Qu’est-ce qu’un jeune Québécois qui avait deux ans au référendum de 1995 et qui a participé au printemps érable en 2012 peut avoir à dire sur la condition politique québécoise ? Pour Alexandre Poulin, ce qui relie les deux événements, c’est la question de la culture. Les élites politiques et médiatiques insistent beaucoup sur la créativité et le rayonnement des artistes au Québec et dans le monde entier, mais très peu sur la culture comme « lieu » d’enracinement et d’émancipation, au sens que lui donne le sociologue Fernand Dumont.
Se découvrant soudain héritier d’une histoire qu’il n’a pas choisie, Alexandre Poulin dénonce l’art de la demi-mesure dans l’imaginaire politique québécois. S’il ajoute sa voix aux nombreuses critiques d’un Québec inachevé et dépolitisé, il le fait en millénial attaché à sa nation. Les appels, à gauche comme à droite, pour une deuxième révolution tranquille résonnent à ses oreilles comme une répétition de l’histoire, un refus de la grande politique qui seule permettrait de donner une assise forte à la culture.
Alexandre Poulin soutient que la génération des milléniaux est la dernière à pouvoir se poser la question du projet politique apte à perpétuer une culture québécoise vivante en Amérique. Entre inquiétude et détermination, mémoire et conquête, le jeune essayiste rêve d’audace, pas de tranquillité.
J’ai trouvé que l’auteur connaissait très bien sa matière, c’est-à-dire qu’il vulgarise adéquatement l’histoire du Québec et les luttes qui l’ont façonnée. Il me semble juste de montrer, comme le fait l’essayiste, de quelle manière l’inachèvement politique du Québec empêche celui-ci de réellement prendre part au monde, d’assurer la pérennité de sa culture. Il m’est apparu intéressant que Poulin évoque la Révolution tranquille comme étant une coupure avec l’héritage canadien-français. Ce socle, selon l’auteur, est la pierre d’assise de la souveraineté du Québec. Je ne suis pas tout à fait d’accord, mais le propos est bien amené.
En revanche, à quelques reprises, l’auteur s’emporte et tombe dans des petits procès peu constructifs. Entre autres, il évoque que le mouvement écologiste qui prend forme au Québec en est un messianique, digne des missions portées par l’Église catholique ici. Il faut pas charrier !
L’élection de la Coalition avenir Québec en 2018 et la quasi-disparition du Parti québécois semblent indiquer que les Québécois ont abandonné le nationalisme politique au profit du nationalisme culturel et économique.
Alexandre Poulin se demande si cela suffira à assurer la pérennité de la nation québécoise. Ne vaudrait-il pas mieux revenir à un nationalisme canadien-français, comme à l’époque de la « survivance » qui a duré plus d’un siècle et pris fin à la Révolution tranquille? Il pose la question et aborde de nombreux autres aspects de la conscience politique québécoise dans cet essai très bien écrit.
Essai politique intriguant où se mélange plusieurs courants historiques. L'auteur démontre, avec talent, une synthèse relevant presque d'une démarche psychanalytique. Un essai redoutablement référencié et non exclusif au milieu académique. Le concept de survivance démontre l'évolution de la gouvernance contemporaine du Québec sur plusieurs aspects. Elle amènera cependant le lecteur à réflexion puisqu'elle occulte plusieurs débats/enjeux propres aux nouvelles générations. C'est peut-être cet aspect qui laissera le jeune lecteur sur sa faim.