Oppression des femmes et destruction de la nature seraient deux facettes indissociables d'un modèle de civilisation qu'il faudrait dépasser : telle est la perspective centrale de l'écoféminisme. Mais derrière ce terme se déploie une grande variété de pensées et de pratiques militantes.
Rompant avec une approche chic et apolitique aujourd'hui en vogue, ce livre restitue la richesse et la diversité des théories développées par cette mouvance née il y a plus de 40 ans : critique radicale du capitalisme et de la technoscience, redécouverte des sagesses et savoir-faire traditionnels, réappropriation par les femmes de leur corps, apprentissage d'un rapport intime au cosmos...
Dans ce road trip philosophique alternant reportage et analyse, l'auteure nous emmène sur les pas des écoféministes, depuis les Cévennes où certaines tentent l'aventure de la vie en autonomie, jusqu'au nord de l'Inde, chez la star du mouvement Vandana Shiva. Elle révèle aussi les ambiguïtés de ce courant, où se croisent Occidentaux en quête d'alternatives sociales et de transformations personnelles, ONG poursuivant leurs propres stratégies commerciales et politiques, et luttes concrètes de femmes et de communautés indigènes dans les pays du Sud.
C'était une lecture, pour moi, très étrange pour être honnête.
Un essai séparé en deux parties, la première est un vaste panorama de la théorie écoféministe internationale du XIXe siècle environ à l'ultra ultra contemporain (mention d'événements des 5 dernières années) ; la deuxième est plus accès sur la "pratique" et les limites de la théorie et se fait à travers le récit de deux mise en pratique: une semaine chez une personne autosuffisante en France et sa perception du monde et la seconde, un long séjour de plusieurs mois à Navdanya, l'ONG de conservation des semences géré par Vandana Shiva en Inde. Il y a aussi un interlude très étrange, à première vue, sur le fait que l'autrice de l'essai ne croit pas aux thèses écoféministes et ne pense pas que les théoriciennes le croient elle-même bien qu'elle concède amplement que ces théories amènent des remises en question profonde.
C'est d'ailleurs un fil rouge constant de tout l'ouvrage, la critique de l'écoféministe de part et d'autres et l'absence complet de dialogue entre les différents mouvements (il s'agit vraiment des écoféminismes tellement c'est pluriel, contradictoire et tout le monde semble s'en réclamer). La première partie théorique est bien, brosse un portrait très large, traversée de critiques qui semblent un peu injuste parfois: c'est bien de montrer la critique, mais c'est quelque chose que je remarque avec les accusations d'essentialismes de l'écoféminisme: jamais on ne nomme qui on critique, on semble parler d'un zeitgeist lequel est impossible de démontrer concrètement ou dont on déforme la pensée (écoféminisme spirituel) presque à escient. Je ne suis pas d'accord non plus avec certains des résumés de pensée (évidemment, un premier lieu, la pensée d'Eaubonne qui me semble un peu trompeuse et trop vite résumée dont les nuances échappent complètement à la lecture). Le rayon d'ouvrages consultés contrebalance toutefois ce survol rapide.
La deuxième partie, c'est la partie dont je ne sais vraiment vraiment pas trop quoi penser. La partie "pratique" de l'ouvrage, Burgart Goutal explore tout d'abord la vie en autosuffisance de Sylvie dans le chapitre Cantoyourte avec un groupe de femmes. Elle y parle des principes qui la guide, ses convictions, un peu des autres femmes dans le groupe, du quotidien, des avantages et inconvénients. Ça fait presque un peu mémoire, récit de vie en auto-suffisance, c'est vraiment intéressant et offre définitivement un énorme plus à la lecture pratique de la théorie.
Le gros de la seconde partie se concentre surtout sur Navdanya et -oh my- c'est un gros morceau!!!!
