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Le peuple rieur: Hommage à mes amis innus

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Le livre que vous vous apprêtez à lire raconte la très grande marche d’un tout petit peuple, il refait à la fois le chemin de sa joie et son chemin de croix. Présente aux premières lignes du journal de voyage de Champlain, aujourd’hui aussi familière que mystérieuse, la nation innue vit et survit depuis au moins deux mille ans dans cette partie de l’Amérique du Nord qu’elle a nommée dans sa langue Nitassinan : notre terre.

Au fil des chapitres, vous allez accompagner le jeune anthropologue que j’étais au début des années 1970, arrivé à Ekuanitshit (Mingan). Vous le devinez, ces petites histoires sont prétextes à en raconter de plus grandes. Celles d’un peuple résilient, une société traditionnelle de chasseurs nomades qui s’est maintenue pendant des siècles, une société dont les fondements ont été ébranlés et brisés entre 1850 et 1950, alors que le gouvernement orchestrait la sédentarisation des adultes et l’éducation forcée des enfants. Ce récit commence dans la nuit des temps et se poursuit à travers les siècles, jusqu’aux luttes politiques et culturelles d’aujourd’hui.

— Serge Bouchard

320 pages, Paperback

First published November 15, 2017

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About the author

Serge Bouchard

52 books124 followers
Serge Bouchard est né à Montréal en 1947. Diplômé des Universités Laval à Québec et McGill à Montréal, il a d’abord été chercheur dans le domaine des études nordiques. Spécialiste des questions amérindiennes, il a touché à de nombreux champs d’enquête allant de l’ethnohistoire jusqu’aux contextes contemporains des changements sociaux et politiques. Son mémoire de maîtrise (1973) a porté sur le savoir des chasseurs innus du Labrador, tandis que sa thèse de doctorat (1980) décrivait et analysait la culture et le mode de vie des camionneurs de longue-distance dans le nord du Québec.

Devenu consultant autonome en anthropologie appliquée, il a fondé en collaboration une firme de recherche en sciences humaines, firme qu’il a dirigée jusqu’en 1986. À ce titre, il a travaillé sur des questions relatives à la formation interculturelle (évaluation de matériel pédagogique, conception de contenus, conférences), à l’environnement(consultations publiques, études d’impact) à la justice (formation policière, déjudiciarisation) et à la gestion (culture des organisations). Durant cette période, il a été chargé de cours au département des sciences administratives de l’Université du Québec à Montréal. Entre 1987 et 1990, il a dirigé les services de recherche en sciences humaines de l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec. En 1991, il agissait comme commissaire aux audiences publiques tenues par la Ville de Montréal sur le sujet de la gestion intégrée des déchets.

Serge Bouchard a donné de nombreuses conférences auprès du personnel de la GRC. Dans le domaine des recherches anthropologiques en management et organisation du travail, il a travaillé pendant près de cinq ans (1991-1996) en France et en Belgique pour le compte de Giat Industries (industrie française de l’armement terrestre). En 1996, dans le même domaine, il fut consultant auprès de la Sûreté du Québec et de la Police de la Communauté urbaine de Montréal et a travaillé en collaboration avec Hydro-Québec.

Chercheur, consultant en anthropologie et conférencier durant toute sa carrière, Serge Bouchard a publié seul ou en collaboration huit livres et une soixantaine d’articles dont de nombreux sur les Inuits, les Amérindiens, les Métis et les peuples autochtones d’Amérique du Nord. En 1991, il a publié son premier ouvrage littéraire, Le Moineau domestique. De 1992 à 1996, il a animé en compagnie de Bernard Arcand l’émission Le Lieu commun sur Radio-Canada. Chroniqueur-anthropologue à l’émission de Marie-France Bazzo durant l’année 1996-1997, il a signé aussi une chronique régulière dans la revue L’Agora. Les Éditions du Boréal ont déjà publié sept volumes de lieux communs signés Bernard Arcand et Serge Bouchard, dont en 2003 un «Best-of» de ces textes, intitulé Les Meilleurs Lieux communs, peut être.

Serge Bouchard a participé à de nombreux documentaires et émissions de télévision et a donné régulièrement des entrevues sur sa vision anthropologique du monde.

