«Elle est belle. Elle est en Italie. Elle ne pense pas à toi. Le jour de son arrivée, elle ne te verra pas. Tu le sais. Je lui donnerai ma vie. Elle s’en fout. Elle sera dans la ville mais tu ne le sauras pas. C’est abominable. Je la tuerai. J’embrasserai ses deux mains que je rapprocherai. Elles ne sont pas plus intelligentes que moi, ses mains. Je reviendrai devant son immeuble. Le garçon de café lui parle. Le coiffeur touche ses cheveux. Écrasez-moi, Madame…»
Violette Leduc was born in Arras, Pas de Calais, France, the illegitimate daughter of a servant girl, Berthe. In Valenciennes, the young Violette spent most of her childhood suffering from an ugly self-image and from her mother's hostility and overprotectiveness.
Her formal education, begun in 1913, was interrupted by World War I. After the war, she went to a boarding school, the Collège de Douai, where she experienced lesbian affairs with a classmate and a music instructor who was fired over the incident.
In 1926, Leduc moved to Paris and enrolled in the Lycée Racine. That same year, she failed her baccalaureate exam and began working as a telephone operator and secretary at Plon publishers.
In 1932 she met Maurice Sachs and Simone de Beauvoir, who encouraged her to write. Her first novel L'Asphyxie (In the Prison of Her Skin) was published by Albert Camus for Éditions Gallimard and earned her praise from Jean-Paul Sartre, Jean Cocteau and Jean Genet.
Leduc's best-known book, the memoir La Bâtarde, was published in 1964. It nearly won the Prix Goncourt and quickly became a bestseller. She went on to write eight more books, including La Folie en tête (Mad in Pursuit), the second part of her literary autobiography.
L'affamée, paru en 1948, est un roman largement autobiographique, dans lequel Violette Leduc (1907-1972) expose son amour admiratif et passionné pour Simone de Beauvoir, un amour un peu malheureux et sans doute pas aussi bien partagé qu'elle l'aurait voulu. Sa vigueur lui cause bien des tourments, ainsi qu'elle l'expose dans cette longue méditation qui semble émerger d'un demi-sommeil, celui du manque, de la faim, de la fébrilité et du trouble des passions.
Normalement, je n'aime pas beaucoup ces romans faits de juxtapositions de phrases sujet-verbe-complément, au présent de l'indicatif, sans subordonnées, sans conjonctions de coordination, et qui suivent un fil appartement incohérent: je trouve ça parfaitement horripilant! On a l'impression désagréable d'être dans la tête d'un fou ou d'un idiot.
Mais dans la mesure où il s'agit ici de décrire les effets de l'amour, des dégâts que cette passion provoque dans l'esprit, des transports désordonnés qu'elle inspire, ça s'y prête plutôt bien, et je me suis surpris à être happé par la narration du début jusqu'à la fin. Le livre regorge d'images frappantes et vives, qui tiennent en haleine le lecteur.
« L’Affamée est la description de l’Amour », est-il marqué sur la quatrième de couverture. Non. Les mots de Violette Leduc ne racontent pas l’Amour, en tout cas je ne les ai pas perçus de cette façon.
L’Affamée est la description d’une dépression. D’une rupture. D’un amour non réciproque. D’une haine de soi. D’hallucinations engendrées par ce mal-être. D’isolation. De mal-être qui se répand partout, sur les murs de la ville, sur les plantes, sur la personne aimée, sur soi.
Le rythme du roman est saccadé, l’autrice est affamée par cet amour obsessionnel qui l’absorbe complément et dont elle s’imagine tout.
L’Amour est beau, l’Amour peut faire mal tant il est beau (a Scorpio speaking, am I right?). Ce récit n’est pas beau, il est dur. Il faut se sentir prêt•e à le lire, se sentir bien, même. Au risque de s’enfoncer. L’écriture est belle à sa façon, tragiquement poétique.
💭 Je citerai bien tous les mots de Violette cependant…
« Je la revois : les vagues étirent plus près de moi leur lyrisme, le feu monte jusque dans ma chevelure, le pain tendre éclaté et se montre. Mais je ne peux pas me rafraîchir, me réchauffer, me nourrir. A côté d’elle, je meurs de soif, de froid, de faim. Elle est libre, libre. Je me suis liée à elle. Je suis mon affameur. »
« Me promener avec mon visage comme avec un sceptre. Ne pas le renier. L’imposer. Hélas ! il faut passer par lui pour atteindre l’âme. »
« Elle arrivera, elle délogera celle que j’ai créée pendant des mois. J’expulserai, je foudroierai une absente que j’hébergeais. Cette absente disparaîtra comme une bulle de savon. Elle entrera dans le café. Elle ne me verra pas. »
« Mon visage est impardonnable. Ma laideur l’isolera jusqu’à la mort. Je recommencerai seule les journées. Ne pas faiblir. Je me détourne vite de la laideur d’un autre parce que la fraternité est trop cuisante. »
« Elle est revenue, elle est repartie. Serrez-vous un peu, les morts. J’ai besoin de ma petite place. »
Dans ce livre, l'écrivaine crie son amour éperdu pour une personne qui reste inconnue jusqu'à la fin. Elle l'encense naturellement, la mettant sur un piédestal, et c'est tout juste si elle ne se considère pas comme inférieure à elle. C'est un beau roman d'amour, avec une sincérité et une force de récit incomparables.
Quelques passages marquants, des phrases par-ci par-là qui bouleversent, qui résonnent. Elle me force à m’imaginer des situations, des plantes, des déchets, des personnes de manière insensée, absurde. Ça me force le cerveau, le tort. Elle me matrixe. Et en même temps, je comprends le côté pathétique de soi-même et de vivre uniquement pour des personnes solaires, vivre de leur absence.
"[...] Lei è ovunque in ogni momento ma io l'ho perduta. Ceno con lei ma è un'apparizione seguita da un rapimento. La grande voce senza tono mi dice che devo assolutamente rinunciare a lei. Talvolta questa voce mi assilla. Non le obbedirò. Sono giunta al momento della germinazione. L'evento si svilupperà ancora [...]".
C’est bien aussi, hein, quand les livres sont autre chose qu’un assemblage sans queue ni tête de jolies phrases… n’en déplaisent aux girls du XXème…
Ce que je peux dire c’est que chaque phrase valait vraiment le coup d’être mâchouillée comme une belle feuille de menthe - mais à force, ça donnait quand même un peu envie de gerber.
Si je ne devais garder que un seul livre parce que ma maison brûlait, je garderais celui là. Violette tu mérites mieux chouchoute (et arrête d'être relatable)