Le féminisme a produit bien plus qu'une dynamique d'égalisation des conditions féminine et masculine, il a profondément transformé nos sociétés occidentales en initiant un double processus de féminisation du social et de masculinisation de l'intime. Par-delà les mécanismes qui nourrissent les inégalités, les discriminations et les violences, il faut ainsi pouvoir repérer que nous sommes en train de vivre une mutation à l'échelle de l'histoire humaine : la convergence des genres se dessine qui annonce l'advenue d'un individu générique. Dans l'horizon d'un monde devenant neutre et égalitaire, la condition incarnée de nos existences revêt un nouveau sens. Affranchie des déterminismes tant naturels que culturels, la sexuation des corps se conçoit désormais au prisme de la singularité, comme un projet relevant de la libre volonté individuelle. Pour les femmes qui n'ont longtemps été que des corps, il s'agit d'éprouver une condition paradoxale, écartelée entre aliénation et libération. Analyser les modalités de l'expérience vécue du féminin, c'est alors définir ce dernier comme un rapport à soi, au monde et aux autres qui passe spécifiquement par le corps.
Objectif de l'avoir terminé avant de partir en vacances atteint ! 🥳
Un essai intéressant, très complet mais souvent redondant et très (trop ?) académique dans son écriture. Ce n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais dans cette collection, habituellement plus "grand public".
La partie historique était quelque chose que j'avais déjà lu, écrit de manière plus agréable ailleurs.
Les parties sur l'histoire de la place des femmes dans la psychanalyse m'a profondément ennuyée et a bien failli me perdre.
J'ai évidemment préféré la dernière partie où l'autrice incorporait son "je" à son analyse. C'était beaucoup plus fluide.
J'avoue avoir été un peu déçue par le caractère un peu "opaque" de cet essai (dans sa forme surtout) alors que j'aime beaucoup écouter l'autrice parler de ces différents sujets, habituellement.
(Et je suis habituée à lire des textes complexes/universitaires).
La Révolution du féminin est un excellent ouvrage qui consiste en trois parties. Les deux premières parties visent à restituer l'histoire de la pensée patriarcale depuis ses origines anciennes et la pensée féministe qui en est naguère apparue comme critique. Froidevaux-Metterie retrace les trois vagues du féminisme, la première réclamant une égalité politique des femmes avec les hommes en reconnaissance de leur contribution à la société en tant que mères et épouses, la deuxième réclamant une égalité économique et sexuelle des femmes, cette fois-ci non tout simplement en vue de leur valeur procréatrice mais en tant d'êtres humains. Ces deux vagues ont aboutit sur un monde « désexualisé », c'est-à-dire un monde où les qualités sexuelles de son corps ne justifient plus une assignation à un rôle déterminé dans la société.
Froidevaux-Metterie souligne que le corps n'a pourtant pas perdu son importance à celui ou celle qui l'habite, malgré que la troisième vague ait abandonné la catégorie de la femme en ne gardant que sa signification politique, à savoir « être assujetti », quel que ce soit. Ce nouveau féminisme ne s'intéresse qu'à l'analyse « intersectionnelle » du pouvoir à travers de multiples prismes, dont le sexe n'est qu'un parmi d'autres. C'est un travail important, certes, mais elle constate qu'il y a un autre travail que le féminisme contemporain a négligé en reproduisant la haine pérenne dans la pensée occidentale de la corporéité, celui de faire du sens du nouveau rapport à nos corps qui est désormais le nôtre, que nous soyons des hommes ou des femmes.
Pour Simone de Beauvoir, grande représentante de la deuxième vague, le corps de la femme était « le vecteur de l’aliénation par excellence » (438). Elle s'inscrit inconsciemment dans une longue tradition philosophique qui a réduit le corps à une prison à laquelle l'âme est confinée. Pour corriger ce mépris du corps, Froidevaux-Metterie s'inspire de la phénoménologie, qui développe ses idées à partir de l'expérience vécue du corps. Elle tente dans cet ouvrage une revalorisation du corps que la désexualisation récente du monde a rendu, peut-être pour la première fois dans l'histoire humaine, possible. Ce projet se constitue notamment de deux volets frappants, le souci esthétique et la maternité. Dans un premier temps, elle s'inspire de la pensée de Jacques Dewitte pour suggérer que l'ornement est une manière dont un organisme affirme sa singularité, et qu'il a donc une valeur ontologique qui dépasse celle de la simple reproduction (452). Dans un deuxième temps, elle suggère que les avances techniques et juridiques du XXe siècle ont transformé la grossesse d'épreuve subie en projet choisi de « construction culturelle » (p. 493, le terme vient de Kristeva).
En outre, bien qu'elle s'inspire de la psychanalyse féministe française (comme vous pouvez apercevoir dans les références à Kristeva), Froidevaux ne reprend pas l'essentialisme de celle-ci. Bien au contraire, elle soutient que le féminin n'est pas un aspect exclusif de l'existence féminine, mais une disposition qui se trouve chez tout être humain, « la disposition à se vivre comme un sujet incarné et relié aux autres » (502). Si les femmes ont depuis un demi-siècle franchi le monde du travail et découvert la disposition masculine qui dormait chez elles, c'est maintenant aux hommes de découvrir leur disposition féminine. Le masculin et le féminin n'étant plus des rôles assignés, ceux-ci sont devenus des « modalités de la construction identitaire à laquelle nous sommes tous confrontés » (514). Et dans cette confrontation, les femmes peuvent servir à nous hommes en tant que pionnières. Je recommande vivement ce livre à tous ceux qui s'intéressent à cette révolution qui a dérobé au sexe son rôle comme ornière imposée.
Ayant eu un second mail de rappel pour cette critique, je vais me lancer même si je réitère ma remarque sur le fait qu'un mois de délai pour un essai est un temps beaucoup trop court pour pouvoir terminer et digérer convenablement ce genre d'ouvrage et du coup en faire une critique constructive. Le hic ici pour moi c'est que dès les 50 premières pages je n'ai mais alors pas du tout accroché au ton de l'autrice dont j'ai trouvé le ton assez pédant (ce n'est que mes impressions personnelles), j'ai trouvé les "piques" à l'encontre de Simone de Beauvoir et du féminisme des années 1970 assez mal placées. Elle semble dès le départ s'ériger elle-même comme une référence du féminisme (ce qui tendrait à insinuer que Beauvoir est dépassée dans ses idées, un brin prétentieux quand même) et emploie un style extrêmement verbeux qui s'écoute parler. du coup, ça coince un peu pour moi et j'avais très peur en continuant de me retrouver devant une éloge du natalisme, d'un retour à la fonction "première" du corps de la femme, avis que je ne partage pas du tout. Devant cette crainte, je l'ai laissé en pause et décidé de me pencher sur d'autres essais sur le thème, pour lesquels j'ai beaucoup plus apprécié le style, ce qui m'a d'autant moins motivée à le reprendre. Merci néanmoins à Babelio et aux éditions Folio de m'avoir permis de découvrir ce titre. Je suis navrée de dire que c'est un joli flop-abandon mais peut-être d'autres personnes y trouveront-elles des éléments intéressants. Comme pour les chaussures, ce livre n'était pas à ma pointure. Dommage.