1984. Des morceaux de corps humains sont découverts dans une rivière qui dévale vers la ville de Fontmile. On finit par identifier deux victimes, deux femmes portées disparues depuis longtemps. La peur et l'incompréhension s'emparent des habitants, jusqu'à l'arrestation de Pierre Neyrat, un chirurgien à la retraite. Ce dernier connaissait une des victimes, l'amie intime de son fils. Il a les compétences pour démembrer ainsi les cadavres et un passé trouble. Mais surtout, il a été dénoncé par sa propre fille. Bouleversé par ces évènements qui réveillent la douleur de la perte de la femme de sa vie et font imploser sa famille, son fils François décide alors de remonter le cours de l'histoire. Car derrière les silences, ce sont les violences de l'Occupation que Pierre Neyrat a tenté d'oublier. Mettant ses pas dans ceux de son père, François va reconstituer ce passé dont il ignorait tout, où se sont noués les fils fragiles de son existence. Deux époques, deux enquêtes, pour un polar mené de main de maître.
Parlons aujourd'hui d'un livre merveilleusement bien écrit qui m'a littéralement scotchée au mur ! Absolument pas fan des "thrillers ruraux" où le temps semble figé, les descriptions longues et les dialogues peu nombreux, je m'étais crispée (j'en entends d'ici qui se marrent) à la lecture d"Un souffle, une ombre" il y a quelques années. Crispée comme j'aurai pu l'être en lisant alors Ellory, ou Tallent pour leur côté "nature writing". C'est là que je prends conscience que mes goûts littéraires ont évolué, et par beaucoup de lecture, d'échanges avec d'autres lecteurs, j'ai lentement bifurqué vers des livres plus profonds, avec plus de sens, de ceux qui procurent des émotions à cause de l'écriture.
Avec Torrents, on est dans cette veine là : du fond et de la forme. Et tout ça, pour le même prix! Christian Carayon sait écrire et son écriture me transperce tant chaque mot est là où il doit se poser.
Nous sommes en 1984. François Neyrat revient dans sa maison familiale à Fontmile parce que son père, Pierre, est accusé d'être le "dépeceur". Ancien médecin à la retraite, déjà l'objet de nombreuses rumeurs quand il était encore en activité, il est accusé d'avoir démembré le corps d'Emilie, ancienne petite amie de François, mais également d'une autre jeune femme. Leurs membres sont retrouvés progressivement dans le torrent qui dévale dans ce petit village et la précision avec laquelle les membres ont été découpés ne laisse aucune place au doute. Il faut dire qu' il a été dénoncé par quelqu'un dont il est très proche, ce qui ne plaide pas en sa faveur. François va donc tenter d'en savoir plus sur son père.
Nous sommes de nouveau dans une alternance passé-présent à laquelle s'ajoute différentes voix : celle de François, celle de Camus - ami du père, celle du père. Chacun à leur tour, ils reviennent sur les éléments du passé qui permettent de comprendre comment les choses ont pu déraper vers cette arrestation. Mais pas seulement. Chaque protagoniste ajoute de la matière à l'histoire, apporte des éléments nouveaux qui permettent d'aller au-delà des apparences. Nous sommes clairement dans une histoire de famille. Nous sommes aussi dans l'histoire d'une région et d'un village. Nous sommes dans l'Histoire avec un grand H car on reparlera beaucoup de la guerre, de la libération et de faits qui se sont déroulés après la libération. La vie du père est l'histoire d'une vie entière. Dans ces différents cercle d'histoire coulent les eaux capricieuses d'un torrent, témoin de ces vies, vers lequel convergent toutes les émotions et tous les secrets.
