«— J’ai peur de la croix. Il paraît que ce n’est pas très long, mais c’est le dernier moment, il faut le passer, et ça fait mal. J’ai peur d’avoir encore mal. Je n’ai pas le courage, et… S’il y avait quelque chose d’agréable après, mais il n’y a rien… J’ai peur que ça dure, j’ai peur d’avoir la respiration coupée, de sentir une enclume contre mes poumons. J’aimerais être mort. Je ne veux pas attendre. Je ne veux plus vivre maintenant, je voudrais que ça finisse tout de suite, sans avoir à y penser. — Tu vis. Tu ne mourras jamais.» À travers les siècles, depuis la toute première étincelle de douleur au sein d’un organisme, quatre âmes se croisent, se battent, se ratent et se retrouvent. Successivement animales et humaines, elles voyagent au néolithique, en Mésopotamie, à travers la Méditerranée à l’âge de bronze, dans la Chine ancienne des Wu, sous l’Empire romain, dans le royaume indien de Samudragupta ou au beau milieu du désert australien. Elles meurent, elles reviennent. Chacune de leurs existences est l’occasion d’un récit, petite partie d’une fresque dont le sens se dévoilera peu à peu : l’épopée des oubliés, le chant des perdants, le grand livre des êtres morts dans l’ombre. Des femmes, des esclaves, des lépreux, des enfants ou des bêtes en sont les héros. Âmes est un projet ambitieux et désespéré de ressusciter tout ce qui a vécu, petit ou grand, rare ou nombreux, misérable ou glorieux. C’est aussi un foisonnant roman d’aventures pour notre époque, un roman multiple, décentré de l’Occident et attentif à tous les êtres. C’est enfin la Légende dorée de notre monde, adressée aux temps futurs.
Je n'aime pas dire du mal d'un livre, mais là, ouf... ce livre est ridicule et ennuyeux à tellement de niveaux que c'est difficile d'en dire du bien. Je précise que je l'ai lu dans le cadre d'un projet de recherche, sans quoi je l'aurais abandonné au bout de 100 pages (il en fait 700!!). Néanmoins, j'étais enthousiaste face au projet de l'auteur tel qu'annoncé sur la 4e de couverture: "l'épopée des oubliés, le chant des perdants, le grand livre des êtres morts dans l'ombre". Le problème, c'est que l'auteur a décidé d'en faire des types associés à 4 couleurs, tous des perdants. Ce faisant, ses personnages sont plats, n'évoluent pas et finissent presque toujours de façon ridicule (un homme et une bête s'entre-bouffent par amitié, la princesse des lépreux finit dans une tribu de cannibales qui la bouffe - yark -, etc.).
En fait, l'auteur se perd complètement dans sa mégalomanie en voulant à la fois raconter l'histoire de l'humanité (ses mythes et récits fondateurs), présenter une thèse de la réincarnation, parler de la souffrance sous diverses formes et s'épancher sur les questions de gémellité et d'incomplétude. Pourtant, ça commençait bien: les premiers chapitres (très courts) dans lesquels l'auteur raconte le big bang et les premières souffrances de l'humanité m'ont éblouie. Après, par contre, ça se gâte sérieusement: on tombe dans le conte philosophique (mais je ne sais pas si on peut parler de philosophie ici, puisqu'il n'y a pas de moral) et ça devient n'importe quoi. Surtout, si l'auteur est bon pour enchaîner les péripéties, on dirait qu'il prend surtout plaisir à multiplier les éléments choquants: ses personnages sont grotesques et dégoutants, les scènes sexuelles bizarres et la scato y trouvent une belle place, les scènes de tortures sont racontées dans leur moindres détails... Plus d'une fois, j'ai failli tourner de l'oeil et j'ai dû poser le livre.
Finalement, et c'est peut-être le plus important, ce roman soulève pour moi des enjeux éthiques importants. Par exemple, l’auteur met en scène des « petits », ok, mais en les faisant typés, il les met au service de son projet littéraire et au service de son érudition. Avec un peu de mauvaise foi, je dirais que les personnages servent surtout la mégalomanie de l’auteur qui, du haut de sa posture de grand écrivain et philosophe français, porte un regard sur les plus petits que lui… et les garde petits. On est donc à des milliers de kilomètres de l’entreprise d’un Pierre Michon, par exemple, qui donnent aux petits « le langage des anges » (c’est une expression qu’il utilise) et qui, se faisant, leur restitue une certaine dignité. Ici, les personnages semblent se dégrader au fur et à mesure que la narration et le récit avancent. Ça donne, d’une part, un très mauvais livre et, d’autre part, ça pose problème il me semble de publier un truc aussi prétentieux en 2019, dans un contexte où la parole des humbles est souvent réinvesti par la littérature mais dans un idéal réparateur.
De même, ce roman me pose un problème dans sa représentation des hommes et des femmes qui s’appuient sur des stéréotypes. Par exemple, un personnage dit : « Tu es une femme, toi, tu as envie de donner la vie. Un homme a envie de tuer, pour prouver sa valeur. » (606) Bien sûr, on peut se dire qu’il s’agit de mettre en scène les valeurs de l’époque, mais, cette phrase résume pourtant à merveille le livre en entier : les hommes sont des bêtes sauvages qui veulent tuer et les femmes soignent et donnent la vie, point barre. Est-ce que c’était vraiment nécessaire de faire 700 pages là-dessus ?
Tristan Garcia commence avec « Âmes » une trilogie sur l’histoire de la vie et de la souffrance à travers les siècles. C’est une œuvre ambitieuse et qui peut se lire soit comme un roman en suivant des âmes humaines ou animales dans leurs tribulations cours de l’histoire de la vie sur Terre, soit comme plusieurs épopées éloignées dans le temps et l’espace les unes des autres. Toutes les âmes de ces récits qu’on retrouve au cours du livre grâce à un codage de couleur ont cependant un point commun : ce sont toutes des âmes d’oubliés de l’histoire, de condamnés, de perdants confrontés à la douleur de leur corps et donc à la souffrance. On suit ainsi les aventures de malades, d’esclaves, d’animaux, de lépreux, d’eunuques, de vieillards qui voyagent du cambrien au Moyen-Âge et de la Mésopotamie au Japon en passant par le néolithique, l’Inde ou la Chine. Moins séduit ou sensible à l’idée d’âme aux incarnations successives, j’ai pour ma part préféré la lecture de ce livre comme un recueil de récits épiques qui peut s’étaler sur plusieurs semaines. J’en ai adoré certains : celui de Front haut au néolithique en Europe, celui d’Ur en Mésopotamie, celui de Nostos en Méditerranée ou encore celui de Râma en Inde. Par contre, je me suis ennuyé dans Cruciatur à l’époque de l’empire romain. Mais je salue l’ambition de cet ouvrage réussi et très documenté dans une littérature française qui parfois en manque.
Lu parce que j'avais apprécié 7 du même auteur. Ici, malheureusement c'est raté. Prétention, convention, vacuité. Le sujet proposé n'est pas traité et les ouvrages qui servent de source sont sans doute beaucoup plus profond que cette suite d'histoires. Enfin, on sait lourdement que l'auteur les a lus ainsi sans doute que quelques encyclopédies par époque et par pays. Il lui manque idées et créativité. Je passe sur sa passion pour les trous du cul et la chiasse (multiples répétitions). Je m'arrêterai donc là dans la série.