« C’est la fille coiffée style Halloween. Coupe Morticia Addams, teinture noir de jais, mèches orangées asymétriques. Elle a vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Une femme-enfant, songes-tu, qui dévore des biographies d’empoisonneurs célèbres et s’est affublée des piercings les plus douloureux du marché. De la chair à goth typique. Pourtant, une fois passé les cheveux, les robes vintage, la bague-araignée au ventre de perle, les tatouages sur les mains (un crâne de vampire, un cœur humain) et le maquillage outrancier, tu remarques que son visage est empreint d’une douceur et d’une sensualité maternelles qui semblent trop vulnérables pour participer de ce monde moderne… »
Elle a pour nom Abi — diminutif d’Abimagique. Elle est volupté, sensualité, violence aussi, parfois. Le monde court à sa perte, elle en est convaincue, maiselle dit avoir le pouvoir de sauver ce qui peut l’être… Elle est impénétrable. Possible qu’elle soit Cybèle, Magna Mater, femme sorcière tellurique. Possible aussi que le temps soit venu ; celui du sacrifice…
Brief biographies are, like history texts, too organized to be other than orderly misrepresentations of the truth. So when it's written that Lucius Shepard was born in August of 1947 to Lucy and William Shepard in Lynchburg, Virginia, and raised thereafter in Daytona Beach, Florida, it provides a statistical hit and gives you nothing of the difficult childhood from which he frequently attempted to escape, eventually succeeding at the age of fifteen, when he traveled to Ireland aboard a freighter and thereafter spent several years in Europe, North Africa, and Asia, working in a cigarette factory in Germany, in the black market of Cairo's Khan al Khalili bazaar, as a night club bouncer in Spain, and in numerous other countries at numerous other occupations. On returning to the United States, Shepard entered the University of North Carolina, where for one semester he served as the co-editor of the Carolina Quarterly. Either he did not feel challenged by the curriculum, or else he found other pursuits more challenging. Whichever the case, he dropped out several times and traveled to Spain, Southeast Asia (at a time when tourism there was generally discouraged), and South and Central America. He ended his academic career as a tenth-semester sophomore with a heightened political sensibility, a fairly extensive knowledge of Latin American culture and some pleasant memories.
Toward the beginning of his stay at the university, Shepard met Joy Wolf, a fellow student, and they were married, a union that eventually produced one son, Gullivar, now an architect in New York City. While traveling cross-country to California, they had their car break down in Detroit and were forced to take jobs in order to pay for repairs. As fortune would have it, Shepard joined a band, and passed the better part of the 1970s playing rock and roll in the Midwest. When an opportunity presented itself, usually in the form of a band break-up, he would revisit Central America, developing a particular affection for the people of Honduras. He intermittently took odd jobs, working as a janitor, a laborer, a sealer of driveways, and, in a nearly soul-destroying few months, a correspondent for Blue Cross/Blue Shield, a position that compelled him to call the infirm and the terminally ill to inform them they had misfiled certain forms and so were being denied their benefits.
In 1980 Shepard attended the Clarion Writers’ Workshop at Michigan State University and thereafter embarked upon a writing career. He sold his first story, "Black Coral," in 1981 to New Dimensions, an anthology edited by Marta Randall. During a prolonged trip to Central America, covering a period from 1981-1982, he worked as a freelance journalist focusing on the civil war in El Salvador. Since that time he has mainly devoted himself to the writing of fiction. His novels and stories have earned numerous awards in both the genre and the mainstream.
Seconde incursion dans les univers de Lucius Shepard pour moi après le très bon Attracteurs de Rose street, et là encore, l'auteur offre un récit fantastique et étrange empreint d'érotisme.
Proposer un récit à la deuxième personne est toujours un pari délicat. Loin de renforcer l'immersion du lecteur, ce procédé à plutôt tendance à créer un sorte de dissonance qui complique la lecture, sauf qu'ici cela participe totalement de l'ambiance perturbante de cette novella.
Mais que raconte Abimagique ? Hé bien, un homme tombe amoureux d'un femme et ils emménagent ensemble. Sauf que cette femme, Abi, semble être un sorcière tantrique impliquée dans une conjuration cosmique visant à éviter la fin du monde. A moins que notre protagoniste soit juste complètement camé.
