mes vies antérieures, j’étais une éjaculation faciale».
Il y a des références à Guy des Cars, aux studios Falcon, aux bars gais de Québec, Sherbrooke et Montréal; il y a des critiques virulentes du Village, de la recherche du corps parfait, des idéaux irréalistes représentés, entre autres, sur la couverture du Fugues chaque mois. Giguère – car le narrateur, c’est carrément lui, et il ne s’en cache pas – crache avec virulence sur les clichés et les idées reçues de la communauté.
Le texte, présenté sous la forme d’un long poème, respire agréablement. C’est une méditation parfois tendre, parfois davantage décourageante, sur la solitude écrasante d’un homosexuel pourtant dans la fleur de l’âge.
On pourrait insister sur le fait qu’il semble se complaire dans sa situation sans apporter de pistes constructives pour l’améliorer, mais tel n’est pas le but du livre. Transformer le désespoir, s’en inspirer et le magnifier est une stratégie littéraire utilisée depuis la nuit des temps – et le matériel de base se retrouve malheureusement en quantité industrielle dans certaines existences.
C’est donc un habile exercice, qui nous permet d’entrevoir un aspect méconnu de l’homosexualité à l’extérieur des grands centres, et qui nous révèle un grand auteur, pince-sans-rire, avec beaucoup d’esprit et un sens inné de la provocation.
Une lecture presque aussi jouissive qu’une fellation.
La couverture est bien choisie : c'est comme un coup de poing dans le ventre, ce livre. Un peu trash, mais je me reconnaissais quand même, malgré que le personnage et moi soyons très différents. La proésie utilisée par l'auteur sied bien à son propos.
Un roman où la sexualité y est explicite, la sexualité entres hommes y est décrite crûment, sans métaphores, dans une langue politiquement incorrecte.
Un roman entre la poésie, l'essai et le théâtre. Avec un certain humour . Quelque sorte une critique de ce qu’il appelle "L’hétéronormativité" : le couple rangé, marié et monogame.
Loin de nous émoustiller , au contraire, nous sommes projeté dans une certaine révolte.
Il se jette corps (pour ne pas dire Coeur) et âme dans des relations sans lendemain, mais Pourquoi au fond ? Peut être pour se sentir vivant... ou moins seul , je me pose encore la question.
Pertinent et a l’image de ce qui se fait de mieux dans le genre !
C'est cru, c'est trash, mais en même temps c'est sensible et lucide par rapport à la vision hétéronormative encore présente dans notre société. Il ne faut pas avoir peur des mots quand on embarque dans ce livre, sinon on manque l'essentiel du puissant message transmis par l'auteur. Un mélange de quotidien assourdissant, de sexe exposé sans érotisme et de réflexion sur l'humain, sur ce qu'on désire dans la vie. Bref, à lire, même si ça déstabilise!
Difficile de décrire comment j’ai trouvé cette lecture... loin? Comme si j’étais déjà passé par ce même genre d’émotions... mais que j’avais oublié... comme un souvenir amer... une route que je n’ai pas envie d’emprunter à nouveau. J’aurais aimé avoir ce livre entre les mains il y a 12 ans. Il m’aurait accompagné dans cette solitude, dans mon vide.La réflexion sur la tolérance... nécessaire. Wow.
Nicholas suce des queues et se sent seul. Une dépression gaie, comme un appel à l’aide les culottes baissées. Encore un effort, camarade, pour démêler plaisirs et culpabilité.
« C'est important les apparences même si on est tout croche en dedans et qu'on a l'impression qu'une cour à scrap a plus d'allure que sa vie si on a l'air bien du dehors c'est ok »
J’aime vraiment l’univers de Nicholas Giguère. Ses tournures de phrases, son humour grinçant, ses références de mon âge, ses réflexions crues et ses images frappantes. Il me fait croire que je sais lire de la poésie 😅.
“Queues” est plus cru et plus dark que son autre livre “Quelqu’un”. C’est un cri du cœur, un déversement de haine pour être qui il est. Sans grande surprise, la sexualité est partout et tout le temps dans ce livre. Si je trouve que sa vision est réaliste, un peu pessimiste peut-être, je dois quand même avouer que l’on est à deux spectres de la sexualité (et pas parce que je suis hétérosexuelle et lui, homosexuel, on est tous les deux aux hommes 😉).
Finalement, j’ai trouvé que ça s’étire en longueur à la fin.
Recueil de poésie certainement cru, mais qui ne tombe jamais dans le cliché. Le narrateur adresse frontalement sa sexualité sans prendre aucun détour, et ce sans plonger dans une surenchère. Le propos reste toujours entièrement pertinent. L’auteur met un pied à l’extérieur de la normativité hétéromantique afin de laisser envisager d’autres formes de sexualité, où l’homosexualité n’est plus juste tolérée par la société.
Peut-être plus 3,5! J'ai trouvé la forme de roman-poème super intéressante. Les revendications et les enjeux sociaux sont bien amenés et nécessaires. Pourtant, après le passage magnifique sur la tolérance, j'ai commencé à perdre de l'intérêt et à trouver que ça devenait redondant. Je compte tout de même relire ce livre et je le conseillerais (à certaines personnes).
Jubilatoire, brillant, nécessaire et génial ! Que demandez de plus ? De pouvoir le relire encore et encore et le conseiller à trop de gens autour de moi dans les jours qui suivent, ça c'est certain... !
Un texte intense, avec une grande force d'évocation. J'ai beaucoup aimé la touche d'humour que Giguère intègre dans son propos, aussi lourd qu'il soit. Ça amène une force supplémentaire au texte.