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Displaying 1 - 30 of 56 reviews
Profile Image for Julie Malo-Sauvé.
36 reviews3 followers
January 7, 2018
Serge Bouchard, comme toujours, est un extraordinaire conteur. Au fil d'anecdotes personnelles, d'extraits de documents historiques et de recherches anthropologiques, il nous transporte au travers de milliers d'années, au coeur du Nitassinan. Ce territoire, que nous connaissons mieux comme étant la Mauricie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, Charlevoix, la Côte-Nord et le Labrador, a été le théâtre majestueux d'une civilisation plusieurs fois millénaires, que nous connaissons mal. Il creuse pour trouver les racines de notre méconnaissance, et quelques fois, de notre mépris.

Loin d'être ardu ou théorique, chaque chapitre nous donne l'impression qu'on nous lit une histoire au coin du feu. Bien que plusieurs passages soient désolants, tristes, gênants puisqu'ils nous confrontent à notre condescendance, il ressort du livre une grande bouffée d'espoir. Le peuple innu se relève d'une colonisation qui a failli lui être fatale. Ses jeunes écrivent, réalisent des films, font vivre sa culture. Ils seront là demain.

À l'école, on m'a appris que les Iroquois attaquaient les Français et que les Hurons vivaient dans les maisons longues. Jamais on ne m'a décrit l'extraordinaire capacité de ce peuple à gérer les ressources naturelles de façon responsable. Ni la richesse de sa langue. Ni la toponymie fascinante du territoire que j'habite depuis toujours. Ni le rôle incontournable de ce peuple dans la survie des premiers colons ici. Pourquoi concentrer les cours d'histoire sur les civilisations européennes, et éclipser celle-ci, alors que nous partageons géographie, liens de sang, histoire avec le peuple innu? Si j'ai des enfants, c'est cette histoire que je leur conterai.

Décompte : 1/52
Profile Image for Anne-Marie.
64 reviews11 followers
October 15, 2018
Serge Bouchard commence chacun des chapitre par une annecdote personnelle de ses 50 ans de recherche et d'amitié chez les Innus. On sent dans son récit tout le bonheur qu'il y a connu et l'admiration profonde qu'il éprouve envers ce grand peuple. Le Peuple rieur est surtout un récit de l'histoire des Innus et de leurs relations avec les occupants de leur territoire, des pêcheurs basques aux courreurs des bois aux missionaires aux curieux anthropologues qui essaient de découvrir qu'est-ce qu'ils mangent en hiver. Le duo d'auteurs rend cette histoire fascinante et belle, comme on l'entend peu. Certains passages sur la traite de fourrure et les détails administratifs des réserves sont plus arides mais l'ensemble est superbe.
Profile Image for Ji Le.
135 reviews13 followers
March 28, 2019
Mon premier livre de l'anthropologue et merveilleux conteur Serge Bouchard, une incursion magnifique et dramatique dans l'univers, l'histoire et la géographie des Innus, une des premières nations du pays ayant habité le Nitassinan, notre terre. Celle qui fut à fut colonisée par les Européens, sur laquelle se trouve le Québec, et le Canada.
Un apprentissage sur leur identité et leurs droits spoliés, et leurs aspirations à regagner leur histoire, langue et dignité.
Profile Image for Rosalie.
176 reviews9 followers
June 28, 2023
Un ouvrage immensément riche. Je l'ai écouté sur la plateforme OHdio et je vais certainement me le procurer format papier, car décidément, je veux relire et annoter ce récit afin de ne jamais l'oublier. ✨
33 reviews3 followers
January 10, 2024
L’histoire corrigée d’un peuple, la nation innue. Le cours d’histoire qu’on aurait dû avoir…
J’ai adoré les passages où l’auteur raconte ses anecdotes avec ce peuple!
Profile Image for Laulita.
14 reviews1 follower
June 20, 2020
Lecture nécessaire en ce temps de mouvement anti racial. S’éduquer sur l’histoire d’un pays qui nous a caché la vérité. Wow!
Profile Image for Fanny Laurence.
9 reviews
July 19, 2024
Une lecture qui devrait être obligatoire pour tous, qui nous ouvre les yeux sur tout ce qu'on n'a pas appris à l'école, qui déconstruit l'histoire pour mieux mettre en lumière celle du peuple innu, leur résilience, leur humour...en somme, c'est un roman d'amour dédié aux Innus qui nous fait passer par toute une trame d'émotions. Un livre nécessaire, surtout à notre époque où la réconcili'action est sur toutes les lèvres. Pour savoir où nous allons on doit savoir d'où on vient. Leur histoire est aussi la nôtre. On se doit de reconnaître les injustices commises pour mieux construire l'avenir. Un avenir où les cultures autochtones pourront rayonner par milles feux.
Profile Image for Marie-Laure Riel.
69 reviews3 followers
July 29, 2024
Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque sont des conteurs incroyables. J’ai dévoré tous leurs livres, mais je crois pouvoir dire que celui-ci est mon préféré. J’ai adoré découvrir les annectodes personnelles de Serge Bouchard lors de ses séjours dans la nation Innue de Essipit, tout en en apprenant sur l’histoire des Innus et leur culture. La beauté de ce livre est qu’il demeure accessible et facile à lire. Serge Bouchard nous transmet à travers cette oeuvre, comme une lettre d’amour, son admiration et son respect du peuple Innu. Faites-vous le cadeau de le lire!
Profile Image for Janie.
23 reviews
March 26, 2018
Une belle leçon d'histoire magnifiquement ficelée autour de souvenirs et d'anecdotes.
Profile Image for Fe.
54 reviews
February 18, 2021
Touchant récit dignifiant et signifiant. Serge Bouchard excelle à son métier d'anthropologue, c'est-à-dire d'inscrire l'anodin et l'intime dans le Grand Tout, et d'y donner un sens.
Profile Image for Pascale Roy.
361 reviews17 followers
December 25, 2022
Je voulais en apprendre plus sur les Innus. Et j’ai choisi la voix (ou plutôt les mots) de Serge Bouchard, ami des Innus et anthropologue. J’ai écouté à petite dose sur un peu plus d’un an. Un chapitre à la fois, tellement c’est riche et dense. Les deux derniers chapitres sont particulièrement émouvants. J’en ai eu les larmes aux yeux. Merci Serge Bouchard pour cette œuvre importante pour notre mémoire collective. ❤️
3 reviews
July 1, 2025
Un livre coup de poing, mais tellement nécessaire pour comprendre et accueillir nos voisins.💖
Profile Image for Gabrielle Lauzon.
5 reviews
April 26, 2024
Un livre tout aussi touchant qu'important. Je crois que ce livre doit être lu pour comprendre l'histoire des peuples autochtones du Québec et comment cela a encore un impact aujourd'hui. Serge Bouchard donne une voix à des innus qui méritent que l'on écoute leur histoire. J'ai été touché par ce livre teinté de la sensibilité de l'auteur et par la beauté de la culture innu.

