Espagne, années 1930. Des paysans s’éreintent dans les rizières du delta de l’Èbre pour le compte de l’impitoyable Marquise. Parmi eux grandit Toya, gamine ensauvagée qui connaît les parages comme sa poche. Mais le pays gronde, partout la lutte pour l’émancipation sociale fait rage. Jusqu’à gagner ce bout de terre que la Guerre civile s’apprête à faire basculer. De son écriture habitée par la sensualité de la nature, Laurine Roux nous conte, dans L’Autre Moitié du monde, l’épopée d’une adolescente, d’un pays, d’une époque où l’espoir fou croise les désenchantements les plus féroces. Une histoire d’amour, de haine et de mort.
"Elle a son chagrin en héritage. Alors elle se met à le soigner, mange et boit ce qu'il faut pour tenir. Elle devient la gardienne du souvenir. Tant qu'elle existera, tant qu'elle pleurera les siens, ils n'auront pas complètement disparu."
Une baffe littéraire. Une histoire prenante portée par une langue incroyable.
Toya, adolescente que les prémices de la Guerre d'Espagne vont bientôt percuter, évolue dans le delta de l'Èbre auprès de sa mère, cuisinière de la Marquise et de son père, fermier pour le Marquis. Tout le village obéit au couple et subit sans parvenir à se révolter la violence crue et cruelle de leur fils, Carlos. Le rapport au monde de Toya est sensoriel, ce que l'écriture retranscrit avec une acuité folle. On respire le monde de Toya, on le sent sur notre peau et on l'entend. Son monde s'enrichit particulièrement lorsqu'arrive Horacio, l'instituteur. Il prend alors de l'épaisseur, les mots deviennent plus précis. Au fur et à mesure de la lecture, on voit les drames arriver, on ne peut les prévenir et on se retrouve, nous aussi, balayés par la violence des monarchistes.
J'ai été soufflée par les choix stylistiques de l'autrice. Les tournures et constructions de phrases sont poétiques, sans être pompeuses ou prétentieuses.
La lecture de ce livre a été vraiment poignant. Bien évidemment aussi triste, mais réel. Le style et très poétique et captivant. On peut créer un attachement aux personnages, surtout avec la protagoniste, Toya. Elle incarne l’amour, la force, aussi la mélancolie. Sans plus me détendre… cela a été une épopée de grande beauté au niveau littéraire, des personnages et d’histoire.
« Derrière chaque bouquet au bord de la route se tient un fantôme. Sa silhouette flotte en lisière, vie brumeuse dont on ne saura rien, à peine les derniers instants. Le reste, on peut uniquement l’imaginer: une maison non loin, quel » qu’un resté seul, une toile cirée avec des motifs, longtemps on a mis une assiette en trop. Chaque fois les mains ont frémi. Cela fait cet effet de toucher l’absence. » Comme les deux autres livres de Laurine Roux, L’autre moitié du monde est un récit d’une grande profondeur, superbement et poétiquement écrit, avec juste ce qu’il faut de jolis néologismes. Ce texte est avant tout un cri, le cri des laissés-pour-compte, des petites mains, de ceux qui travaillent la terre et n’obtiennent que quelques miettes, qui ne vivent pas, mais survivent, et dont les maîtres font ce qu’ils veulent, impunément… jusqu’au jour où les passions se déchaînent et où le vent de la rébellion se lève.
« Pourquoi n’auraient-ils pas droit, eux aussi, à un sort meilleur ? Quitte à donner un coup de fusil. Le soir, fourbissant leur rage, ils peinent à trouver le sommeil. Et le lendemain, la colère surgit au moment où ils s’y attendent le moins, devant le café noyé dans l’eau, ou au champ, quand ils se cassent le dos. » Roman historique, roman d’amour, hymne à la nature et à l’égalité, en plus de la liberté, L’autre moitié du monde est effroyable de vérité, terrible, mais surtout d’une beauté sans borne et un superbe hommage au pouvoir de la musique (que les dictatures attaquent souvent tout naturellement en premier...). Il nous rappelle la rage, la résignation, l’amertume, la frustration des exploités des Raisins de la colère quand elles se transforment en folles et légitimes espérances et en vagues de révolte, et tant d’autres combats acharnés pour arracher un peu de dignité et de justice. Le titre nous rappelle L’autre moitié du soleil dans lequel Chimamanda Ngozi Adichie, comme l’auteure, nous donne à voir comment l’Histoire bouleverse des vies, qui nous parle aussi de conflit, de mort et d’amour. Une tragédie (qui aboutira à une plus grande encore dans la répression féroce et la mise en place d’une dictature interminable) au goût âpre de vengeance et aux échos encore tellement actuels. Et qui nous donne à réfléchir comme la phrase de Rabelais : « La moitié du monde ne sait comment l’autre vit. ».
