Avec un ami, Fabrice commence à peindre pour une église locale. Il tombe amoureux d’un jeune conscrit. Celui-ci devient son modèle dans un amour à sens unique. Rencontres d’un soir dans le parc local, relations codifiées des bars gays et précarité sociale se nourrissent les unes les autres pour empêcher toute possibilité d’épanouissement.
Je remercie Babelio et les éditions Delcourt pour l'envoi de ce roman graphique dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée.
Cette œuvre autobiographique en noir et blanc est divisée en 2 parties. La première, "Journal 1", raconte un chagrin d'amour, l'histoire que Fabrice Neaud a vécue avec Stéphane, qui l'a quitté. L'auteur, dessinateur et photographe portraitiste, continue à voir sporadiquement Stéphane, qui lui sert aussi de modèle. Ils se croisent au "café", bar à la clientèle homosexuelle. Stéphane est un homme volage qui collectionne les conquêtes pour le grand malheur de Fabrice qui l'aime toujours.
"Journal 2" est davantage consacré à la partie professionnelle de la vie de l'auteur, à ses débuts. Il montre la précarité de son métier de dessinateur mais aussi sa difficulté à s'épanouir dans sa vie amoureuse, n'ayant pas fait le deuil de son amour pour Stéphane.
L'auteur se dévoile comme un homme sensible et livre ses sensations de façon brute, par le dessin et les mots, mais j'ai trouvé finalement peu d'introspection, pour un ouvrage autobiographique. Les moments qui ont marqué sa vie de jeune homme en 1992-93 sont racontés et dessinés de façon linéaire. C'est sûrement la forme même choisie, le journal, qui exclut cette prise de distance. En outre, je m'interroge sur ce que les dessins, crus, de scènes intimes apportent finalement à l'œuvre... Bref, je n'ai pas particulièrement aimé. Ce livre n'était sans doute pas fait pour moi...
J'ai toutefois apprécié la postface, originale et intéressante, où l'auteur se représente, en novembre 2021 (soit 30 ans après les faits narrés dans son Journal 1 & 2). Il y explique le problème de droit à l'image que peut poser l'autobiographie dessinée, justifiant ainsi son hésitation à publier ses journaux.
Au début des années 1990, Fabrice Neaud décide de dessiner son journal intime sous la forme d'une BD. Poussé par un de ses amis, il décide de la réalise au plus près des évènements retranscrits, pour éviter de se distancer des évènements, de prendre du recul. À l'époque, il sort des Beaux-Arts, il a deux trois missions d'artiste ici ou là, mais il n'est pas assez payé et galère au jour le jour. Le soir, il sort dans le seul bar gay de la ville moyenne où il habite, et tard dans la nuit, il va au parc pour du cruising. On y suit son quotidien de manière honnête, brute, et sans pudeur.
Le dessin en noir et blanc est super réaliste et très beau. Au fil des chapitres de taille inégale, on suit les interrogations de l'auteur. Dans le Journal 1, il rencontre Stéphane et tombe directement amoureux, mais celui-ci le rejette d'emblée. Il décrit, assez courageusement, la façon dont il s'humilie à essayer de le conquérir. Dans le Journal 2, on suit plutôt ses difficultés professionnelles. L'auteur est jeune mais sûr de lui, il a ses idées bien tranchées, mais ça ne l'empêche pas de se questionner sur l'amour ou l'art et c'est toujours assez passionnant à suivre, qu'on soit d'accord ou non avec ses points de vue.
On trouve des pages vraiment intéressantes sur le rapport de l'autobiographe avec la bande-dessinée : s'il dessine les personnages qu'il a rencontré (par ex. les mecs qu'il a croisé au parc), qu'en est-il du droit à l'image ? Dans la postface, l'auteur se représente vingt ans après et il nous explique toute la difficulté que cette controverse lui a causé, et qui a engendré des années de dépression. Ça donne envie de lire la suite de ce journal pour en savoir plus (même s'il annonce que son journal ne couvre pas vraiment cette période).