En quelques décennies, tout a changé. La France, à l'heure des gilets jaunes, n'a plus rien à voir avec cette nation une et indivisible structurée par un référentiel culturel commun. Et lorsque l'analyste s'essaie à rendre compte de la dynamique de cette métamorphose, c'est un archipel d'îles s'ignorant les unes les autres qui se dessine sous les yeux fascinés du lecteur. C'est que le socle de la France d'autrefois, sa matrice catho-républicaine, s'est complètement disloqué. Jérôme Fourquet envisage d'abord les conséquences anthropologiques et culturelles de cette érosion, et il remarque notamment combien notre relation au corps a changé (le développement de pratiques comme le tatouage et l'incinération en témoigne) ainsi que notre rapport à l'animalité (le veganisme en donne la mesure). Mais, plus spectaculaire encore, l'effacement progressif de l'ancienne France sous la pression de la France nouvelle induit un effet d'« archipelisation » de la société tout entière : sécession des élites, autonomisation des catégories populaires, formation d'un réduit catholique, instauration d'une société multiculturelle de fait, dislocation des références culturelles communes (comme l'illustre, par exemple, la spectaculaire diversification des prénoms). À la lumière de ce bouleversement sans précédent, on comprend mieux la crise que traverse notre système politique : dans ce contexte de fragmentation, l'agrégation des intérêts particuliers au sein de coalitions larges est tout simplement devenue impossible. En témoignent, bien sûr, l'élection présidentielle de 2017 et les suites que l'on sait…
Avec de nombreuses cartes, tableaux et graphiques originaux réalisés par Sylvain Manternach, géographe et cartographe.
Un livre dont la seule lecture vaut celle de plus de 100 articles de journaux. L'auteur -un sondeur chevronné, directeur de l'Ifop- a fait un travail de recherche précis, rigoureux, honnête et humble pour décrire la réalité de la France d'aujourd'hui. Il montre l'ampleur des divisions et sous-divisions de notre pays, et à quel point il est devenu fracturé, non pas selon les anciennes divisions cathos/laïcards, mais selon une nouvelle division "gagnants/perdants de la mondialisation".
En tant que chrétien, il est très intéressant de lire ce livre pour deux raisons: 1. Pour bien comprendre la déchristianisation de notre pays (le catholicisme culturel est mort de mort naturelle dans les années 50, et non de mort violente en mai 1968) et 2. Pour comprendre que notre entreprise d'évangélisation va être singulièrement compliquée par la division de notre nation, et que la clé de notre succès passera dans le diaconat et un bon usage des oeuvres de charité, afin de panser les plaies (économiques et sociales) infligées par la mondialisation à la fois sur la France Périphérique et celle issue de l'immigration.
Pour en rester au livre, c'est vraiment du très bon travail, et je le recommande par dessus tout les autres pour ceux qui veulent "faire le point" sur notre société.
Sous-titré à tort « où allons-nous? », L’Archipel Français essaie plutôt d’expliquer la situation de la société française. Il revient donc sur une conjonction de phénomènes qui depuis plus de 40 ans affectent l’unité du peuple et ont ainsi engendré son « archipellisation », dont la crise des gilets jaunes est symptomatique.
Cet ouvrage a le mérite de traiter de manière calme et documentée des mutations sociétales qui d’habitude enflamment instantanément le débat public. Il permet de prendre du recul et dépassionne ces questions, pour mieux comprendre le malaise actuel.
Tout d'abord, il faut souligner l'exceptionnel travail de recueil, d'analyse et de synthèse de données réalisé par Jérôme FOURQUET pour cet ouvrage.
Dans une première attache partie, il s'attache à montrer l'évolution de la société française en se basant sur la perte d'influence de deux grandes idéologies du XXème siècle : le catholicisme et le communisme. D'autres facteurs sont évoqués (développement et hétérogénéité des médias, prise en compte de l'immigration, montée de l'individualisme), mais l'auteur ne les considère pas aussi importants que les deux premiers cités. On notera aussi que la société et ses mœurs évoluent souvent plus vite que ne s'effectue le renouvellement des générations. Les jeunes d'hier seront les vieux de demain et leurs valeurs qui paraissent bien souvent progressistes de nos jours seront considérés comme conservatrices alors. Etant donné le poids démographique important des séniors dans la population française, on peut déjà constater une rupture entre "tradis" et le reste de la population sur des thèmes liés à la sexualité, la parentalité, les drogues dites "douces".
Ensuite, Jérôme FOURQUET s'attache à décrire différents "archipels" d'une société française fragmentée : élites et CSP+, banlieues et cités difficiles, une minorité musulmane issue essentiellement de descendants de l'immigration maghrébine, ruraux et péri-urbains, régionalistes comme les Bretons et les Corses, expatriés, etc... Ces "archipels" vivent les uns à côté des autres, mais ne se côtoient plus, voire s'évitent. Jérôme FOURQUET envisage à chaque fois différentes hypothèses pour expliquer ce constat, mais les raisons avancées sont parfois discutables alors que d'autres facteurs semblent avoir été ignorés.
