Et si, dans la société standardisée et normative qui est la nôtre, il y avait encore une place pour la « biodiversité humaine » ? Notre société, nos institutions privilégient trop souvent la standardisation des modes de vie et des façons de penser, plébiscitant notamment le diktat du QI, caricature de l’intelligence, qui déterminerait nos chances de réussites. Pour Josef Schovanec, le bonheur est ailleurs ! Personne autiste longtemps tenue en marge de la société, philosophe et passionné de voyages, il nous prouve que le bonheur n’est pas intrinsèque à cette hyper-normalité prônée par les systèmes en place, bien au contraire. Ses incessantes transhumances à travers le monde et les innombrables personnes rencontrées en chemin l’ont en effet convaincu qu’il existe une pluralité d’intelligences. Qu’elles se déploient dans le domaine des mathématiques, des langues secrètes chères à Tolkien, ou des profondeurs d’Internet, qui est en propre le pays des autistes, elles ont en commun le bonheur d’être différent. Avec l’érudition, l’humour et la sensibilité qui le caractérisent, Josef Schovanec nous entraîne à la rencontre de ces intelligences multiples pour une véritable leçon d’humanité.
Une petite merveille d’érudition et d’intelligence comme d’habitude avec cet auteur. Une pensée décalée sur le monde qui contribue à montrer la richesse infinie de la différence (en l’occurrence l’autisme) mais aussi la difficulté d’être atypique dans un monde de plus en plus homogénéisé et homogénéisant ! Un plaidoyer pour la prise en compte des intelligences dans leur multiplicité à laquelle je souscris intimement !
Il faut quelques pages pour rentrer dans la réflexion de l'auteur. Des phrases très longues ou chargées de détail nuisent un peu à la compréhension et à la fluidité de l'ensemble mais heureusement on s'y fait.
Lecture stimulante, délicieusement érudite, mais où l'auteur, par une modestie presque entravante, mais aussi par son goût pathognomonique du détail, peine à ramasser une argumentation suffisamment lisible et forte, sa thématique souffrant d'un certain flottement, entre panégyrique du modèle de Howard, exaltation de la neurodiversité et critique des dérives actuelles et potentielles de la mouvance autistique.
Sur ce dernier point, la subtile mise en garde face à la promotion systématique de l'empowerment - que Schovanec met en regard de sa propre apologie d'une certaine fragilité -, ou encore la normalisation insidieuse, par les aidants parentaux et professionnels, des désirs autistiques - quant au sexe, à la vie de couple, à la sédentarité... - sont des éléments essentiels de prise à distance des enjeux à avoir en tête lorsque l'on se propose d'aider une personne à mettre en place un projet de vie.
La langue de Schovanec est, de son propre aveu, celle qu'il a apprise, avant même que de parler, dans Jules Verne, et elle peut fatiguer le lecteur par ses formulations surannées et sa syntaxe alambiquée. Mais elle contribue également, et c'est là une de ses précieuses singularités, à faire de lui, au sens proprement nietzschéen du terme, un intempestif.
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Nos intelligences multiples (Schovanec, J., 2018). Le dernier Schovanec est d’un accès assez difficile, la préciosité de la langue le disputant aux circonlocutions auto-dépréciatives. L’érudition littéraire est éblouissante, mais intimide aussi souvent et peut rebuter. Le texte s’adresse d’évidence à un lectorat beaucoup plus restreint que ses volumes biographiques. N’en reste pas moins une réflexion subtile sur, me semble-t-il, pas tant la diversité des intelligences que le rôle des traits autistiques dans l’avènement de la civilisation, avec comme point d’orgue leur rôle clé dans l’hégémonie de l’université allemande – mais aussi, in fine, son effondrement. La réflexion autour de Tolkien et de la façon dont celui-ci a créé son univers après les langues elfiques, et seulement pour leur donner un cadre, secondaire, d’expression, est brillante ; elle est sans doute indispensable pour comprendre le mouvement autistique de la pensée, mais peut-être aussi pour expliquer l’omniprésence actuelle de la fantasy, et particulièrement son caractère envahissant chez beaucoup de TSA.