Et c'est ça qui fascine tout le long du récit, cette incertitude, cette impossibilité d'accorder sa confiance pour notre protagoniste qui va l'enfermer tout le long de cette relation qui oscille entre le divin et le purement toxique. Notre héros, Carl, est totalement largué et alterne entre des moments de défiance pur vis à vis de cette Abi, des drogues qu'elle lui fait ingérer, de son apparente nonchalance envers des sentiments qui l'enferme et parfois une apparente clairvoyance pour la (prétendue ?) mission de sa compagne.
L'écriture de Shepard est très organique, sensuelle, et porte une charge érotique très forte, même si on pourrait lui reprocher d'être beaucoup trop centrée sur le regard masculin.
Incertitude jusqu'au bout, ambiance purement fantastique, écriture lyrique, érotisme et sensualité, le tout fait de ce récit une expérience particulière qui vaut le détour et qui me donne encore une fois envie de poursuivre mon exploration de l’œuvre de Shepard.
Seconde novella de Lucius Shepard publiée dans la collection Une heure-lumière, Abimagique relève d’un Fantastique traditionnel dans sa façon de proposer diverses hypothèses (rationnelles ou surnaturelles) sur la nature réelle des événements décrits et de ne trancher en faveur d’aucune. Ce qui pourra, tout comme la très puissante dimension sexuelle du texte, en gêner certains. Ils auraient cependant tort de se priver d’une histoire envoûtante, le mystère d’une femme surnommée Abi qui est peut-être une nymphomane new age, peut-être un pervers narcissique… mais peut-être tout autre chose. L’auteur balaye d’ailleurs large, vous proposant des hypothèses plus extraordinaires les unes que les autres. Mais… peut-être que le problème ne vient pas d’elle, mais de son compagnon, Carl. Si vous souhaitez vous embarquer dans un jeu de pistes oscillant entre la folie, la SF et le mysticisme, où aucune réponse claire ne vous attend à la fin (ce qui est tout à fait dans les codes du Fantastique, rien d’anormal à cela), le tout magnifié par l’incomparable plume de Shepard, traversé par de puissants spasmes érotiques et rythmé par une narration incantatoire, à la mélopée s’accélérant sans cesse, Abimagique est pour vous !
Ce qui précède n'est qu'un résumé, l'analyse complète se trouvant sur mon blog :
Pas aimé du tout : le narrateur représente selon moi tous les sexistes qui finissent par tuer leur partenaire, parce qu’ils en ont peur, la vénèrent puis la détestent sans jamais l’accepter pour ce qu’elle est, et une fois qu’elle a été essorée, vont se réfugier dans les jupes d’une autre, sans l’aimer davantage, motivés par la peur et le besoin de confort.
Cette novella fantastique est écrite de manière assez originale puisque la narration est entièrement faîte à la seconde personne du singulier. L’auteur, en nous tutoyant, nous inclut dans son histoire et fait de nous le personnage principal confronté à l’étonnante, envoûtante et déstabilisante Abimagique. Impossible bien sûr d’intervenir sur les décisions et les pensées du personnage malgré notre incarnation dans ce « Tu » ce qui nous oblige à nous confronter à ses peurs et à entrer dans la jeu de sa fascination. Si quelques lecteurs risquent d’être frustrés par ce carcan qui nous immerge sans nous laisser agir, [...]
TW: grossophobie, violence, body horror, contenu graphique.
En un mot: étrange. Je dois reconnaître que le début de cette nouvelle m'a fait peur, dans le sens où le personnage principal est extrêmement sexiste et agaçant, et je m'attendais à détester l'expérience de lire cette histoire de son point de vue. Finalement, cette nouvelle était intéressante et bizarre, et j'ai finit par accepter que nous ne sommes pas sensé aimer les personnages. Je ne suis pas sûr que la narration à la deuxième personne était nécessaire, ça ne m'a pas semblé ajouter quoi que ce soit à l'histoire. Il faut aussi être prévenu: il ne faut pas haïr les fins ouvertes ! Bien que définitivement pas la meilleure nouvelle que j'ai jamais lu, je suis content d'avoir fait cet étrange voyage.
J'ai toujours pensé que l’écriture de Shepard doit functioner bien en français, et je ne m'ai pas trompé. Le homme était bien un mage des phrases et ça est bien manifeste ici une autre fois.
Comme d’habitude, l’histoire est bien, rien d’extraordinaire mais dans ce cas avec des accoutrements plutôt intéressantes, avec une femme fantastique et un homme totalement incapable de faire face au fantastique.