Livre formidable ! J’adore cette autrice et je vais avoir la chance de la rencontrer dans notre librairie: l’esprit livre. Elle change tout à fait d’univers et d’ambiance avec ce roman qui parle de la guerre civile en Espagne. Par contre, elle ne change pas d’écriture qui est toujours aussi poétique. Elle décrit la nature de façon incroyable. Quand elle parle du delta de l’Ebre on entend les sternes et on voit les anguilles. Un 3ème roman très réussi. À lire…
c’est vraiment dommage ! j’ai adoré toute la seconde moitié (c’est-à-dire les seconde et troisième parties) du roman mais le début m’a semblé beaucoup trop long et je peinais à avancer. ceci explique la note.
mais quelle poésie ! j’ai été saisie par la plume de Laurine Roux, très poétique, calme et surtout singulière. certains passages sont d’une violence extrême et l’on se surprend à apprécier les phrases qui les décrivent. d’autres sont si doux et mélodieux. on sent l’amour de l’autrice pour la musique et ce sont ces passages qui m’ont aussi beaucoup touchée ! j’ai corné de nombreuses pages et j’ai relu de nombreuses phrases tant c’était magnifique ! rien que pour ça, je relirai des romans de l’autrice (et des poèmes s’ils sont publiés). j’ai aussi grandement apprécié d’apprendre un peu moins d’une dizaine de mots durant ma lecture. c’est souvent quelque chose qui me plaît.
ce que j’ai tant apprécié dans cette seconde moitié, c’est l’importance que prend l’aspect historique (pour lequel je m’étais lancée dans le bouquin). ça m’a donné tellement envie de m’intéresser à ces groupuscules communistes et anarchistes qui s’opposent au franquisme en Espagne. c’est une période qui a l’air fascinante que pourtant je connais si peu.
je me suis attachée aux personnages. et surtout, j’ai adoré leurs prénoms. Toya, Luz… j’ai toujours une admiration pour les vieilles dames, reclues, inaccesibles et aux pouvoirs et à la sagesse immenses. et puis le choc des générations ! ça m’a tant plu
la chose que je regrette, en plus de la lenteur du début de l’histoire, bien que je comprenne qu’elle soit importante pour la suite, c’est l’histoire d’amour qui à mon sens surgit trop rapidement et m’a mise mal à l’aise au début, à cause de l’écart d’âge entre les deux amoureux.
« Luz contemple le visage décati offert aux cuivres de septembre - les rides, les poils disgracieux, la sécheresse des traits. Pourtant, ce que Toya Vásquez Montalbán est belle. Un caillou. Avec tous ses secrets tassés à l’intérieur. »
« Les fantômes, ils mangent des fleurs. Des fraîches. Sans quoi, ils meurent. Sans amour, les fantômes n’existeraient pas. Voilà ce que nous apprennent les bouquets au bord de la route. »
Roman historique intéressant qui, au travers de l'histoire d'une famille du Delta de l'Ebre , explique les origines de la guerre d'Espagne. Puis l'énorme espoir suscité par la rébellion du peuple contre une aristocratie féodale et enfin, la fin. La défaite, la perte des êtres chers... C'est écrit en trois temps, un peu comme une pièce de théâtre. Il y a l'avant, l'après et la scène principale où tout se joue.
Merveilleuse histoire de la révolte de paysans espagnols dans le delta de l’Ebre au moment de la guerre civile. La vie dans le delta présente à la fois la beauté des paysages, de la faune et de la flore, et la cruauté, l’arrogance des propriétaires qui ne font aucun cas de la vie des paysans même avant la guerre civile.
Au Château de la Marquise, le quotidien du "petit-peuple" est rude, et l'aristocrate ne fait rien pour faciliter les existences, que ce soit en sa demeure ou dans les rizières. Pilar, sa talentueuse cuisinière, est une des proies du Château où la Marquise et le petit Marquis lui mènent la vie dure. C'est dans cet environnement socialement sombre que Toya, sa fille, évolue parmi les couleurs et odeurs de la nature. La "petite sauvage", comme la surnomme sa mère, ne sait ni lire ni écrire, pourtant, elle a soif d'apprendre à vivre. Avec le temps et les épreuves, elle aura aussi soif de revanche, de liberté et de vengeance...
Toya, fille de Pilar et Juan, n'est qu'une enfant au début du roman. Luz est déjà une jeune fille lorsqu'elle entre dans l'histoire, une cinquantaine d'année plus tard (à la moitié du livre). Elle oscille entre révolution et botanique dans un pays où "Franco n'est pas De Gaulle"...
"Les anguilles cherchent toujours à retourner là où elles sont nées." Tout est dit ici... et Laurine Roux va nous expliquer pourquoi dans ces 250 pages.
J'ai eu des difficultés à entrer dans l'histoire. Il m'a manqué des références de dates et de lieux pour m'impliquer rapidement. On se demande "où et quand" on est avant que des indices ne surviennent. J'ai failli abandonner, heureusement que je n'avais rien d'autre sous la main avant la cinquantième page, car je serai passée à côté d'une belle découverte. J'ai ressenti peu d'attachement à Toya ou aux autres personnages avant la macabre découverte d'Alejandra (p43), puis l'entrée de la musique dans la vie de Toya (magistralement bien d-écrit !). Et je me suis vraiment complètement impliquée après la mort tragique d'un personnage secondaire fondamental, fondateur des actes et personnalités d'autres personnages, bien plus véhéments et tranchés... J'ai fini par rencontrer une foule de personnages mystérieux, sauvages, cruels, détachés, courageux, aussi emportés qu'emportant : très humains, donc...
