Što znači pisati u društvu koje je obilježeno nasiljem, dominacijom, izrabljivanjem? Kako zamisliti neku misaonu praksu koja ne bi pridonosila obnavljanju postojećeg stanja, nego bi, naprotiv, bila opozicijska? Koji smisao imaju umjetnost, kultura i znanje – a osobito, pod kojim uvjetima oni imaju smisao i vrijednost? Budući da živimo u lošem svijetu, svaki autor sebi nužno mora postaviti pitanje kako mu pružiti otpor i ne pristajati uz sustave vlasti.
Je viens de terminer la lecture de mon quatrième livre de Geoffroy de Lagasnerie en une semaine, et si je les enchaine aussi vite, c’est probablement pour un mélange de deux raisons : d’une part ils sont relativement courts (entre 100 et 200 pages, et plutôt dans le bas de cette fourchette pour trois d’entre eux), et ils sont tellement passionnants que je les dévore avec une certaine avidité. Celui-ci n’a pas échappé à ce phénomène.
Penser dans un monde mauvais est un essai publié aux Presses Universitaires de France en 2017, consacré au rôle du « savant », de « l’intellectuel » dans la société.
Parce qu’écrire c’est s’engager, tout auteur doit nécessairement se demander comment, par sa pratique, ne pas participer à la reproduction d’un monde traversé par des systèmes de domination, d’exploitation et de violence.
En examinant ce que signifie de vivre une bonne vie intellectuelle dans un monde mauvais, Geoffroy de Lagasnerie élabore un ensemble d’analyses radicales sur l’autonomie de la culture, sur la valeur du savoir et de la vérité, sur la possibilité de concevoir une pratique de connaissance qui soit en même temps oppositionnelle, ou encore sur les rapports de l’intellectuel aux luttes.
Lorsqu’il suspend l’adhésion spontanée à ce qu’il est, tout auteur se pose nécessairement un jour ou l’autre ces questions troublantes : mais au fait… à quoi sert ce que je fais ? Quels sens ont l’art, la culture et le savoir – et à quelles conditions ont-ils du sens ?
L’auteur déroule sa pensée dans cinq chapitres bien construits. Le propos est clair, convaincant, quoi que parfois un peu répétitif. Je sais bien qu’en pédagogie on dit parfois qu’il faut répéter trois fois une idée pour espérer qu’elle soit assimilée, mais je dois que la cinquième fois où j’ai lu, sous des formes certes différentes, que ceux qui ne luttent pas ouvertement contre le monde tel qu’il est confortent et soutiennent de fait le statu-quo, j’avais envie de dire que cette fois, c’était bon (d’autant que j’étais déjà convaincu de cette idée avant la lecture de ce livre).
Hormis ce tout petit bémol, j’ai trouvé cet essai passionnant et inspiré. Au point, à nouveau, de me demander si je ne vais pas poursuivre encore ma découverte des oeuvres de Geoffroy de Lagasnerie dans les jours qui viennent.
manche punkte so offensichtlich, dass wahrscheinlich jeder student drauf kommen könnte z.b. vorgegebene neutralität ist politisch betracht nicht wirklich neutral… andererseits, wird mit foucault konzis dargelegt warum gefängnisse und schulen verkehrt sind
Le nouveau livre de Geoffroy de Lagasnerie, PENSER DANS UN MONDE MAUVAIS, pose avec clarté et passion une question urgente de la pensée critique et innovante dans le monde contemporain: comment pouvons-nous devenir et rester producteurs de pensée, dans un monde “mauvais”, c'est-à-dire dans un monde qui s'adonne à la reproduction de la violence, de la pauvreté, et de la domination physique et symbolique?
Plus simplement, on peut se poser la question: comment se construire après son éducation? Une des lectures possibles de cette question serait: comment continuer à construire sa pensée après la mort de ses éducateurs? Cette question s'avère particulièrement pressante pour quiconque a construit sa pensée dans le sillon des grands philosophes de la deuxième moitié du 20ième siècle: Deleuze, Lyotard, Foucault, Derrida, et Bourdieu. Ces ainés sont partis, et il ne reste pas grand-chose à leur place.
Vingt ans plus tard le monde a changé, et nous avons changé. La question devient: comment penser dans le monde actuel, un monde “mauvais” qui ne favorise pas la pensée?
C'est la question que se pose le sociologue-philosophe Geoffroy de Lagasnerie dans son nouveau livre PENSER DANS UN MONDE MAUVAIS, où il propose sa propre mise en perspective de cette question et des éléments de réponse. Cette question est au centre de toute son oeuvre publiée, depuis son premier livre, paru en 2007, “L'EMPIRE DE L'UNIVERSITÉ Sur Bourdieu, les intellectuels et le journalisme”, jusqu'aujourd'hui.
La question qu'on peut se poser: comment continuer à se construire après la fin de son éducation?, devient dans ce livre: comment vivre et penser après la mort de ses éducateurs?, et ensuite comment traiter ses éducateurs comme des co-producteurs et non pas comme des maîtres? Comment avoir un rapport productif à son éducation et non pas un rapport reproductif?
Dans ce livre Geoffroy de Lagasnerie ne nous enseigne pas à faire le deuil de nos éducateurs d'antan ni à les imiter, mais nous encourage à prolonger leur démarche de critique et d'innovation conceptuelle dans un monde qu'ils n'ont pas anticipé dans tous ces détails. On ne peut qu'applaudir ce sentiment et ces analyses.
Cependant, il est surprenant de voir ces penseurs de l'affirmation vitale et pensante discutés dans un ton aussi nostalgique. Les penseurs qui ont mise en oeuvre la même logique de création que la génération de référence du livre ne sont pas pris en compte. Alain Badiou, Bruno Latour, Bernard Stiegler, François Laruelle ne sont pas mentionnés.
Le livre en tant qu'il accentue l'opposition plutôt que la création me semble marquer un moment de transition. Certes la nostalgie présente dans la problématique (“construire des champs oppositionnels” pour résister au “monde mauvais”) n'est ni totalement réactive, ni un appel au deuil.
Cette nostalgie sans deuil peut mener non seulement à des actes de résistance au monde “mauvais” mais aussi à de vrais actes de création dans un monde qui, selon Deleuze, contient l'intolérable et abonde en devenirs. Penser ce n'est pas seulement s'opposer au monde mauvais mais aussi composer ensemble un monde meilleur.