Dans un dernier tiers, l'auteur décrit quelques particularismes locaux, puis explique le bouleversement du paysage politique français lors de l'élection présidentielle de 2017. Au-delà de la défiance grandissante d'une part non-négligeable de la population envers les partis politiques traditionnels, Jérôme FOURQUET résume (réduit ?) l'opposition entre partisans de Marine Le Pen et ceux d'Emmanuel Macron à perdants ou laissés pour compte de la mondialisation VS vainqueurs et bénéficiaires d'une économie de marché et globale. Le sentiment d'avoir un niveau de vie meilleur que ses parents semble également être un facteur important.
Comme le conclut l'auteur, ces archipels vivent "en vue" des autres "îlots de l'archipel français", mais ils ne se mélangent plus, voire ils ignorent l'existence des îlots les plus éloignés. C'est pourquoi il est important de lire cet ouvrage, afin de se rendre compte de la diversité de cet archipel et peut-être réaliser que l'on méconnait voire ignore certains groupes.
Malgré la qualité de l'étude menée par Jérôme FOURQUET, certains reproches peuvent être faits : - l'auteur use et abuse de l'utilisation de l'anthroponymie pour en tirer plusieurs conclusions. Cependant, certains ilots ne sont pas inscrits en masse sur les listes électorales et leur poids a pu être sous-estimer. D'autre part, les différents graphiques utilisés pour démontrer un fait en se basant sur l'usage de prénoms sont parfois en pourcentage ou d'autres fois en valeurs absolues. Etant donné l'augmentation de la population, rester sur des graphiques en échelle relative m'aurait paru plus juste et plus parlant. - comme souvent en statistique, il faut être attentif et éviter de confondre corrélation et causalité. Au vue de certains hypothèses avancées par l'auteur sans plus de justifications ou de données, certaines d'entre elles sont discutables. C'est bien dommage d'avoir manqué de rigueur alors que le reste du travail a été fait dans une grande rigueur (Jérôme FOURQUET décrit souvent la méthodologie utilisée pour les études de cas). - une trop grande importance accordée à mon avis au vide laissé par le recul de l'Eglise en France et du communisme/de la gauche ouvrière. D'autres éléments peuvent expliquer la montée en puissance de nouveaux courants idéologiques dans la société française. - en dépit du nombre d'îlots décrits par l'auteur, on peine à croire que l'ensemble de la population française peut être rangée dans ces "cases". La prochaine élection présidentielle de 2022 sera peut-être l'occasion de mettre à jour cette carte de l'archipel français et d'identifier de nouveaux îlots.
Voilà un essai très riche et important, qui présente une somme de travail considérable autour de nombreuses statistiques pour tenter de dresser un tour de France social, politique, économique du pays après 2017, et notamment d'expliquer l'éclatement politique.
L'auteur part du postulat que la matrice catholique est en très fort déclin et n'est plus la force structurante de la société française, et que cela a entraîné une série de bouleversements considérables dans les comportements et les opinions des habitants du pays. Il évoque également la baisse de la vision communiste, mais plus brièvement.
Parmi les méthodes utilisées, une forte prévalence pour les analyses des prénoms des français pour étudier les changements de la société, et une analyse très fine des résultats électoraux par bureau de vote, pour établir des corrélations très parlantes. Bien sûr, on peut craindre que l'auteur fasse parler des statistiques pour confirmer des idées pré-établies mais celui-ci prend toujours la peine de signaler qu'il ne s'agit pas de sciences exactes et que son but n'est que d'établir des liens entre diverses données et d'observer
Une remarque négative : certains points sont soulevés mais peu étayés, et donc un peu superficiels, et semble plus être du domaine de l'opinion intime que de l'observation "froide".
Toutefois, ce livre est très important et édifiant, et permet d'éclairer notre société à l'heure de la montée de l'extrême-droite et de laradicalisation des opinions.
Un corps jadis uni, harmonieux, que l'auteur analyse dans ses moindres fibres pour en reveler aujourd'hui l'emiettement. La France, ce pays de cocagne, terre benie des 30 Glorieuses, a bascule lentement, vers une forme d'enfer moderne : morcelee, traversee de fractures profondes, incapable de retrouver le ton unisson qui faisait jadis sa force. Fourquet met le doigt sur tous les maux de notre societe. Rien ne lui echappe : les mutations religieuses et culturelles, l'effondrement des grands recits collectifs, l'isolement croissant des territoires, l'eloignement des elites, la proliferation des communautes qui se juxtaposent sans se comprendre. Le lecteur chemine de graphiques en tableaux, de statistiques en cartes, et dans cette profusion d'elements chiffres se dessine peu à peu une evidence : la France n'est plus une nation unie mais un archipel, une constellation de petites iles plus ou moins reliees entre elles.
