« Je suis née un jour de neige, d'une mère qui se marre tout le temps. Je me suis dit « ça caille, mais ça a l'air cool la vie! » Et j'ai enchaîné les galères. » Voici comment se présente Hélène Nicolas, jeune femme de trente ans, autiste diagnostiquée très déficitaire. Jamais scolarisée, elle n'a - selon ses propres mots – « pas appris à lire, à écrire, à parler ». Elle n'a pas accès à la parole; son habilité motrice est insuffisante pour écrire. elle réussit pourtant, après vingt ans de silence, à écrire à l'aide de lettres en carton disposés sur une page blanche, des œuvres d'une grande force poétique. Elle se donne comme nom : Babouillec. Algorithme éponyme et autres textes recueillent ses principaux ouvrages, dont deux font l'objet de multiples représentations théâtrales, notamment au festival d'Avignon, et bientôt au théâtre de la Ville (février 2017). Dernières nouvelles du cosmos , un film documentaire de Julie Bertuccelli, est entièrement consacré au travail de création du langage poétique de Babouillec et sortira en salles le 9 novembre.
Des textes formidables. Déceler les sens de ses proses est un exercice de selfcare et de minutie. J’aime l’attention aux détails dans chaque ligne et les voyages d'une langue à l'autre.
Emily Dickinson disait "Les mots les plus larges sont si étroits qu'on peut aisément les franchir - mais il y a une eau, plus profonde qu'eux, et qui n'a pas de pont." La poésie est l'art de mettre des mots sur ce qui niche au fond de l'eau, sur des impressions qui se trouvent entre les termes génériques de tristesse, d'amour, de bien-être. Le poète nous parle de ressentis éphémères, à peine éprouvés qu'ils se dérobent déjà, il distille un sens curieux dans les phénomènes ordinaires, il nous pousse à examiner minutieusement la plus petite particule de vie, la rend conséquente. La poésie aiguise l'âme, elle nous rend plus fins dans notre appréciation du monde. En cela Babouillec est parfois poète. Elle verbalise par exemple cette sensation qu'on a certains jours où les contacts avec le monde extérieurs sont difficiles, que le silence lui-même loge à l'intérieur de nos corps. Et parfois, elle se révèle être plus. Ce qu'elle écrit est plus viscéral encore que de la poésie. Comme une sorte de messie aux phrases déstructurées et aux mots décharnés, elle nous fait prendre conscience de mécanismes mentaux et communicationnels dont nous ne soupçonnions même pas l'existence. Sans vraiment qu'on s'en rende compte, on plonge dans les eaux les plus profondes, les choses les plus inexprimables, et on est submergés par le langage atypique de l'écrivaine.
De très beaux passages, entre réflexion personnelle et poésie. Un livre qui donne accès, le temps de sa lecture, au mode de pensée d’une personne atteinte d’autisme. Soulève des questions existentielles.