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256 pages, Pocket Book
First published January 1, 2016
'Le modèle mondialisé accouche d'une société banalement multiculturelle. Une société travaillée par ses tensions et ses paranoïas identitaires, ses logiques séparatistes, parfois ses émeutes ethniques, en quelque sorte une société « américaine » comme les autres. Mais pouvait-il en être autrement ?'
'L'erreur a été de croire que l'on pouvait choisir la mondialisation sans ses conséquences sociétales : la société « américaine », multiculturelle et communautariste. Dès l'origine, cela excluait le modèle républicain.'
'L'essentialisation et la manipulation de la question de la pauvreté, comme la focalisation sur les pauvres de la banlieue, ne relèvent pas d'une bienveillance particulière. Elles visent à circonscrire la question sociale aux seules banlieues. Cette représentation univoque et exclusive de la pauvreté permet aussi d'orienter les politiques publiques sur des populations et territoires cibles et, in fine, d'entamer le lent démantèlement de l'État-providence.'
'Évidemment, cette stratégie de classes provoque le ressentiment des populations non-ciblées ou s'estimant oubliées par rapport aux « banlieues » (lire : aux « immigrés »), ce qui permettra aux prescripteurs d'opinion de valider la représentation de la France périphérique, et singulièrement du monde rural, comme « repliée », « aigrie », « pétainiste », ou « raciste ».
On pourrait évidemment sortir de cette concurrence victimaire entre catégories populaires en acceptant le faire que ce sont l'ensemble des catégories populaires qui sont aujourd'hui touchées par les effets de la mondialisation.'
'Véritable arme de classe, l'antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste. Mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l' « ennemi fasciste » et donc la surmédiatisation du Front national...'
'Ce sont le chômage, la précarisation sociale, la baisse des revenus, l'affaissement de l'État-providence qui rendent possible la préservation des solidarités en milieu populaire, pas les idéologies. De même, c'est l'émergence d'une société multiculturelle qui explique le retour de la question identitaire dans les milieux modestes, pas l'adhésion à un projet nationaliste ou islamiste.'
'Le vote souverainiste des Britanniques a permis de constater que les classes dominantes et supérieures ne reconnaissent désormais les résultats électoraux que lorsqu'ils valident leur modèle. Comme lors du référendum de 2005, ces démocrates à géométrie variable sont prêts à restreindre le champ démocratique sous prétexte que les les classes populaires, mal éduquées, ne comprennent pas les véritables enjeux et qu'elles sont naturellement portées par des instincts primaires.'
'En France, certains proposaient même une démocratie à points. François Fillon déclarait ainsi que les jeunes devraient disposer de deux voix [Europe 1, 26 juin 2016].'
'Outre le fait que les jeunes [Britanniques] ont au contraire montré leur désintérêt pour l'Europe (ils se sont majoritairement abstenus), ces postures jeunistes et anti-vieux masquent la volonté de mettre en place une démocratie restreinte dont seraient exclues les catégories les plus modestes.'
'La France d'en haut n'a qu'une alternative. Soit elle opère un aggiornamento sur un modèle qui ne fait pas société (et qui reste sous la menace d'un effondrement d'un système qui repose sur une dette impossible à rembourser), soit elle choisit la fuite en avant. Il est à craindre qu'elle ne privilégie le court terme en cherchant à maintenir une position de classe malgré le chaos social et culturel qu'elle génère - ou grâce à lui.'