Tshinashkumitin 💙
Profile Image for Camille Bélanger-Vincent.
5 reviews
August 11, 2024
Lecture grandiose.
Ça devrait être obligatoire.
Le grand Serge Bouchard nous permet une incursion dans ses 50 ans de partage avec le peuple innu de la Côte-Nord.
Waw.
Profile Image for Marc.
235 reviews5 followers
February 23, 2018
Je connaissais les idées de Serge Bouchard par sa voix radiophonique, mais c'est ma première incursion dans son oeuvre littéraire, et j'en suis ravi! Le peuple rieur est une histoire magnifiquement racontée. Je dirais une histoire avec un petit "h", car on a l'impression de lire un conte plutôt qu'un essai historique du type grand "H". En fermant le livre, j'ai eu le sentiment de terminer un beau voyage en canot, glissant longuement et doucement sur une rivière qui a traversé le pays et le dernier millénaire, rencontrant des personnages historiques et des personnages oubliés, assistant aux petites joies et aux grandes peines, humant tous les parfums de la terre innue. Bouchard maîtrise l'art du récit en combinant son expérience intime, les données historiques et l'analyse sociale et psychologique, l'humour et l'empathie. Je le recommande fortement, pour la connaissance qu'il nous livre et le plaisir de la lecture.
Profile Image for François Beaulieu.
90 reviews1 follower
October 22, 2023
Très instructif, voire trop ? C’était amené comme un récit de sa carrière d’anthropologue, je m’attendais à plus de narratif. De longues sections avaient plutôt le ton d’un livre d’histoire, ce qui n’est pas une mauvaise chose, mais j’ai trouvé qu’il manquait la touche de lyrisme que j’ai tant aimé dans ses autres livres (les yeux tristes de mon camion, mammouths laineux, etc.).
230 reviews
June 6, 2021
Eh bien, tu dois savoir que ces vieux ne te disent pas toute la vérité. Ils ne te racontent que les succès de leurs chasses. En fait, je crois que les vieux chasseurs te racontent leurs rêves. Car nos hommes étaient bons à la chasse, c'est vrai, mais ils ne tuaient pas toujours. Il arrivait même souvent qu'ils reviennent bredouilles au campement. Alors, c'est nous les femmes qui prenions les choses en main : nous pêchions du poisson sous la glace, nous pêchions au filet, nous nous arrangions pour toujours avoir une réserve de poisson à manger, des poissons et aussi des lièvres et des perdrix. C'est nous les femmes qui faisions la pêche tous les jours, et qui faisions les petites chasses, qui tuions le petit gibier. Il fallait bien manger et faire manger les enfants. Le caribou, c'était un festin, mais c'est le poisson qui nous faisait passer l'hiver, parce que la pêche sous la glace et la petite chasse étaient plus fiables que les grosses chasses au caribou.


