« Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison », disait Albert Camus, et nous sommes nombreux à ressentir la même chose aujourd’hui, tant l’air devient proprement irrespirable. Les réseaux sociaux sont un théâtre d’ombres où le débat est souvent remplacé par l’invective : chacun, craignant d’y rencontrer un contradicteur, préfère traquer cent ennemis. Au-delà même de Twitter ou de Facebook, le champ intellectuel et politique se confond avec un champ de bataille où tous les coups sont permis. Partout de féroces prêcheurs préfèrent attiser les haines plutôt qu’éclairer les esprits.Avec ce livre, Jean Birnbaum veut apporter du réconfort à toutes les femmes, tous les hommes qui refusent la «brutalisation» de notre débat public et qui veulent préserver l’espace d’une discussion aussi franche qu’argumentée. Pour cela, il relit les textes de quelques intellectuels et écrivains qui ne se sont jamais contentés d’opposer l’idéologie à l’idéologie, les slogans aux slogans. Renouer avec Albert Camus, George Orwell, Hannah Arendt, Raymond Aron, Georges Bernanos, Germaine Tillion ou encore Roland Barthes, ce n’est pas seulement trouver refuge auprès de figures aimées, qui permettent de tenir bon, de se tenir bien. C’est surtout retrouver l’espoir et la capacité de proclamer ceci : dans le brouhaha des évidences, il n’y a pas plus radical que la nuance.
Je suis en désaccord avec les positions de l’auteur. J’ai entamé ce livre dans l’espoir qu’il m’aiderait à adoucir mes propres opinions, parfois radicales, mais cela n’a pas été le cas.
Dès les premières pages, j’ai eu l’impression de lire une variation étirée à l’extrême de l’argument "on ne peut plus rien dire". Cette impression était difficile à surmonter, mais j’ai voulu laisser une chance au livre. Quelques chapitres plus tard, l’idée que "l’on doit pouvoir rire de tout" revient, étirée cette fois sur plusieurs pages. Je ne partage pas cette vision. Dire que le nazisme n’est qu’une bêtise me semble minimiser la complexité et la gravité des systèmes de domination qu’il incarnait (et incarne encore d'ailleurs). Et j’avoue que l’idée de "rire de la Shoah" (sic) me met mal à l’aise. Je m’étonne qu’un journaliste sous-estime ainsi l’impact des mots et leurs implications.
À mes yeux, la nuance est un luxe que seuls les plus privilégiés peuvent se permettre. Du point de vue des opprimés, la nuance n’est qu’une énième prise de position pour le plus fort. La nuance des climatosceptiques est-elle héroïque ? La nuance des nombreux hommes qui remettent en question la parole des femmes violées est-elle héroïque ?
L’auteur loue la nuance, mais omet de confronter ses propres opinions aux arguments contraires, ce que je trouve paradoxal. Par exemple, il n’aborde jamais le paradoxe de la tolérance, pourtant essentiel dans ce débat, et qui pourrait remettre en question une grande partie de son propos.
Pour l’auteur, la nuance est, en effet, tout à fait profitable car elle permet le maintien du statut quo. La nuance n’est héroïque qu’aux yeux de ceux auxquels elle bénéficie, une minorité dont l’auteur fait partie : les hommes blancs cis et privilégiés.
Le courage de la nuance est le courage du dialogue. Le courage d'une intelligence qui possède la lucidité de reconnaître ses limites et son incapacité à détenir La Vérité, et qui a besoin du dialogue pour s'épanouir.
Dialogue rompu dans nos civilisations contemporaines, alors que la liberté d'expression est chaque jour malmenée, que les clivages politiques, sociaux et idéologiques se renforcent quotidiennement, et que nous voyons l'avènement de tabous après qu'une certaine classe politique a fait de la morale son arme de prédilection ces quatre dernières décennies. Tabous qui ne peuvent être transgressés sans courir le risque d'être accusé de "faire le jeu de" ou pire d'être marqué du fer rouge du racisme, du sexisme, du fascisme, de la réaction, du gauchisme, de l'embourgeoisement, etc.
Cette rupture du dialogue, ainsi que de la franchise, de la fraternité et du sens de la modération qui y président, est un signal d'alarme pour Jean Birnbaum (et devrait l'être pour nous tous). Les totalitarismes se distinguent en cela qu'ils criminalisent les mots, la liberté d'expression, pour mieux taire les opinions et tuer la pensée.