Ce qui frappe surtout, c'est la finesse de la methode. Fourquet descend jusque dans le detail des patronymes, des prenoms donnes, des habitudes regionales, des votes au niveau communal : comme un entomologiste, il observe patiemment chaque echantillon pour mieux en deduire la grande loi.
Un livre très intéressant qui m'a redonné goût à la politique et m'a apporté beaucoup de recul sur la situation de la population française. En 2023, 6 ans après la première élection d'Emmanuel Macron et l'effondrement du cadre politique traditionnel, la France n'a jamais été aussi divisée. L'auteur commence par évoquer la matrice catholique qui a jusque dans les années 70-80 participé à l'unicité de la société française. Puis, il évoque, avec des données précises, l'archipellisation de la société de ces 40 dernières années et ces conséquences sur la sphère politique. Un ouvrage que je recommande à quiconque souhaitant mieux comprendre comment nous en sommes arrivés là, avant de tenter se soigner la société française, il vaut mieux comprendre ses maux.
Je retiendrai notamment la division entre les gagnants et les perdants de la mondialisation (représentant les votants pour Emmanuel Macron Vs les autres)
Cet essai de quelque 500 pages se dévore comme un roman.Outre ses propres recherches, l'auteur rend compte, et c'est une dimension intéressante du livre, des travaux d'Emmanuel Todd, d'Hervé Le Bras, de Christophe Guilluy et d'autres, ce qui rend le document particulièrement riche. L'hypothèse de base, alimentée par plusieurs recherches, est celle d'un éclatement de la société française, après la perte d'influence des deux grandes croyances structurantes qu'étaient le catholicisme et le communisme, entre plusieurs "tribus" désormais dotées chacune de leurs prénoms (une dimension importante, peut-être un peu survalorisée - le choix d'un prénom issu de la culture d'origine pour les enfants n'est pas nécessairement un refus d'intégration), de leurs zones de circulation, de leurs médias, de leurs informations et de leurs valeurs...Ces différentes tribus finissent par se retrouver, sans que cela ait l'effet institutif des anciennes "églises " d'autrefois, de part et d'autre d'un clivage entre "cosmopolites-optimistes" et "enracinés- pessimistes". Certains exemples sont particulièrement frappants (la carte des prénoms issus des séries américaines recoupant celle de la France qui vote RN : la géographie du déclassement). Vraiment, on admire... ce livre m'a enfin fait admettre que oui, je vivais dans un microcosme très peu ouvert sur d'autres milieux, ce que je niais jusqu'à présent avec constance.
Quelques reproches, s'il faut en faire : l'hypothèse initiale implicite d'une France autrefois unie, ce qui est sans doute loin d'être le cas : de fortes différences de niveau d'instruction et de fortune , ainsi que de robustes préjugés dressaient sans doute des frontières entre les mondes. La structure un peu "en entonnoir", ensuite : très large au début, le propos se centre ensuite sur une étude géographique très fine du résultat des élections de 2017, vue comme le résultat et l'illustration du processus : certes, mais ça perd en portée et cela "date" un peu cette réflexion qui aurait pu se vouloir plus durable. En troisième lieu, les processus sont présentés comme résultant de causalités linéaires, alors que des boucles de rétroaction sont en réalité à l'oeuvre (une évolution sociétale conduit à un changement de loi qui accélère à son tour la mutation) - elles sont admises, mais du bout des lèvres Enfin, le vote écologiste est complètement passé sous silence, peut-être parce qu'il sert moins la démonstration, alors qu'il constitue tout de même une donnée majeure et structurante de l'évolution de la société française..
Fourquet draws from disparate statistical examples (diversity of names chosen for newborns, church attendance, dwindling viewership of 8pm news etc) to paint a vivid picture of a nation breaking down into ever smaller and more isolated communities.
Most convincing is the explosion of the twin pillars that have structured french society throughout most of the 20th century: the Catholic church and the Communist party.
Slightly disturbing read that suggests a nation that has failed to cope with mass migration and hasn't found new organizing principles to facilitate the Vivre ensemble.
Très bon livre sur la situation française. Le livre prouve, via un ensemble de faits et d’interprétations, le phénomène d’archipelisation en France. Les analyses sont très pertinentes parfois un peu trop descriptives (pas besoin je trouve de commenter tous les graphes ou cartes tellement elles transmirent la clarté).
Un livre très détaillé sur la situation politique en France post élections de 2017, avec une plongée profonde dans les causes (changements des mentalités, moins de consommation de vin, moins de fréquentation des églises, retour à certaines valeurs conservatrices, etc, etc.).
Le style est parfois lourd et la tonne d’informations est parfois dure à digérer. Mais le propos est fascinant!
Travail très documenté et qui présente de manière convaincante les évolutions récentes de la société française. J'ai juste trouvé que certains raisonnements n'étaient pas assez démontrés et que la conclusion est faible. Mais, globalement, à lire.
description intéressante des dynamiques ayant lieu dans le corps électoral français et leur explication. A voir si les conclusions tirées sont les bonnes