Bien sûr, cela avait commencé à l'époque des voyages de Radisson et Des Groseilliers en 1660. Lors de leur expédition au lac Supérieur, les deux aventuriers avaient recontré les Kilistinons - qu'ils appelleraient Christineaux, et les Anglais, Cris.


Le castor européen - qu'on appelait bièvre, d'où le mot anglais beaver - en savait long sur le sujet : traqué jusque dans le dernier ruisseau, il disparut presque complètement.


Me remerciant de tout cela, il a sorti de sa poche un couteau. C'était un mukutakan, le fameux couteau croche, le couteau à tout faire, celui avec lequel on travaillait le bois, on fabriquait les tambours sacrés, les raquettes « montagnaises », les pièces des canots.


Dans un ouvrage paru en 1978, un ouvrage pourrait-on dire de réparation, les anthropologues Bernard Arcand et Sylvie Vincent ont mis au jour ce processus bien établi par les historiens occidentaux qui consiste à définir les autres cultures par leurs manques : ce qu'elles n'ont pas, ne font pas, ne connaissent pas. Comme ils l'ont démontré, ce processus opéra longtemps dans notre histoire nationale lorsqu'il était question de caractériser les sociétés amérindiennes.


Cependant, de même que la demande en fourrures explosait, de même les Amérindiens en vinrent à dépendre de plus en plus des marchandises européennes pour leurs activités quotidiennes, et par-dessus tout des armes à feu. L'un dans l'autre, ils avaient intérêt à développer leur sens des affaires, ce qu'ils firent plutôt vite et efficacement. Plus question pour les commerçants de les « enfirouaper » - de l'anglais in fur wrapped !


L'exiguité, la chaleur suffocante du feu, l'air enfumé, les chiens affamés qui vous marchent dessus, la nourriture fadasse, tout l'irrite et le fait souffrir, jusqu'à cette « méchante peau » qui tient lieu de porte.


Disons qu'en terme de matraquage, l'adjectif « pauvre » occupe aussi une place de choix dans les récits de la Nouvelle-France. Ironiquement, rappelons-nous les propos du jeune Huron que Champlain avait emmené à Paris : à son retour, il s'était dit étonné d'avoir rencontré là-bas autant de pauvreté !


Revenons par exemple sur le passage de Jacques Cartier à Gaspé. Débarqué en pleine pêche, le navigateur décrit la « grant quantité de macquereaulx » qu'ont prise les Indiens, il énumère aussi les différents vivres dont ils font leurs repas : mil, fèves, prunes, figues, noix, pommes, poires...


Les Innus étendaient ainsi leur parenté aux Eeyous (Cris), aux Nehirowisi-iriniw (Atikamekw), aux Anishinabes (Algonquins), aux Mi'kmaqs (Micmacs), aux Wolastoqiyiks (Etchemins-Malécites), et jusqu'aux nations abénaquises de la côte Atlantique et aux lointains Wendats des Grands Lacs.


Mauvaise nouvelles pour les Innus, car notre explorateur découvre alors le pays du Wendake, où vit une nation absolument différente de toutes celles qu'il connaît alors. La langue, les coiffures, les vêtements... les Hurons-Wendats se distinguent des Montagnais et des autres nations algonquiennes sur bien des points, mais surtout, ce ne sont pas des nomades : ils vivent dans des maisons, les fameuses maisons longues, au sein d'une vingtaine de villages bien organisés où ils cultivent la terre.


Certains groupes innus du Saguenay et du lac Saint-Jean remuèrent mer et monde pour obtenir des Français qu'ils établissent une maison de commerce et une mission dans leur pays, de sorte qu'ils n'aient plus à se rendre à Tadoussac, cette destination funeste. Les Innus plus conservateurs étaient réservés sur la question : ils exécraient les robes noires et se méfiaient des Français en général, tout en reconnaissant qu'ils avaient quand même besoin d'eux pour obtenir des marmites, des couteaux, des marchandises. Dans l'ensemble, on le voit, la nation innue était secouée par de grandes controverses. Or, malgré les maladies qui la décimaient, malgré le harcèlement psychologique qu'exerçaient sur elle les missionnaires et la fracture que ces derniers provoquaient au sein de ses bandes, la plupart de ses membres souhaitaient tout de même la présence française.


