"Mon père dit que la mémoire n'est pas comme une bande de magnétophone ou un disque, elle n'enregistre pas tout. Elle choisit ce qu'elle va garder, et oublie le reste." Tilliers, fin des années 1960. Dans la famille Farkas, Abraham est devenu médecin, Claire milite au Planning familial, Luciane cherche à s'émanciper, tandis que Franz se plonge dans l'écriture et correspond avec un interlocuteur mystérieux. Ils vivent et racontent les séquelles de la guerre d'Algérie et les conséquences de Mai 68 ; la cause des femmes et les silences des hommes ; l'acné juvénile et les cicatrices du colonialisme ; les mélodies des Beatles et les maladies d'amour. Après Abraham et fils, ce second volet poursuit les aventures de la famille Farkas à travers un récit choral captivant.
Martin Winckler, pseudonyme de Marc Zaffran, est un médecin militant féministe français connu comme romancier et essayiste. Évoquant souvent la situation du système médical français, il est également critique de séries télévisées et traducteur. Il est aujourd'hui citoyen canadien et vit à Montréal (Canada).
---------------------
Martin Winckler (born Marc Zaffran) is a French M.D. and short story, novel and essay writer. His main topics are the French medical system, the relationships between caregivers and patients and Women's Health. One of the first TV series critics in France, he has written numerous articles and books on the subject (ER; Grey's Anatomy; House, MD; Law & Order).
Certains livres sont des cadeaux. De purs objets de sincérité, de pureté, de spontanéité. Des textes qui font l'effet d'un enchantement, d'un ajout soudain à son existence dont on ne réalise qu'après-coup combien il a toujours été nécessaire. Les Histoires de Franz est de ceux-là.
Martin Winckler avait déjà su créer une galerie de personnages infiniment précieux et infiniment touchants dans son très réussi Abraham et fils, mais il parvient ici à transformer l'essai avec une justesse à laquelle on n'est tout simplement pas préparé. Abraham et fils pouvait en effet parfois faire preuve d'une certaine lenteur, et était jalonné de passages peut-être plus poussif (mais là, c'est vraiment du chipotage, dans les faits ce roman était déjà fabuleux), mais avec Les Histoires de Franz, on passe à un tout autre niveau. C'est renversant.
L'auteur est toujours particulièrement doué pour cumuler/alterner/enchaîner les points de vue, et permettre à tous ses personnages et à tous ses narrateurs de se répondre et de se compléter les uns les autres. On a ici les voix d'une administratrice, de Franz lui-même, de son père, de sa belle-mère, de la maison, des voisins, des amis, des inconnus et des camarades d'école. Ces voix sont belles, discrètes, lancinantes, chargées de tous les souvenirs que le jeune garçon distingue sans encore comprendre, toujours ancrées dans une bienveillance inouïe. Il y a des voix d'hommes qui font attention et s'éduquent pour mieux comprendre ce à côté de quoi ils peuvent passer, de femmes qui s'organisent et se soutiennent, d'enfants qui tentent de grandir et d'artistes qui se découvrent. Il y a des voix d'objets, de ceux qui retiennent sans capturer, témoins attendris de l'adolescence de Franz : le miroir dans lequel il contemple l'acné qui le désole, le lit dans lequel il lit plus qu'il ne dort, les murs qui laissent résonner tout un tas d'histoires qui le bercent tout autant qu'elles l'interrogent.
Le roman défile dans un seul et unique souffle, plus encore qu'Abraham et fils, et avec une cohérence de ton et de propos absolument hallucinante. Cette histoire est un cadeau, je le répète, un ensemble si bien pensé et construit qu'on en perd de vue le fait qu'il s'agit d'un récit et qu'on le suit avec tout juste ce qu'il faut de recul pour réaliser sa qualité et son ambition, et la dose de surprise et d'enthousiasme nécessaire pour s'abandonner aux événements décrits, et surtout à la magnifique maturation des personnages. Entre Franz qui cultive sa vocation d'écriture, Abraham qui s'élève au rang de médecin de village aimé et dévoué, Claire qui se lie aux autres femmes autour d'elle et Luciane qui décide de vivre sa vie comme elle l'entendra, sans parler de tous les personnages secondaires infiniment réussis, on peut dire qu'on est servi niveau attachement.
C'est un livre précieux, parce que c'est l'histoire de personnages qui apprennent à être heureux. Je suis la première à aimer les livres glauques, les livres tristes, les livres dramatiques, mais force est d'admettre qu'on a besoin d'histoires comme celle de Franz, de familles qui se (re)construisent, de parents qui apprennent et ne font que rendre leur présence plus douce et plus apaisante pour leurs enfants, d'adolescences un peu solitaires qui finissent par trouver un sens, d'amitiés sublimes qui éclosent sans que rien ni personne n'ait été en capacité de les voir venir, de professeurs passionnés et passionnants qui révèlent des dizaines d'élèves à eux-mêmes. Les Histoires de Franz procure un sentiment inouï de confiance, cette envie d'aller se plonger dans son existence à soi pour mieux en savourer les beautés, et éveille un élan sincère de reconnaissance envers tous et toutes les médecins, professeurs et professeures, pères et mères, écrivaines et écrivains, artistes, amoureux et vivants en général qui ont contribué à rendre le monde un peu plus doux en acceptant de s'écouter et de se porter les uns les autres vers des projets enthousiasmants.