Une autre aspect de merveilleusement c'est la évidence de le plaisir que le défi a présenté à l'auteur, à commencer par ça : « Lorsque j’ai repris ce récit quelques mois plus tard, je me suis aussitôt rendu compte que j’étais en train d’écrire une novella au présent de narration, deuxième personne du singulier, une tâche des plus difficile ; puis je me suis dit : Eh merde… »
« Ses seins, toujours montrés à leur avantage, sont gros et laiteux, zaftig, comme ceux des femmes peintes par Raphaël et Le Titien, et le reste de son corps se conforme aux critères démodés de la volupté. Il doit y avoir une atmosphère spéciale autour d’elle, songes-tu. Une enveloppe de force qui rend son espace inviolable. »
« (…) qu’elle travaille comme massothérapeute avec des handicapés, qu’elle vit seule dans une maison en bois, dans une rue bordée de sapins du quartier de Fremont, que ses yeux ont la couleur du vert bouteille illuminé de soleil et qu’elle s’appelle Abi, le diminutif d’Abimagique (…) »
« Tu te sens brouillé ? demande-t-elle. Pas moi. Je me sens tout à fait claire. Et on est passés de la dispute à la violence et pour finir au sexe. Tu avais oublié le sexe. » Elle se lève, resserre sa ceinture. « La vie est l’exercice raisonné de la passion. Quand elle cesse de l’être, c’est la mort. »
« En temps voulu, tu sauras tout sur moi. Et aussi sur toi. En attendant, nous avons besoin de nous mordre et de nous griffer de temps à autre, et laisser ensuite le sexe nous guérir. » Elle fait halte sur le seuil, serre une dernière fois sa ceinture. « Tu veux manger quelque chose ? »
« Tu ne doutes plus qu’elle ait le pouvoir de te rendre infirme (enfin, si, un peu quand même), et bien que tu n’arrives pas à comprendre comment une alliance d’hommes invalides, d’anges sympas mais chassés du paradis et de sorcières tantriques pourrait aider le monde en cette heure de péril (…) En fin de compte, et en dépit de toutes les preuves du contraire, tu es incapable d’accepter tout ça. Des sorcières ados luttant contre l’apocalypse. »
« (…) quand les gens meurent, tout ce qui arrive en apparence, c’est qu’ils sont exclus du rêve que nous faisons du monde (…) »
Un court roman autour d'un homme qui tombe amoureux d'une étrange demoiselle appelée Abimagique. Entre spiritualité, discussion sur Dieu, percutantes visions cauchemardesques et narration à la 2e personne, ce récit est déroutant à tous points de vue. La finale ne permet pas de trancher la question spirituelle ni le destin du héros. Cette ouverture permet une interrogation personnelle des croyances religieuses, écologiques et culturelles.
Grosse plaisanterie liée au ton de l'auteur et au choix du"tu". Si on n'est pas rebuté par le trip femme sorcière baise assez éculé, on s'amuse sans plus.
Un autre tome de #UneHeureLumière ! J’aime toujours autant cette collection de @lebelial, mais cette fois j’ai un peu plus de réserve sur le texte.
Si j’ai passé un bon moment pendant ma lecture, et si le retournement est très surprenant, j’ai eu du mal avec la représentation de la protagoniste. Je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler trop l’intrigue, mais le retournement vers le #fantastique est vraiment abrupte et semble vraiment déconnecté du reste de l’histoire. C’Est dommage ! J’aurai adoré être du point de vue de la protagoniste plutôt que de suivre un random guy un peu idiot. Je comprends l’intérêt d’une narration a la deuxième personne, qui donne une certaine efficacité au propos, mais ici nous sommes forcés de suivre son male gaze assez gênant.
« Au fil de l’été, tu renonces aux hamburgers. Tu t’es tellement habitué au régime d’Abi que la seule odeur d’un burger te donne la nausée. Ce n’est pas une grosse perte – tu n’as jamais été aussi heureux. »
Une lecture, envoûtante, mystique, qui ne laisse pas indifférent. Le traitement à la 2ème personne du présent est parfait, nous emporte directement dans l'intrigue.
Une écriture à la deuxième personne du singulier très sympa qui sert un récit contemporain bourré de mystère jusqu'au bout. Abi est intriguante du début à la fin.