1608. Les sources écrites rencontrent ici la tradition orale : en effet, les Français, c'est-à-dire Champlain et une trentaine d'hommes de métier, débarquent à Uepishtikueiau. Mais il n'y a pas trace de ce nom ; Champlain parle plutôt de « Quebecq, ainsi appelé des sauvages » - un terme d'origine micmaque qui, tout comme Uepishtikueiau, évoquerait l'étroitesse du fleuve.


Il est vrai que chez les Mollen, comme dans la plupart des maisons de la réserve, la baignoire servait surtout de cuve pour entreposer les phoques, les canards, tout le gibier que les hommes rapportaient de leurs chasses et que les femmes s'occupaient de déplumer, de débiter. La salle de bains n'était pas une salle de bains, c'était une salle de préparation des viandes et des peaux.


Lors de mon premier séjour, quatre-vingt dix pour cent de la diète maison se composait de viande sauvage. Nous mangions du saumon frais - braconné durant la nuit -, de l'outarde, du canard, du rat musqué en croûte, beaucoup de castor en fricassée - le plat préféré de la maison -, des ragoûts de lièvre, quelquefois du caribou, du loup-marin, de l'ours noir, de la truite du lac et du capelan, en saison.


[...] de pouvoir me lever en paix chaque matin en sachant que j'allais désormais manger de l'innu-pakueshikan - ce pain délicieux, la bannique -, accompagné de petits fruits, surtout de la succulente confiture de shikuteu (chicoutai).


Comme il l'expliquait, les Innus n'étaient pas d'emblée réticents au progrès ; eux qui avaient tant souffert du froid et de la faim au cours de leur vie de nomades montraient même une certaine attirance pour le confort, et surtout pour le chauffage des habitations.


À Mingan, comme ailleurs, on construisait ces nouvelles installations sur les sites des anciens campements des missions d'été et des postes de traite.


En 1600 déjà, toutes ces marchandises de troc circulaient à travers l'Algonquinie par le biais des réseaux de commerce entre les nations autochtones. Chaudrons et perles, haches et tissus se sont retrouvés jusqu'aux confins des pays abénakis sur la côte Atlantique et jusque dans les univers algonquiens et iroquoiens des Grands Lacs.


S'il faut en croire ces passages, les Innus se seraient familiarisés très tôt, bien avant Champlain, avec les manières européennes, l'échange des fourrures et l'acquisition d'objets précieux. D'ailleurs, ce qu'ils préféraient par-dessus tout, c'était les chaudrons de cuivre rouge.


Avec l'intérêt des Béothuks, des Micmacs et des Innus pour les perles de verre, et surtout pour les ustensiles de métal qui allaient faciliter leur vie ; et avec l'engouement des étrangers pour les belles fourrures des animaux sauvages, naissait l'étincelle du commerce international.


Le pidgin basque-algonquin dont il est question devait être plutôt sommaire, mais extrêmement utile pour les échanges commerciaux. S'il n'en reste plus grand chose, aujourd'hui, notons que l'ethnonyme « Montagnais » pourrait provenir du mot basque Montaneses. Et que le mot « orignal » est bel et bien un emprunt au mot basque oreinak (pluriel de orein, cerf), repris par Champlain sous la forme de « orignac ».


À cet égard, le terme « autochtone » n'a rien résolu, en vérité il n'a servi qu'à masquer une réalité : dites ce mot et vous serez dédouanés de dire clairement que vous parlez des Innus, des Eeyous, des Anishinabes, des Atikamekw ou des Hurons-Wendats.


[...] et qui vit, survit, depuis au moins deux mille ans dans cette partie de l'Amérique du Nord qu'est le Nitassinan : le pays des Innus.


Au fil des chapitres, vous allez accompagner le jeune anthropologue que j'étais au début des années 1970, quand je suis arrivé à Ekuanitshit (Mingan).


[...] entre 1850 et 1950, alors que le gouvernement orchestrait la sédentarisation des adultes et l'éducation forcée des enfants. Méconnus, ignorés, calomniés, déclarés morts, espérés disparus, les Innus sont pourtant toujours là, rieurs, à la croisée de leurs multiples renaissances. Ils sont aujourd'hui une vingtaine de milliers [...].