Les mots me manquent pour exprimer combien ce roman m'a rendue heureuse, et combien il a su m'insuffler cette confiance dont je parlais plus haut. Je l'ai lu exactement au bon moment, à un stade de ma vie où j'ai besoin de ça, de projets un peu fous qui fonctionnent, de petites vies en apparence anodines qui parviennent à devenir extraordinaires en prenant tout simplement l'habitude de se construire dans l'honnêteté et l'enthousiasme. C'est peut-être naïf dit comme ça, mais en refermant Les Histoires de Franz, on se sent capable de croire en "un monde meilleur", on n'a même plus envie d'utiliser de guillemets pour en parler, en fait, on veut le construire, ce monde meilleur. On décide qu'il sera là, maintenant, tout de suite, ce monde meilleur. Et on décide d'y faire venir ceux qu'on aime.
Beau retour à Tilliers et le monde de Franz et de sa famille. Le temps a passé, Franz a grandit. Cependant, il a toujours beaucoup à apprendre et ça fait du bien de découvrir cet univers à travers les yeux d'un jeune adolescent qui n'est pas blasé. On nous présente des nouveaux personnages, des jeunes et des adultes, et on nous donne un hint of what's to come dans l'Amérique. Une écriture douce pour des sujets quand même dures (colonialisme, racisme et sexisme, violence contre les femmes) mais toujours avec un certain espoir, the believe that the world can be and will be a better place for all.
Autres histoires que dans "Abraham et fils", maintenant c'est Franz qui est davantage dans le centre du récit, et non sa famille. Et on retrouve la fameuse polyphonie de Winckler dont il a le secret et que j'aime tant, et sa façon de raconter, simple en apparence mais qui ne lâche pas le lecteur.
Comme dans tous ses livres, M. Winckler m'a prise par la main pour m'emmener rencontrer des personnages touchants et drôles, qu'il est difficile de quitter une fois la couverture du livre refermé. Heureusement qu'il existe une suite, ça me tarde de la trouver !
En préambule, j'adore Martin Winckler, le romancier, le personnage, le médecin, l'homme .... Alors, forcément, je suis bon public, et comme j'avais déjà beaucoup aimé le tome précédent, j'ai également beaucoup aimé celui-ci Franz a grandi et nous raconte (enfin, lui raconte, la maison raconte, la femme de son père raconte...) son adolescence, le lycée, les relations familiales, le métier de médecin comme pratiqué par son père ... Un régal ❤
Pas aussi bien que ces romans précédents (Chœur des femmes, Trois médecins...) mais j’aime sa façon de transmettre sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Hâte de lire le suivant.
Ces personnages sont devenus si chers à mes yeux ! J’adore ces histoires. J’adore Franz. J’adore le style de Martin Winckler. Un délice, un bonheur, une superbe découverte !
J’ai emprunté ce livre de Martin Winckler à la médiathèque parce qu’il était sur la table des nouveautés. De l’auteur, je n’ai lu que La maladie de Sachs, qui m’avait emballée !
Ces histoires de Franz, je n’en savais rien. Même pas qu’il faisait suite au précédent roman Abraham et fils paru en 2016, à propos duquel je n’avais rien lu non plus. Quand j’ai appris cela dans l’avertissement en début d’ouvrage, je me suis demandée s’il ne fallait pas rendre ce livre tout de suite et emprunter le précédent pour reprendre l’histoire dans l’ordre. Mais comme j’avais attendu celui-ci plusieurs semaines, j’ai commencé ma lecture et j’ai bien fait, d’autant que de fréquents retours dans le temps permettent de resituer la chronologie des évènements qui sont relatés dans le premier.
Je ne tenterai pas de résumer ce gros livre de plus de 500 pages. Ce serait trop difficile et ça dévoilerait trop de choses dont je veux laisser le plaisir de la découverte aux futurs lecteurs qui passeraient par ici. Pour situer le cadre, je dirai juste qu’il s’agit d’une famille recomposée, les Farkas. Il y a Abraham, médecin, et son fils, Franz, celui du titre. La mère est morte très jeune en Algérie, pendant les évènements, victime d’un attentat, après lequel Franz lui-même est resté longtemps dans le coma. Après un séjour aux États-Unis, Abraham et son fils sont venus s’établir dans le Loiret et le médecin a engagé une assistante, Claire Delisse, veuve elle aussi, avec une fille, Luciane, plus âgée que Franz. Plus tard, Abraham et Claire se sont mariés, recréant ainsi une cellule familiale aimante et harmonieuse. Parce que Franz, devenu adolescent, postule pour aller vivre dans une famille aux États-Unis et y poursuivre ses études, il doit se présenter dans une lettre qu’il adresse à l’organisme chargé des sélections et fournir des témoignages et des recommandations. C’est le point de départ de ce roman, où se succèdent les voix de Franz, d’Abraham, de Claire, de Luciane et d’autres encore, qui racontent la vie, l’Histoire et en particulier les combats féministes des années 60-70, l’accès à la contraception et à l’avortement, et la façon dont ces luttes se vivent au quotidien pour un médecin engagé.
J’ai trouvé ce livre passionnant, original dans sa forme car il alterne de nombreux types de narration, et très humain, ce qui ne m’a pas surprise de la part de Martin Winckler. Maintenant, je n’ai plus qu’une envie, c’est de lire Abraham et fils, et qu’une impatience, c’est que la suite, Franz en Amérique, soit publiée !