Nous sommes dans le non-dit, les grands secrets familiaux qui ne sont révélés que sous la contrainte, quand on n'a plus vraiment le choix et souvent malgré soi. C'est ce qui arrive au père. Je ne sais pas vous, mais j'ai été confrontée un jour à un terrible secret dans ma famille dévoilé au moment du décès d'un de ses membres et je dois dire que quand on ne le voit pas venir, ça fait un choc. Ici aussi, François ira de révélation en révélation dans ses découvertes, mais il apprendra surtout à connaitre l'homme qui est son père. La figure paternelle est vraiment très réussie. Le silence par la froideur, le respect qu'elle inspire, le côté un peu bourru, l'éducation à l'ancienne où quand le chef de famille parle, les autres écoutent. Le besoin aussi pour un homme de se retrancher en lui-même lors de moments passés seul dans la montagne, pour faire le point, s'éloigner de toute agitation et savourer le temps de la nuit. "Il terminait ses journées comme il les avaient commencées : seul et en se rassasiant du silence." Le portrait de la mère est aussi un modèle de socle familial où, contre vents et marées, elle ne fléchit pas et reste La personne sur laquelle on s'appuie quand les choses tournent mal. Contrairement à beaucoup de romans que j'aie pu lire ces derniers temps, la maison familiale et par extension le village est perçue comme un refuge et non comme l'endroit qu'il faut fuir à tout prix. Si vous saviez comme ça fait du bien de l'imaginer !! "Je ne revenais que deux fois par an (...) Je le faisais toujours à contre coeur, certain de n'y trouver que de la douleur. Elle ne se manifestait qu'au moment de repartir. Quitter Fontmile était un déchirement, comme si cette ville refusait de me libérer. Ces jours me laissaient laminé. Je mettais un temps infini à m'en remettre. (...) Le quartier de mon enfance ne m'est apparu que plus rassurant. Je l'avais toujours connu ainsi, une forteresse, un rempart derrière lequel je me suis senti à l'abri de tout.(...) J'y avais éprouvé l'essentiel de mes douceurs. "
Les moments de tendresse démonstrative sont très rares dans cette famille et pourtant, le lecteur les sent à toutes les pages. Il y a un amour incommensurable du père pour ses enfants et un attachement profond pour la femme qui partage sa vie. Démonstration parfaite d'un écrivain talentueux que de suggérer à toutes les pages quelque chose qu'il ne dit jamais vraiment avec des mots : le talent en somme! La lettre qu'il leur écrit dans la partie 3 m'a bouleversée, forte est mon envie d'entendre un jour ces mots là... Je souligne aussi la main de maitre de Christian Carayon quand il exploite la notion du doute instillé dans l'esprit des personnages et qu'il démontre, avec brio, comment ce doute fausse le vécu, comment il fait son chemin, pernicieusement, pour polluer et annihiler tout souvenir positif. C'est comme lorsqu'on regarde une photo et qu'on se souvient de ce qui s'est passé au moment de la prise, sans savoir si on s'en souvient parce qu'on vous l'a raconté, ou parce que vous l'avez vraiment vécu.
J'ai aimé cette ambiance, aimé cette écriture, profonde, douce, changeante comme l'eau du torrent qui en traverse les pages. Un vrai style littéraire, une vraie patte, une âme.
Préparez-vous à être entraînés, bousculés, intrigués et surtout épatés car en lisant le dernier roman « Torrents » de Christian Carayon on vit au côté de son personnage principal, la petite et la grande histoire. Lorsque l’on retrouve en 1984 des restes humains dans la rivière proche du village de Fontmile, c’est tout une enquête qui se met en place sur dénonciation de sa propre fille Pierre Neyrat chirurgien à la retraite est arrêté. Son fils François tente de comprendre et va chercher dans le passé de son père une explication. Ce père taiseux dont les silences cachent une des périodes les plus sombres de notre histoire sous l’Occupation. J’ai beaucoup aimé la construction originale de ce roman. Trois personnages vont se relayer pour nous raconter chacun leur vision des évènements. Tout d’abord il y a François qui quitte Paris pour venir auprès des siens lorsque son père est arrêter. On explore avec lui toutes les blessures de l’enfance et du passé, les non-dits et les secrets aussi qui sont courants dans tant de famille. La description de ses rêves m’a fait frissonner plus d’une fois. Puis nous découvrons la part importante de Camus « l’oncle » un personnage secondaire avec une réelle profondeur et dont la fidélité en amitié force le respect. Et enfin il y a aussi une partie où Pierre le père prend la parole et pour ma part c’est celle du roman que j’ai préféré parce qu’elle nous ramène à la seconde guerre mondiale à la violence qu’on subit les populations et aux drames de l’épuration punitive de l’après guerre. J’ai aussi aimé tout le côté nature du roman et moi aussi le hameau perdu de Combe-Sourde m’a fait rêver et je me suis sentie proche des deux hommes pour qui il a tant compté. Le va et vient passé/présent avec deux époques différentes et deux enquêtes est formidablement bien mené. Une belle écriture fluide et qui se lit d’une traite. Savoir que ce livre a eu pour base des faits réels est un plus et l’on comprend à quel point il est facile à la réalité de dépasser la fiction. Bonne lecture.