D'autres auteurs, et des meilleurs, ont écrit des études, des essais, des livres remarquables à propos du peuple innu. Je pense bien sûr à José Mailhot, Denys Delâge, Sylvie Vincent, Pierre Frenette, Jacques Frenette, Daniel Clément, Paul Charest, pour ne nommer que ceux là, et par-dessus tout à Rémi Savard, dont le livre Le rire précolombien dans le Québec d'aujourd'hui m'a inspiré le titre du présent ouvrage.


Au-delà des traces matérielles, c'est la langue qui témoigne le plus sûrement de la présence des Basques au pays durant une bonne partie du XVIe siècle. Dans une lettre du père Lallemant, datée de l'an 1626, on retrouve cette mention à propos des Indiens : « Ils appellent le Soleil Jesus ; et l'on tient en ce pais que ce sont les Basques qui ont cy-devant habité, qui sont autheurs de ceste denomination. »


Peu de documents l'attestent, quoique l'archéologie témoigne : alors que les explorateurs considéraient les Autochtones comme des curiosités, les pêcheurs, eux, en faisaient leurs partenaires.


En 1508, le capitaine Thomas Aubert, de Dieppe, avait mis le cap sur Terre-Neuve et, selon certains historiens, navigué jusqu'à l'embouchure du Saint-Laurent. Il avait capturé et ramené sept indigènes qui produisirent tout un effet en Normandie avec leurs vêtements de peaux, leurs arcs, leurs canots. Étaient-ce des Micmacs ? Des Innus ?


Où l'on voit que l'histoire continue toujours de s'écrire - d'autant plus que l'archéologie dispose maintenant d'outils technologiques puissants, comme ces relevés satellites qui ont permis à une équipe américaine de mettre au jour le site de Pointe Rosée.


[...] l'innu-aimun était une langue d'origine paléo-asiatique appartenant à la famille linguistique algonquienne, et que pour apprendre à parler correctement une langue aussi complexe et aussi éloignée du français, il fallait faire autant d'efforts que pour apprendre le chinois ou le japonais ?


Ils côtoyèrent probablement les derniers castors géants du Pléistocène, aussi gros que des ours noirs et, qui sait, peut-être le mammouth laineux ?


Apparentés à la grande famille algonquienne, les Innus sont présents dans la péninsule Québec-Labrador depuis plusieurs millénaires. Ces anciens nomades furent les premiers Autochtones à établir des liens commerciaux et culturels avec les explorateurs et missionnaires européens. Ils forment aujourd'hui une nation d'environ dix-huit mille personnes regroupées en onze communautés : neuf dans la partie boréale du Québec - Mashteuiatsh (Pointe-Bleue), Essipit (Les Escoumins), Pessamit (Betsiamites), Uashat mak Mani-utenam (Sept-Îles et Maliotenam), Ekuanitshit (Mingan), Nutashkuan (Natashquan), Unaman-shipu (La Romaine), Pakut-shipu (Saint-Augustin), Matimekush (Schefferville); et deux à Terre-Neuve-et-Labrador, soit Sheshatshiu (Northwest River) ate Natuashish (Davis Inlet). Leur langue, l'innu-aimun, et leur culture, l'innu-aitun, demeurent toujours bien vivantes.


L'eau, nipi<\i>, le thé, nipishapui<\i>, le canot renversé sur la plage, ce fameux ush<\i>, l'embarcation magique qui nous conduisait partout, de rivières en lacs, de criques en portages, légère et rassurante. Il y avait aussi la truite, matamek^u<\i>, qui cuisait sur le feu et le bois mort d'anciennes épinettes noires qu'on entendait crépiter, sheshekatikutak^u<\i>. Surtout, j'entendais la voix immémorielle du grand Michel Mollen ; nuitsheuakan<\i>, mon ami.


Nous savons que les Amérindiens existaient bien avant la venue des Européens, qu'ils étaient même des dizaines de millions sur le continent, du cap Horn jusqu'en Alaska, mais qu'en est-il des Innus ?


Nous croyons tout au moins que les êtres humains foulèrent le territoire du Nitassinan - « notre terre », en innu contemporain - il y a environ huit mille ans.


Bien sûr, je n'étais pas le seul anthropologue à m'intéresser aux Innus. L'ethnolinguiste José Mailhot, notamment, faisait le même travail que moi dans la communauté de Matimekush et nous pouvions comparer nos résultats. Nous avons même publié ensemble une partie de nos données, ce qui représenta pour moi un véritable accomplissement. Il faut dire que nous faisions figure de pionniers ; nos recherches en ethnoscience et en ethnozoologie ouvraient la voie, en quelque sorte.


