Caillasses, c’est un Big Bang existentiel, une poésie à la criée, un battement de cœur. Avec son premier recueil de poèmes, Joëlle Sambi tisse une étoffe. Elle assure la protection des vivants et le passage des mots. Une plume affilée, aussi profonde et pleine que la forêt équatoriale. Tel un manifeste poético-politique, elle y déploie les cicatrices d’un corps-âme mâtiné de violences raciales, sexistes et homophobes. Sa langue se pare de mille éclairs afin de partager les raisins mûrs de la colère.
Auteure, poétesse, slameuse et bientôt réalisatrice, Joëlle Sambi Nzeba est née à Bruxelles. A 5 ans, elle suit sa famille qui s’installe à Kinshasa où elle grandit. En 2001, elle rentre en Belgique et y poursuit des études de journalisme à l’Université Libre de Bruxelles. Ses textes connaîtront un premier succès en 2003 avec Je ne sais pas rêver (3e prix du concours d’écriture organisé par l’ASBL Texto). En 2005, elle occupe la 2e place du Prix du Jeune Ecrivain Francophone pour son Religion ya Kitendi. Le Monde est Gueule de Chèvre, son premier roman, est paru aux éditions Biliki en 2007. Un nouveau roman, ainsi qu’un film documentaire P!nkshasa Diaspora, sont en gestation.
Personnalité kaléïdoscopique, Joëlle Sambi est un geyser permanent. Elle fait jaillir de son cerveau et de son âme des mots qui bousculent, émeuvent, détonnent, décapent et interrogent. Elle les travaille du bout des doigts et de la langue pour les partager sous forme de livres, de spectacles de slams, de films, d’ateliers, bref, de poésie en tout cas. Icône artistique montante de la scène belge, elle livre dans cette capsule un témoignage qui remue et questionne de façon diagonale une multitude de thèmes : le slam comme arme poétique, l’éducation permanente en Belgique ou encore l’homosexualité dans la diaspora congolaise. Bienvenus dans le système solaire de Joëlle Sambi, où les slams célestes tournent autour d’une poésie résolument politique.
Difficile d'écrire sur de la poésie contemporaine, plus encore quand presque trois semaines se sont écoulées après la lecture. Voici ce qu'il en reste !
C'est un texte fort entre poésie et slam, j'ai d'ailleurs éprouvé le besoin de l'oralité à certains moments pour entendre la langue qui claque, qui vibre, qui crie, murmure ou revendique.
Un recueil en trois parties autobiographique, très personnel me semble-t-il. Revendicatif, exprimant la colère, les cris ou l'amour en réponse à la violence.
La première dénonce la colère, la violence des non-dits des appartenances raciales ou sexuelles, la minorité congolaise par exemple ou le rejet et l'intolérance des genres et des sexes. Joëlle Sambi revendique sa sexualité, lesbienne féministe engagée, slameuse, elle mène par sa plume et sa voi.x.e un combat collectif, militant dans la lignée de Black Lives Matter pour défendre le droit de l'égalité des sexe(s), des minorités non respectées par le colonialisme et le suprématisme.
La seconde partie c'est exister, trouver une place dans ce monde, vaincre encore les préjugés, arrêter de toujours subir au travail, de correspondre à une certaine vision de la société. Elle aborde les minorités du Congo son pays d'origine, dénonce le racisme mais aussi le sort des Sans-papiers. C'est sans tabou qu'elle parle de sa sexualité et dénonce l'homophobie.
La troisième partie est plus optimiste et parle d'amour, d'acceptation. Aimer c'est souffrir, c'est parfois une douleur immense mais l'on vit avec. J'ai particulièrement aimé "Soeur".
Une plume acérée, profonde, magnifique qui dénonce avec poésie les maux de notre société.
Il y a encore beaucoup à en dire, le mieux c'est de le découvrir.
Ma note : 9.5/10 ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
La question qui me taraude est : où est-on lorsqu'on n'est pas là ?
Nos existences tout entières sont des révolutions, nos vies des poings serrés, nos voix, colères orageuses, crient "non"
Nos vies, toutes nos existences de sable et de trous, se décomposent comme s'effrittent les murs des prisons.
Il ne peut être question de paix sans justice La paix est une illusion en Belgique La justice, une inconnue Que dire de l'amour, alors ?
De quoi avons-nous besoin aujourd'hui? Congolaise? Belgo-Congolaise ? Belge d'Afrique du Nord? Racisée vivant en Belgique ? que ça pète; Que ça explose. Que la rouille oxyde les chaînes du racisme, de l'antisémitisme, du capitalisme, du sexisme, de la lesbophobie. NOUS, nous avons la mémoire aussi longue que la multitude des violences sur nos corps.
Ce n'est pas mourir qui me dérange, c'est de crever comme un chien à l'indifférence royale du monde Même les chiens meurent en paix. Ce n'est pas partir qui me fait peur, c'est de ne jamais sentir sur ma peau le souffle léger du vent qui tourne face à l'impossible
Aimer c'est plonger ses doigts dans ses propres faiblesses, construire son malheur, volontairement. C'est bâtir ses contradictions comme sa potence. Mais elle avait choisi de l'aimer, de perdre la bataille et la guerre.
Ce n'est pas passer qui fait frémir de froid. Ce n'est pas frémir mais l'oubli. Mourir c'est oublier. Ce n'est pas mourir qui est effrayant, c'est de vivre seul. La solitude n'est pas l'absence d'amour et de cul, c'est l'absence des regards.
Très belle plume. Je ne sais pas trop quoi commenter de plus sur de la poésie. Ce recueil m'a beaucoup plu, beaucoup touchée et je suis très heureuse de l'avoir trouvé.
Deux citations, parmi des dizaines qui m'ont parlée : "Je n'ai pas écrit l'histoire. Comme vous, je la subis"
"Le jour d'après, c'est maintenant C'est aujourd'hui On met le feu On fait péter Ça va saigner !"