Laurine Roux nous propose un roman historique, social, politique, engagé dans le passé et vers l'avenir, magistralement bien écrit. La tension monte progressivement sans que les horreurs ne soient clairement nommées. Les personnages se déploient au fil des pages. L'autrice explore les rapports inégaux entre le peuple et l'aristocratie mourante ; les paysans et gens de "peu de biens" qui se réveillent doucement après avoir tant courbé l'échine dans les rizières ; et enfin, l'avilissement des femmes pauvres et leurs combats pour s'en sortir.
Le style de Laurine Roux est impeccable, implacable. le vocabulaire précis, l'écriture travaillée, maîtrisée font de "L'autre moitié du monde" un roman exigeant pour une lecture intelligente et émotionnellement forte.
Nota : je trouve que la quatrième de couverture de la version poche ne correspond pas vraiment au contenu... j'ai été assez désarçonnée par cette présentation qui ne met pas en avant les qualités de l'histoire et du style à mon sens...
Nous voilà en Espagne, dans le delta de l'Ebre , nous sommes en 1931. Si la République est instaurée, si Alphonse XIII a quitté l'Espagne en "oubliant " d'abdiquer, les paysans du delta ne voient guère de changements dans leur vie. Ils sont pieds et poings liés à la Marquise qui possède la quasi totalité des terres et dirige de main de fer ses propriétés. Arrogante, imbue de sa caste elle exige... Quant à son fils Carlos c'est un monstre .. tojours accompagné par ses chiens il s'attaque à qui bouge et surtout aux femmes . Pilar la cuisinière est sa première victime. Juan son époux est impuissant et Pilar subit sans rien dire seule Toya leur fille va comprendre et sera impuissante à éviter le drame. La révolte couve, la révolte éclate .... Laurine Roux s'attache aux pas de Toya, cette jeune adolescente va découvrir le monde , l'injustice, l'amour et le désespoir. J'ai retrouvé avec énormément de plaisir la plume de l'auteure. Ses personnages sont criants de vérité , l'horreur est là , l'empathie aussi et bien sur la nature s'invite au fil des pages. Gros bémol: le manque flagrant de références historiques, de repères dans le temps et l'absence de toute bibliographie m'interrogent. Ce roman est il une simple fiction historique , des évènements plausibles mais imaginés par l'auteure ou reposent ils sur des faits historiques avérés? ps les dates que j'annonce sont pure supposition de ma part.
"Derrière chaque bouquet au bord de la route se tient un fantôme. Sa silhouette flotte en lisière, vie brumeuse dont on ne saura rien, à peine les derniers instants. Le reste, on peut uniquement l'imaginer : une maison non loin, quelqu'un resté seul, une toile cirée avec des motifs, longtemps on a mis une assiette en trop. Chaque fois les mains ont frémi. Cela fait cet effet de toucher l'absence."
Superbe livre qui relate l’histoire de l’Espagne dans les années 30. La Grande Histoire à travers celle d’une famille Toya, enfant, voir ses parents souffrir. Car les paysans se font exploiter par les châtelains qui croient avoir tous les droits sur eux. Mais la révolution gronde.
Magnifique histoire émouvante qui permet de comprendre les causes de la guerre civile espagnole. Une histoire qui donne de l'espoir sur les merveilles qui peuvent être accomplies quand des Hommes s'allient pour une cause.
Ce livre est une grande surprise. Quel travail ! Il m'a été recommandé lors d'un café littéraire. L'auteure, Laurine Roux, me captive par sa plume poétique et ses mots empreints de mélancolie. L'histoire me transporte en Espagne avant l'arrivée de Franco, avec un ton percutant et brut. Malgré sa brièveté, composée de seulement trois chapitres, le livre est dévoré avec enthousiasme et me laisse une impression durable. Les phrases en espagnol disséminées dans le récit ajoutent une dimension dépaysante et agréable, bien que leur absence de traduction puisse constituer un léger bémol pour certains. Mon attachement aux personnages est également profond, en particulier à Toya, une jeune fille qui incarne l'amour de la nature, la chasse et l'amour pour sa mère. Les paysans du village, victimes de l'injustice des aristocrates, suscitent également une grande empathie en moi. Mon désir de me battre à leurs côtés, de protéger leur cause et de lutter contre l'oppression se fait ressentir. Malgré l'ombre menaçante qui plane, l'histoire se déroule de manière authentique, magique, dramatique et mélancolique. En résumé, ce livre est une expérience captivante et émouvante, une épopée tragique d'une grande beauté. Mon avis détaillé : https://lesparaversdemillina.com/laut...
J'ai vraiment adoré ce roman que j'ai trouvé très poignant. Assez court, on est pourtant pleinement transporté dans le delta de l'Ebre aux côtés de Toya, de son histoire et des siens.