Invités à s’exprimer au travers d’entretiens littéraires, les écrivains ont tendance à se réinventer une identité et un parcours. Déformation professionnelle ? Pas seulement : vu de plus près, on découvre qu’ils tendent tous à se rapprocher d’une image préexistante et légendaire de l’écrivain, et qui les légitimera. En étudiant les parcours respectifs des trois immenses romanciers américains que sont John Steinbeck, Ernest Hemingway et William Faulkner, l’auteure soulève le voile de la légende pour donner une description concrète de ces trois vies d’écrivains professionnels : les débuts, l’entrée dans la carrière, les succès, les échecs, les récompenses, les livres écrits les uns après les autres, l’organisation d’une vie privée qui facilite ou non cette vocation passionnée. Julia Kerninon met au jour la vie de labeur, de stratégie, de solitude et d’orgueil qui est la réalité de l’écrivain professionnel. Au-delà de la légende fascinante de l’écrivain en artiste incontrôlable et chaotique se cache la vérité d’un travail acharné et réfléchi, accompli dans le plus grand sérieux, envers et contre tous.
Julia Kerninon est née en 1987 à Nantes, où elle vit. Elle est docteure en lettres, spécialiste de littérature américaine. Elle s’est fait remarquer dès son premier roman, Buvard (2014), qui a reçu notamment le prix Françoise-Sagan.
Trois livres vont suivre aux Éditions du Rouergue, dans lesquels elle affirme son talent et déroule son principal thème de prédilection, la complexité du sentiment amoureux.
Je ne pourrai pas cesser de regretter que l'autrice ait concentré sa recherche sur des auteurs hommes uniquement. Je comprends que c'était le champ de recherche de sa thèse, sur laquelle l'ouvrage est basé, donc j'en fais mon deuil. Mais quand même : qu'est-ce que j'aurais aimé avoir quelques pistes venues d'autrices !
Cela - cette étoile en moins - mis à part : un ouvrage extrêmement bien documenté, dans un style fluide qui est certes savant mais pas trop verbeux donc quand même accessible pour mon cerveau réduit en compote par un an de pandémie, et un sujet qui m'a fascinée. J'y ai soulevé plein de pistes d'interrogation sur mon propre statut d'écrivaine, ma manière de travailler et d'en parler, et d'autres liées au genre et à la classe de l'écriture me sont venues aussi. Kerninon achève son ouvrage en demandant ce qu'est un chef-d'oeuvre, "sinon un travail accompli avec une telle grâce que toute trace d'effort en a été magiquement effacée ?". J'ajoute, qu'est-ce qu'un bon essai, sinon un qui donne des éponses aux questions qu'on avait en l'ouvrant, mais surtout, nous donne de nouvelles questions à se poser par la suite ?
J’avais hâte de le lire car j’ai eu la chance de rencontrer l’écrivaine et elle avait parlé de sa thèse sur les écrivains américains et la légende qui entoure leur métier. Est-ce un métier ? Ce texte revient son sujet de recherche et comment elle-même en racontant son épiphanie construit sa propre légende. Elle réalise vite que les écrivains réécrivent leur histoire lors des interviews. Hemingway, Faulkner et Steinbeck sont mis en avant et c’est passionnant si comme moi vous avez toujours aimé voir les écrivains dans leur lieu de travail, les écouter parler de leur méthode sans jamais évidemment dévoiler leur secret. Et première fois (depuis mes études) que j’ose souligner et écrire dans un livre ! Et il m’a évidemment furieusement donné envie d’aller lire toutes leurs œuvres. Merci Julia.