Valentine et plus spécialement François se retrouvent devant l'horrible dilemme de la culpabilité présumée de leur père. Marie, la fille ainée issue d'un premier lit l'a dénoncé, convaincue qu'il est coupable. Est-il ou non le dépeceur de Fontmile ? A-t-il commis toutes les horreurs dont on l'accuse ? Lui ? Un si brillant médecin ? A-t-il vraiment été capable de tuer Emilie, l'amie de François, son propre fils ? François aidé de Camus, le meilleur ami de son père et ancien flic, tenteront de remonter le passé comme on remonte un torrent jusqu'à retrouver sa source pour découvrir la vérité. Un retour dans le passé qui les conduira par des flots les plus obscurs jusque dans les tranchées de la guerre. Un récit que tu observes comme au travers d'une paire de jumelle. Tu tournes la molette au fil des pages. Le flou s'attenue. Tu tournes encore jusqu'à obtenir une image nette. Des meurtres sordides mais pas de flic à l'horizon si ce n'est Camus. Une mécanique redoutable qui te happera direct. Une atmosphère étouffante. Celle d'un village où tout le monde se connaît, où tout le monde se juge et te pend direct, haut et court, histoire d'en finir au plus vite. Un poil prévisible étant donné que j'ai découvert qui était le tueur bien avant le dénouement ou alors c'est que je suis trop forte 😜 mais ce n'est franchement qu'un détail puisque l'essence même de ce livre se trouve bien au delà de ça. C'est bien plus profond, plus beau, plus fort. Jusqu'à quel point peut-on accepter la culpabilité d'un proche sans broncher ? Accepter que son père soit un monstre ? Un bien dur combat pour François et sa soeur. Une belle histoire au final pharaonique ! Ce petit quelque chose d'émouvant, de touchant. Une plume fabuleuse qui te transportera à coup sûr. Un de ces grands récit de l'histoire d'une famille au travers des temps, au travers d'une guerre devenue un combat personnel. Au travers d'une vengeance qui a coulé dans les veines d'un homme, comme coulent les torrents ! A lire absolument !
1984. Des morceaux de corps humains sont découverts dans une rivière qui dévale vers la ville de Fontmile. On finit par identifier deux victimes, deux femmes portées disparues depuis longtemps. La peur et l’incompréhension s’emparent des habitants, jusqu’à l’arrestation de Pierre Neyrat, un chirurgien à la retraite. Ce dernier connaissait une des victimes, l’amie intime de son fils. Il a les compétences pour démembrer ainsi les cadavres et un passé trouble. Mais surtout, il a été dénoncé par sa propre fille.
Bouleversé par ces évènements qui réveillent la douleur de la perte de la femme de sa vie et font imploser sa famille, son fils François décide alors de remonter le cours de l’histoire. Car derrière les silences, ce sont les violences de l’Occupation que Pierre Neyrat a tenté d’oublier.
Mettant ses pas dans ceux de son père, François va reconstituer ce passé dont il ignorait tout, où se sont noués les fils fragiles de son existence.
Trois voix racontent le drame qui se joue dans cette famille, et le passé du père.