L'essayiste pour vraiment comprendre un quotidien écoféministe, décide d'aller travailler/séjourner à Navdanya, une ONG créée par Vandana Shiva. Cette partie, on dirait presque du journalisme d'enquête. Désherbant dans la journée (et suivant aussi des formations) tout en posant des questions aux bénévoles, organisateurs et organisatrices, travailleuses, personnes pivotant autour de l'organisation et même une ou deux à Vandana Shiva elle-même ; Jeanne Burgart Goutal explore vraiment l'organisation de fond en comble, sa mission, ses échecs face à la mission, ses incompréhensions dans le monde occidental, les nombreux contresens poussés, les enjeux de classe en Inde (et on a même toute une discussion sur le fameux végétarisme indien qui ne signifie pas un manque de cruautés envers les animaux et reflète plutôt une condition de classe) et comment ces enjeux se reflètent dans l'organisation, les erreurs de traduction ou de termes qui donnent une conception erronées de certaines pratiques, etc. Tout n'est pas que critique, il y a de très bons moments de dialogues et de compréhension de certaines pratiques, mais la figure de Vandana Shiva est définitivement descendu de son piédestal bien que l'autrice essaie de mitiger ses propres réactions face à ces critiques. C'est probablement la partie qui m'a le plus intéressée du livre, nous seulement parce qu'on parle concrètement des actions entreprises, des problèmes qui émergent quand on travaille dans le concret, des recherches de solutions et des difficultés rencontrées, mais les critiques écoféministes semblent beaucoup plus justes, sont contextualisées, sont critiquées à travers des regards théoriques, mais aussi très très locaux ou anti-colonialistes et face au décor des politiques conservatrices du gouvernement indien, mais aussi du visage montré à l'occident. Bref, un véritable travail de déconstruction pour reprendre l'idée de Derrida (qui est légèrement accroché dans cet essai puisqu'il mobilise tout un appareil théorique écoféministe dans au moins un de ses essais sans en citer une seule femme!).
Un essai que je qualifierais de montagnes russes: j'étais à la fois instruit, en désaccord, en accord, en réflexion et très critique des résumés de pensées. Je ne sais toujours pas trop quoi en penser, mais il m'a définitivement apporté des points sur lesquels réfléchir!
J'ai beaucoup aimé la première partie : "Herstory," qui débroussaille pas mal le terrain de l'écoféminisme. Lorsque j'ai lu la première phrase de l'interlude "(...) Je ne crois pas à l'écoféminisme," ça m'a un peu refroidi ; je n'ai pas compris l'intérêt de le glisser au beau milieu du livre. Ensuite, il y a eu la deuxième partie "Reinventing Eden" dont le contenu est... très dense, très narratif et contient beaucoup de critiques, j'ai eu du mal à accrocher et par conséquent, à suivre. Enfin, j'ai été surprise de lire "Journée internationale de la femme" (au lieu de "Journée internationale des droits des femmes) dans un essai féministe... Au-delà de ça, il y a des passages intéressants, des références, ainsi que des critiques, qui poussent à la réflexion. C'est une lecture qui nécessite beaucoup de concentration, mais peu de "background knowledge."
Un essai complet, détaillé, richement documenté, tissé comme une définition de l'écoféminisme, longue de 300 pages. L'autrice explore la genèse du mouvement, son impossible ascension dans la société française, ses ressources théoriques et ses limites, avant d'aborder une partie plus pratique sur la mise en application concrète de de ses principes.
À travers deux séjours dans des communautés autoproclamées écoféministes, l'autrice lève le voile sur la réalité concrète du mouvement, avec un véritable esprit critique sur ses potentielles dérives.
J'ai beaucoup apprécié cette approche : au premier abord, je n'étais pas d'accord avec tout (j'ai toujours un peu de mal avec le lien supposé "instinctif" entre la femme et la nature, les fameux concepts de "féminin sacré" et de "femme sauvage" un peu ésotériques). J'ai donc aimé qu'elle creuse un peu la surface pour dévoiler tout ce qui peut être problématique, sans pour autant émettre de jugement de valeur sur les militant.e.s de la première heure.
Cela fait de cet essai une belle clé de lecture pour tous les autres ouvrages liés aux combats écologiques et féministes.