C'est ce devoir de vigilance que l'auteur nous rappelle, dans la continuité de l'héritage légué par les auteurs résistants/Résistants qui émaillent cet ouvrage. "Avant de juger, commençons par saisir le réel dans ses contradictions. Cela signifie non pas accepter, mais décrire le monde tel qu'il est." (Aron) Urgence d'éviter de confondre le Vrai avec le Bien et la politique avec la morale. " Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison." (Camus) Urgence d'aborder les sujets dans leur complexité. "On ne se méfie jamais assez de soi-même ; l'inconnu, c'est encore et toujours notre âme." (Bernanos) Urgence de reconnaître en soi sa part d'ombre (et ses opinions biaisées) "C'est seulement parce que je peux parler avec les autres que je peux également parler avec moi-même, c'est à dire penser." (Arendt) Urgence de reconnaître l'Autre. "Il faut écraser les grands criminels politiques : et les écraser sous le ridicule." (Arendt encore) Urgence de renouer avec l'humour. "Parler de liberté n'a de sens qu'à condition de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre." (Orwell) Urgence d'un journalisme de la confiance et de l'exigence, loin de la flatterie et de la démagogie qui visent à fidéliser les lecteurs en les confortant dans leurs opinions. Urgence à sortir de la facilité, de la servilité et de la médiocrité.
C'était au siècle dernier. L'être humain n'a pas changé depuis. Espérons échapper aux répétitions. Ayons le courage de la nuance.
Una serie di ritratti di letterati e pensatori (da Camus a Bernanos, da Harendt a Barthes) definiti dall'autore "marginali", nel senso che si ritrovarono a uscire dai loro gruppi di riferimento, o a esserne esclusi. Ritratti che confortano chi, come me, si sente afflitto come Jean Renoir in "La regola del gioco" (quello che è terribile su questa terra è che ognuno ha le sue ragioni), per cui sì, si prende posizione anche netta, ma con la sensazione che chi sta dall'altra parte "ha le sue ragioni", e per questo è importante avere il "coraggio della sfumatura".
Chaque opinion détient sa part de vérité et chaque débat est la réunion d'un flot de pensées aussi diverses que divergentes.
Ce livre nous avertit de la possibilité de réfléchir dans une position plus omnisciente et plus claire sur les sujets, sur les mouvements et sur les partis constituant notre monde et notre environnement.
Être dans la nuance, avoir le courage de voir au-delà de nos propres convictions, de nos propres croyances et de nos propres idées est un réel combat entre nous, nos angoisses de ne pas correspondre à un groupe et nos désirs de compréhension voire d'union.
Entendre toutes les pensées est une chose mais les considérer et savoir les traiter avec justesse est une autre histoire.
Ce bouquin est un véritable coup de cœur voire une consolation car rares sont les auteurs pensant librement ainsi.
Une première pour ce genre de livre ! J’ai beaucoup apprécié en découvrir un peu chaque jour et la forme du livre qui traite auteurs par auteurs. Le sujet me parle et j’y avais déjà pensé bien avant. C’est une vrai problématique actuelle et ce livre m’a rassuré. Je trouve que parfois c’est un peu répétitif puisque finalement le sujet principal tourne en rond. Mais le fait d’ajouter des informations historiques sur les personnages apporte à ma culture générale et divertit. Aussi, le passage sur l’importance de l’humour m’a marqué. Pas facile à lire mais enrichissant.
Un essai assez court (voire trop court) qui revient sur plusieurs écrivains ou philosophes qui défendaient le choix de la nuance comme une capacité au dialogue et un refus du sectarisme, de l’affrontement obtus, du jusqu’au boutisme - certains comme Germaine Tillion ont été critiqués (par Simone de Beauvoir par exemple) pour leur tiédeur voire leur lâcheté là où ils étaient simplement dans la recherche de la compréhension mutuelle.
Je n’ai pas très bien compris le propos de l’auteur ni sa manière d’arriver à une conclusion. Aucune définition de la nuance, des descriptions d’auteurs choisis pour des raisons incompréhensibles (pourquoi pas d’autres ?) Quelques phrases intéressantes cependant. Un titre qui ne tient pas ses promesses en tout cas
L'essai dont j'avais besoin pour mettre en perspective la nuance, comparé à la radicalité. Après ces dernières années (depuis 2020) très clivantes, cet essai de Jeqn Birnbaum (que je découvre) m'as offert un riche panorama de pensées d'intellectuel·les marginalisés par leur façon de vivre et voir la nuance. Un ouvrage à considérer quand on se sent coincé dans une idéologie.
Très belle ouvrage. On pourra souligner la difficulté a lire le plan, à retirer l'argumentaire. Mais on ne pourra pas lui enlever le périple qu'il nous fait faire auprès de grandes figure de la littérature. Plus qu'une dissertation qui répond a une question, j'y vois un voyage dans une époque, dans des vies, qui s'accompagne d'une ouverture sur ou se situe réellement la nuance.
J'ai bien aimé cette compilation d'auteurs et de penseurs qui ont appris par l'expérience l'importance des mots. Je retiens cette idée de Camus qui me paraît clairvoyante "Pour sortir de la solitude, il faut parler. Mais il faut parler franc."
Je ne sais pas trop quoi en penser. Certains chapitre on était plus simple à lire que d'autre. J'ai particulièrement aimé celui sur Tillion, Bernanos et Orwell. J'ai d'ailleurs envie de lire 1984, donc je suppose que ce n'était pas une lecture perdue.