J’ai aimé que les personnages sentent littéralement les présences (ou les absences) autour d’eux. Ce n’est pas commun.
J’ai aimé le plongeon dans le passé de l’épuration peu reluisante, l’auteur se basant sur des faits réels.
J’ai aimé les fêlures des différents personnages, l’auteur faisant monter la tension car tout le monde ment, s’arrange avec la vérité et la réalité.
Un auteur que je découvre avec ce troisième roman qui fut une lecture passionnante.
L’image que je retiendrai :
Celle de Combe-Sourde, forêt où se réfugient le père et son ami Camus.
Celui-ci, je l’ai écouté en audio et j’ai vraiment aimé. La voix était plaisante à écouter. Après que la police a retrouvé le corps d’Émilie, ancienne petite amie de François disparue depuis cinq ans, il s’est mis en quête de connaître la vérité au sujet de son père, puisque celui-ci a été arrêté après que sa sœur l’a dénoncé. Son père est-il oui ou non le Dépeceur ? Ses recherches l’amènent à découvrir des secrets du passé de son père, auxquels il doit faire face chaque jour de son existence. Ce roman se déroule après la guerre et nous montre l’horreur à laquelle certaines personnes devaient faire face pour survivre. Les chapitres s’alternent entre le présent et le passé, pour nous aider à mieux comprendre l’histoire. Ce thriller est très bien ficelé et je n’ai pas vu la fin arriver. Je vous le recommande fortement. Bonne écoute. Vanessa
3.5 arrondis au-dessus. L'histoire du père est vraiment très intéressante, l'immédiat après-guerre, l'épuration sauvage, l'amitié avec Camus, l'amour pour sa famille, tout ça est vraiment bien fait. Quant à l'affaire policière et les rebondissements qui s'y attachent, ça m'a moins convaincu. On connaît le meurtrier assez vite et la quête personnelle de François est de trop, ce qui alourdit le propos. C'est un chouette livre dans lequel on apprend des choses, sans plus.
Lu en format audio. Un policier divisé en 4 parties. La 1ère est prenante car c'est la découverte des corps et l'horreur qu'ils suscitent. La 2ème et 3ème parties partent dans une autre histoire qui m'a ennuyé et j'ai vraiment décroché. J'attendais que l'on revienne à l'enquête principale. Heureusement la 4ème partie avec le dénouement rattrape un peu le tout.
Très joliment écrit, bien construit, personnages attachants, de l émotion, un récit très agréable, à plusieurs voix, qui tient en haleine et plus encore. Une vraie réussite !
Je découvre cet hauteur pas du tout commun. Il ressort une personnalité mais aussi une histoire dans l'Histoire. Je recommande cette lecture qui permet de sortir des schémas habituels d'un thriller.
L’atmosphère de ce livre est étouffante, tout se déroule dans un village, presque tel un huis clos, avec toujours les mêmes protagonistes. Tout le monde se connaît, tout le monde se toise, colporte des rumeurs, se juge… bref une ambiance très particulière dans un petit village de France.
J’ai apprécié la plume de l’auteur en revanche il y a eu des incohérences dans le vocabulaire de certains personnages comme Camus. Un flic, un peu bourru, qui sort des phrases vulgaires parfois avec des mots vraiment grossiers, et d’un coup on le voit réciter un poème en vers qu’il a écrit ? C’était très étrange pour moi, car on ne l’a jamais vu utiliser ce type de vocabulaire, donc de passer du coq à l’âne de cette manière m’a sortie de ma lecture.
Mis à part ça, l’histoire est folle, même si prévisible. Ceci dit cela ne m’a absolument pas dérangé car le sujet est tellement profond que l’on fait abstraction de ce détail. Jusqu’où tu te sens prêt à accepter la culpabilité d’un proche ? Est ce que tu le soutiendrais vraiment ? Même si c’est ton père ? Un choix impossible à faire pour un frère et sa sœur.
La vengeance est un plat qui se mange froid, oui, mais ici elle coule dans les veines d’un homme, et elle bat au rythme de son cœur.