Jeanne Burgart-Goutal parle de son enquête sur l’écoféminisme, réalisée dans le cadre de sa thèse. La première partie présente à la fois les théories et les critiques d’un mouvement complexe sur ces cinquante dernières années. Dans la deuxième partie, l’autrice présente surtout deux expériences qu’elle a faites dans les Cévennes et en Inde. Globalement le livre est très agréable à lire, bien conçu et informatif. J’apprécie particulièrement les doutes que Burgart-Goutal émet vis-à-vis du mouvement, impossible à définir clairement car un peu fourre-tout. Un bémol cependant pour le dernier tiers (en Inde) et la conclusion, où les doutes émis en première partie prennent presque tout le devant de la scène. Burgart-Goutal s’enfonce alors dans un désenchantement et une déception, ce que j’ai eu du mal à comprendre. Elle parle alors de sa « naïveté » ou de son « idéalisme » qui n’ont pas survécu à la confrontation avec la réalité - mais cela n’est-il pas le propre de toute utopie? N’est-ce pas la définition même « d’idéal », à l’opposition de « concret »? Elle qui parlait de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est pourtant bien l’impression que j’ai eue en lisant la conclusion de ce livre. Dommage!
J'ai beaucoup aimé ce livre, malgré le fait qu'il m'a bourré le crâne d'infos et que j'avançais donc lentement.
Je vois qu'il y a pas mal d'avis sur la deuxième partie. Moi je trouve qu'elle a mis en lumière le désir d'apprendre et l'ouverture d'esprit de l'autrice. Je ne sais pas si j'aurais réussi à aller dans un autre pays en stage et rester autant malléable. J'ai l'impression qu'elle a réussi à se détacher en grande partie de sa culture et son éducation pour essayer de comprendre et je trouve cela impressionnant. Le fait qu'elle n'ait pas été convaincue par tout ce qu'elle a vu et qu'elle ait encore tant d'hésitations prouve à mes yeux son excellent sens critique.
J'ai donc adoré découvrir cette autrice, ses idées, son vécu et son bouquin.
Très franchement, j'étais dubitative avant de commencer ce livre. Je me demandais ce qu'une énième bourgeoise blanche pouvait bien avoir à rajouter sur l'ecofeminisme, mouvement déjà bien approprié par les féministes occidentales. Mais bien heureusement, Jeanne Burgart-Goutal a conscience de ses biais et fait une étude très précise et intéressante des mouvements ecofeministes (au pluriel !) d'aujourd'hui, en questionnant justement les différentes formes qu'il prend à travers le monde. Ça peut être un bon point de départ pojr se familiariser avec ce courant de féminisme mais j'avoue que j'étais quand même bien contente d'avoir lu d'autres choses avant pour mieux suivre.
J’ai adoré la première partie que j’ai lu assez rapidement, et l’interlude était vraiment très juste, très belle. J’ai beaucoup aimé découvrir l’écoféminisme comme ça, je pense que c’est un livre très intéressant. Mais la deuxième partie était peut-être un peu trop longue ? pourtant il y avait beaucoup de choses très intéressantes que j’ai adoré découvrir mais j’ai mit du temps à le finir. Je ne sais pas si c’est parce qu’il se traine ou parce que je n’étais pas d’humeur à lire ce récit. Mais belle conclusion, chouette lecture !
un des meilleurs livre que j’ai jamais lu sur l’écoféminisme pureee je vous le conseil tellement c’est trop trop bien qu’elle ait construit son livre en mode partie 1 théorie (quelles sont les théories ecofeministe?) et partie 2 (en pratique ça a donné quoi les actions/pratiques qui se revendiquent de l’éco féminisme?) en plus elle parle un peu d’elle mais juste ce qu’il faut et ça donne beaucoup de consistance à son écriture (je sais pas pour qui je me prend à écrire ça mais je le pense tellement mdrrrr)
J'ai vraiment apprécié cette lecture ! Fidèle au titre, la première partie propose les définitions, tout en nuance, des écofeminismes, la seconde s'intéresse à leur pratique même. J'ai trouvé la deuxième partie particulièrement intéressante et rigoureuse : l'autrice, à travers son expérience, nous rappelle l'importance de se décentrer (quitter notre position de lecteurice occidental·e), de la pensée critique, de la pratique de la théorie pour comprendre les rouages/points forts/contradictions des écofeminismes. Vraiment un superbe ouvrage, accessible et agréable à lire !