Il y a cinq cents ans, en 1517, l'Europe découvrait Utopia de Thomas More, publié à la fin de l'année précédente. Dans cet ouvrage visionnaire, More dénonçait les dérives des pouvoirs monarchique et religieux en vigueur et proposait un modèle de société radicalement nouveau, reposant sur la solidarité, le partage, la tolérance, l'éducation et le temps libre. L'Utopie était alors un nom propre inventé par More pour désigner une île où régnait le gouvernement idéal assurant le bonheur de tous. Cinq siècles plus tard, l'utopie est devenue un nom commun. Un nom que l'on hésite à utiliser, car il renvoie généralement à un projet coupé de la réalité. Pourtant, de nos jours, les irréalistes ne sont pas ceux qu'on croit : ceux qui sont aveugles sont les dirigeants actuels. La démocratie qu'ils promeuvent n'en est pas vraiment une ; la liberté, l'égalité et la fraternité constituent un slogan vide de sens ; l'argent règne en despote en consacrant des hiérarchies mensongères ; le productivisme et la croissance sont des objectifs destructeurs désormais inadaptés à notre époque ; l'exploitation animale repose sur un déni de réalité à l'égard des animaux non humains ; le terrorisme le plus dangereux est celui des entreprises qui tuent des millions de personnes chaque année avec l'assentiment des gouvernements. Utopia XXI est une mise à jour de l'ouvrage de Thomas More. Aymeric Caron y présente le projet d'une nouvelle utopie qui affirme l'urgence d'une société écologiste, antispéciste, pacifiste, et solidaire : semaine de travail limitée à 15 heures, plafonnement des revenus à 10 000 euros par mois, fin du scrutin majoritaire à deux tours, instauration d'un permis de voter, gratuité de l'information, interdiction de la spéculation, abolition partielle des frontières, reconnaissance des crimes contre l'animalité, limitation des naissances, instauration d'un quotient de bonheur à la place du PIB, instauration d'une biodémocratie... Ce monde qui ressemble à un rêve est pourtant le seul possible aujourd'hui.
Je ne connais pas grand-chose d'Aymeric Caron si ce n'est une altercation télévisuelle plutôt absurde avec un idiot nommé Yann Moix mais je dois reconnaître que la lecture de ce livre me laissera probablement une marque durable. Ce n'est certainement pas l’œuvre philosophique du siècle, ni même de la décennie cependant cet essai changera probablement plus de vies que la plupart des travaux littéraires des 20 dernières années. C’est un état des lieux férocement bien documenté et agrémenté d’une tentative de proposer des solutions aux problèmes de société majeurs qu’il identifie. Tout ne plaira pas à tout le monde, il y a des élans lyrique un peu embarrassants et quelques propositions me paraissent personnellement creuses, naïves ou plus souvent l’expression d’un manque de compréhension de certaines expériences de vie, notamment la vie familiale, mais il est indéniable que lorsqu’on parle de l’organisation de l’infrastructure pure de nos sociétés il est bien difficile de ne pas se laisser convaincre de leur pertinence. L’exposé est clair, les arguments sont réfléchis et les sujets fétiches de l’auteur (antispécisme etc.) ne sont présentés que comme des éléments de réponses parmi tant d’autre. J’aime que l’auteur ait réussi à ne pas diluer son propos par des digressions, même importantes. Utopia XXI est un travail de bibliothécaire assortis des conclusions inévitables qui en découle ainsi qu’une série de propositions, à débattre, pour sortir du trou que nous nous sommes creusé. L’auteur ne nous apprend rien, en tout cas pas si vous avez fait l’effort d’ouvrir un peu les yeux ces 2 ou 3 dernières décennies, mais il pose un diagnostic et construit une compilation minutieuse afin d’exposer l’escroquerie magistrale de laquelle nous sommes des victimes plus ou moins consentantes et le constat, pris dans son ensemble, est effarant. Attendez-vous à subir un choc quand l’étendue des dégâts vous deviendra évidente. J’ai dû prendre quelques pauses pendant la lecture pour digérer le propos et comprendre où j’en étais moi-même, une introspection quelques fois rassurante mais pas toujours plaisante. Ce n’est pas un livre qui vous rendra heureux, bien au contraire, mais il permet d’ouvrir les yeux sur la réalité du système dans lequel nous sommes embrigadés et, pourquoi pas, nous encourager à la changer pour une autre plus… utopique.