Le philosophe Montaigne rencontrerait lui-même quelques Autochtones brésiliens lors de célébrations officielles dans la ville de Rouen, en 1562, et ses entretiens avec eux menèrent à l'écriture de l'un de ses Essais, celui qui s'intitule « Des Cannibales ». Il ne faut surtout pas se fier au titre : à contre-courant de l'ethnocentrisme ambiant, Montaigne y interroge le regard que portent les Européens sur les indigènes. La plus grande cruauté ne se trouvait-elle pas du côté des conquérants ?


Car voici la nature de la fête : leur arrivée au pays coïncide avec la célébration d'une victoire importante qui réunit des gens de trois nations différentes : les « Montagnés, Estechemins & Algoumequins ». Ces trois nations, qui appartiennent à la même grande famille algonquienne, forment le coeur d'une coalition anti-iroquoise, qu'on appellera parfois plus tard la « coalition laurentienne ». Leurs guerriers sont de retour d'un raid dans la vallée de la rivière des Iroquois (Richelieu) où ensemble ils ont combattu l'ennemi commun : bien sûr, les Iroquois.


Le quadrillé des rues nouvelles insultait le réseau des anciens sentiers ; soudain tous les repères étaient perdus.
Dans les maisons, je le disais plus tôt, il n'y avait ni radio ni télévision. Par contre, Michel et Adèle possédaient un tourne-disque - je revois parfaitement le petit pick-up émaillé de brillants roses et bleus, c'était la mode des peintures Roxatone. Adèle faisait tourner des disques country, surtout ceux de la jeune Renée Martel, toujours les mêmes, qu'elle écoutait sans fin et dont elle connaissait les paroles par coeur. Rien de plus comique que de l'entendre chanter ces chansons, en français, sans qu'elle comprenne un mot de ce qu'elles racontaient !


Or, comment se fait-il que ces belles personnes en pleine forme et en pareille santé deviennent tout à coup, au détour d'une phrase, des êtres hirsutes et miséreux, sales et faméliques comme des gueux de Normandie ? Comment pouvait-on vivre aussi pitoyablement au sein d'une nature dépeinte par tous les nouveaux arrivants comme riche et généreuse, giboyeuse et poissonneuse, un vrai paradis ? Pour rendre compte de ce double discours, il nous faudrait traverser le filtre des humeurs et des états d'âme, de même que revoir le moindre jugement sous l'éclairage de la morale chrétienne ; mais surtout, il nous faudrait relever les intentions cachées des chroniqueurs. Lorsqu'ils comptaient attirer colons, commerçants et investisseurs, ils faisaient rayonner un nouvel eldorado. Mais quand leur but non avoué était de sensibiliser les bailleurs de fonds, alors ils s'apitoyaient sur le sort des pauvres missionnaires aux prises avec des créatures de l'ombre sorties tout droit des enfers !