Très belle continuité du travail de Thomas More avec hommage à l intégrité de l’auteur d’Utopia en fin d’un argumentaire fort qui décortique et démonte les dégringolades de nos sociétés « civilisées ».
Les propositions utopiques, en effet difficiles à mettre en place sans être attaquées avec véhémence de toute part, démontrent d’une simplicité et d’une logique irréprochable:
- Les menteurs seront bannis du débat public - Un permis de voter sera instauré - L’éducation et l’information seront des priorités - Une biodémocratie sera instaurée et le pouvoir sera donner au experts - Chacun pourra choisir l’utilisation des ses impôts - Plus aucun élu ne sera un professionnel de la politique - Le scrutin majoritaire à deux tours sera aboli - La semaine de 15 heures de travail pour tous sera instaurée - Le temps libre sera consacré aux loisirs et à la politique - Un revenu universel et un salaire maximal seront instaurés - L’argent sera utilisé en priorité pour des causes humanitaires - Le quotient de bonheur remplacera la croissance et le PIB - Les naissances seront limitées - La propriété privée sera restreinte - La richesse de chaque citoyen sera plafonnée - La speculation sera interdite - Toute forme de commerce sur le vivant sera interdite - La cooperation remplacera l’exploitation - L’action terroriste à l’encontre du vivant sera punie - Les crimes contre l’animalité seront reconnus - Les frontières seront partiellement abolies - Un gouvernement mondial sera mis en place - La société sera encadrées par un nombre minimal de lois - Les individus seront encouragés à refuser plutôt qu’à vouloir - L’égalité découlera des règles économiques et politiques mises en place par le gouvernement - Le programme du CNR sera remis au goût du jour
Chacun de ses points est développé et donne à espérer sa mise en application future.
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Être réellement touché par une lecture est quelque chose plutôt rare, je parle pour moi. Peut-être je ne lis pas assez ou je suis un peu perdu dans le choix de mes lectures. Ce livre se lit au début avec une sorte d’amusement, en tous les cas pour moi, car il dit clairement tous ce que je savais déjà et est écrit d’une façon claire et perspicace. Mais plus j’avançais dans la lecture plus j’ai été horrifié, car les chiffres parlent et relatent. C’est bien de se focaliser sur ce qui va bien, mais quand je me trouve en face de cette réalité je suis submergé et en même temps soulagée qu’il existe encore aujourd’hui des personnes qui osent écrire de cette façon. Je dois avouer que pendant la fin de la lecture de votre livre je suis resté un peu sur ma faim en ce qui concerne des rêves, mais je comprends que la longueur de ce chapitre est parfaitement juste dans l’harmonie de ce livre.
Ce livre est plein d'idées intéressantes, mais l'auteur prend malheureusement trop de raccourcis dans ces exposés. Il manque en plus un recadrement du courant utopique au cours du 20e et 21e siècle, c'est-à-dire l'apparition de l'anti-utopie. Les germes de l'anti-utopie sont pourtant déjà bien présents depuis l'utopie de More... Aucune référence n'y est donnée.
Livre absolument génial et complet tout en étant résumé, sur les différentes facettes de notre société. Il me donne envie de me plonger dans le livre qui l'a inspiré. Un livre qui malgré beaucoup de pessimisme réaliste, me donne paradoxalement beaucoup d'espérance.
Great insights on the deficiencies of our society and how a new dawn is possible, particularly liked the mini chapter on the societal appreciation of work.