Samuel de Champlain, quelques années avant les missionnaires, fut le premier témoin à faire état des croyances an Nouvelle-France. Autant l'explorateur se montra ouvert, même conciliant, au fil de ses relations avec les Indiens, autant pour les questions de religion, ses belles dispositions ont tourné court. Dans son journal de l'an 1603, il rapporte un entretien qu'il a eu avec Tessouat. À tout ce que lui explique le chef algonquin sur la spiritualité de son peuple (l'existence de quatre déités, « un Dieu, un Fils, une Mère & le Soleil », la création de l'homme et de la femme à partir de flèches enfouies sous la terre, les révélations par les songes...), Champlain bondit, rétorque que cela est faux, que les Indiens sont dans l'erreur. Et le voici lancé à son tour dans l'explication de son<\i> Dieu, voilà qu'il dicte à Tessouat sa<\i> version, la seule vraie version de la création du monde. Ce passage du journal est particulièrement édifiant : car du point de vue de Sirius, et sous l'angle de l'ethnologie, il faut admettre que fable pour fable, trilogie pour quadrilogie, les deux univers symboliques s'apparentent et se valent.
Profile Image for Jim Fisher.
624 reviews52 followers
September 27, 2021
A beautiful, lovingly written history of the Innu by one that lived among them and was made an Elder. Sadly, he died in 2021 and that makes this book all the more poignant.
Profile Image for Alex.
87 reviews6 followers
November 14, 2023
Voilà un livre qui devrait être une lecture obligatoire dans nos écoles. Il remet en question les enseignements de notre histoire et expose des pans du passé que l’on a tenté de taire, de fragmenter, de diluer, d’effacer… sans succès. Je suis de ceux qui ont grandi nourri avec les préjugés habituels sur les Premières nations. Si je m’en étais défait peu à peu avec le temps, ce livre est venu fracasser les plus tenaces. J’ai particulièrement apprécié le chapitre sur les premières interactions entre les Blancs et les « Indiens », des moments de notre histoire auxquels je n’avais encore jamais été exposé.
54 reviews
February 14, 2022
À lire absolument par tout québécois ou personne intéressée par les cultures autochtones. L'histoire du Canada et du Québec revue et corrigée par Serge Bouchard, ce grand anthropologue et communicateur, passionné et ami du peuple innu. Lecture essentielle en cette période dite de "Vérité et réconciliation" au Canada. La vérité, on la soupçonnait, on en avait entendu parler, mais elle est racontée ici d'une manière directe et factuelle. On ne peut plus se la cacher. Espérons que la réconciliation et surtout la survie du peuple innu est encore possible compte tenu de tout le mal déjà fait.
260 reviews7 followers
April 23, 2018
A beautifully written love letter by anthropologist Serge Bouchard to his Innu friends, reflecting on a half-century of work with the Innu communities along the shores of the Saint Lawrence River. Rich in history and the study of Innu culture and traditions. An eloquent explanation of the Innu relationship with the land, and the negative consequences of the arrival of the forestry, mining and hydroelectric development starting in the middle of the 19th century.
Profile Image for AlexDC.
123 reviews2 followers
January 27, 2020
La beauté du pays me rentrait dans la tête, je rêvassais et voyageais dans le temps, nous glissions sur l'eau calme comme une nef sur la surface d'un indéfinissable vide, les épinettes défilaient, les unes après les autres, les unes pareilles aux autres, comme le graphique d'une bande sonore, des pointes et des pointes, des basses et des hautes, un fonds vert sombre, presque noir, le décor du temps avant la temporalité.
Profile Image for Anthony Leduc.
59 reviews5 followers
November 19, 2020
Une lecture empreinte de rigueur et d'amour. On découvre le peuple Innu à travers le regard acéré de ce merveilleux Serge Bouchard.

C'est très dense mais fort plaisant à lire malgré tout.

Même en étant sensible aux enjeux liés aux premiers peuples, on ne peut qu'être abasourdi, choqué ou dégoûté par l'incroyable pan d'histoire qui nous échappe ou qui nous a été caché.

Dans mon cas, ce livre a ouvert les portes de ma curiosité et aiguisé mon empathie. C'est très bon.
Profile Image for Karolane.
14 reviews2 followers
December 24, 2022
Premier livre audio, j’ai apprécié mon expérience, mais je crois avoir été distraite dans mon écoute a plusieurs reprises. Cela a affecté ma compréhension de certains passages, donc je n’hésiterai pas à lire ce roman pour l’apprécier pleinement, car j’adore en apprendre plus sur l’histoire et la culture Innu. Je recommande grandement sa lecture!
Profile Image for MJ Bél.
29 reviews2 followers
January 4, 2024
Quel livre passionnant. J’ai adoré en apprendre plus sur l’histoire du Canada du point de vue autochtone. Cet ouvrage apporte une perspective sur des éléments, comme la création des réserves et la relation entre les autochtones et les européens avant la « découverte du nouveau-monde », qui m’étaient totalement inconnus.

J’aurais aimé l’avoir lu plus tôt dans mon parcours !
Profile Image for Elisabeth.
6 reviews
February 3, 2025
Comment décrirais-tu la famille innue? La famille innue c’est un père, une mère, deux enfants et un anthropologue. Cette blague innue est poignante et illustre bien le livre.

Ce livre m’a permis de refaire mon cours d’histoire et de vouloir en apprendre plus.

Ce n’est clairement pas le dernier livre de Serge Bouchard que je lirai !
Profile Image for Flavie Grisé-Falcon.
53 reviews1 follower
June 14, 2025
Mon premier roman de Serge Bouchard mais certainement pas mon dernier! J’ai pris le temps de savourer ce recueil sur plus d’un mois malgré qu’il aurait pu être dévoré beaucoup plus rapidement. Ce fut une lecture très instructive et j’ai beaucoup aimé l’apport des images d’époque pour permettre l’immersion encore plus profonde.
Profile Image for Anne Jodoin.
3 reviews
September 21, 2021
Toutes les émotions, ce livre. Tellement rafraîchissant ce point de vue tendre et admiratif de la culture innue, à la fois bien fondé sur la tradition orale et sur l’histoire de l’Amérique. C’est beau, c’est instructif, c’est déchirant, c’est nécessaire.
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