Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c’est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c’est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd’hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s’appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l’argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage – à l’opposé de sa créatrice qui fuira « l’homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l’académie Goncourt – elle qui n’avait aucun diplôme –, Colette ne fut jamais là où on l’attendait et emmena la littérature là où personne d’autre n’avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d’être à la fois lue dans les écoles et d’avoir conçu une œuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd’hui, c’est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n’a pas pris une ride.
Professeur de littérature française à la Sorbonne, à l'université Columbia de New York et au Collège de France
Né le 20 juillet 1950 à Bruxelles, dans une famille de six enfants. Son père, le général Jean Compagnon fait la guerre de 1940 puis les guerres d’Indochine et d’Algérie. Orphelin de mère à quatorze ans, il passe son enfance à Londres, Tunis, Washington et fait sa classe de rhétorique dans un lycée militaire de la Sarthe.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique, ingénieur des ponts et chaussées et docteur ès lettres, Antoine Compagnon est maître de conférences à l'Ecole polytechnique (1978-1985), professeur à l'Institut français du Royaume-Uni à Londres (1980-1981), à l'université Columbia à New York depuis 1985, à l'université du Mans (1989-1990) et à l'université Paris 4 (1994-2006). Il est également membre du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) de 2002 à 2007 et de la Commission Pochard sur la revalorisation du métier d'enseignant (2007).
Professeur de littérature française au Collège de France depuis 2006, il est membre, entre autres, du comité de rédaction des revues telles que Critique, The Romanic Review, Bulletin de la Société des amis de Montaigne, The French Review, Genesis, Cambridge Studies in French, L'Année Baudelaire, Revue d'histoire littéraire de la France, Les Cahiers du judaïsme. Spécialiste de Montaigne et de Proust, il écrit de nombreux ouvrages sur la littérature.
En 2012, il reçoit le titre de Professeur Honoris causa d'HEC : « La littérature, ça paye ».
Antoine Compagnon est chevalier de la Légion d'honneur et commandeur des Palmes académiques.
Ce petit livre, comme tous ceux de cette collection, reprend la série de brèves émissions estivales consacrées chaque année sur France Inter à un auteur différent. Antoine Compagnon s’est chargé l’été dernier de Colette, après Montaigne, Baudelaire et Pascal. J’avais entendu certaines de ces chroniques et j’ai l’impression qu’il a effectué un travail de réécriture assez considérable en changeant de médium : en effet, les émissions que j’ai entendues utilisaient à bon escient les archives sonores et faisaient résonner l’accent bourguignon de la romancière ; ici toutes les sources sont écrites et Compagnon a certainement modifié ses commentaires : par ailleurs la longueur inégale des chapitres suggère elle aussi ce travail de réécriture, là où la chronique radio est davantage normée par les nécessités de l’antenne. C’est un ouvrage utile, ne serait-ce que pour tous les professeurs de français qui feront passer le baccalauréat au cours des quatre prochaines années sur « Sido » et « Les Vrilles de la vigne » et qui ne sont peut-être pas tout à fait au point sur Colette (c'est mon cas). La perspective est souvent biographique, mais ce n’est pas forcément impertinent s’agissant d’une autrice en qui l’on peut voir l’une des premières voix, historiquement parlant, de l’autofiction, à égalité avec Proust, son contemporain quasi parfait. Compagnon postule, dans son premier chapitre, que Colette est une grande écrivaine car son style est intervenu sur la langue, et qu’elle a créé quelques personnages mythiques : or ces personnages sont, pour Compagnon, Gigi (une pure fiction), Claudine (un double transparent), Colette elle-même en tant que personnage et sa mère Sido ; des personnes réelles au départ mais mythifiées ; Compagnon montre à quel point Colette, quand elle tire argument des lettres de sa mère, les réécrit parfois profondément. Dès lors il n’est pas anecdotique d’observer le terreau autobiographique dont se nourrit l’écriture de Colette, d’autant que sa situation dans ce que les sociologues appellent le champ littéraire est tout à fait singulière : de son premier mari Willy, qui l’exploita, elle a retenu un solide sens de la réclame, qui l’a conduite à utiliser son nom dans des contrats publicitaires — nul doute qu’aujourd’hui elle se serait débrouillée pour devenir l’égérie de telle ou telle marque de luxe — et qui informe aussi sa carrière de mime et d’actrice, qui fit sa première légende parisienne et sulfureuse, avant qu’elle ne se transforme progressivement, entre les deux guerres, en vieille dame porteuse d’un savoir rustique, en nouvelle incarnation, finalement, de Sido. D’un Antoine Compagnon on attend, bien sûr, autre chose que de simples informations, et même que la finesse avec laquelle il fait dialoguer la vie et l’œuvre (ce parcours thématique se débrouille tout de même pour commencer par l’incipit de « Claudine à l’école », le premier livre, et se terminer par l’explicit du « Fanal bleu », le dernier). Même si la part proprement critique n’est pas très développée, il met tout de même le doigt sur l’économie de moyens de Colette et son rejet de la « littérature » comme bavardage, qui la conduit vers la forme courte et, même lorsqu’il s’agit de romans à proprement parler, à la brièveté de « Chéri » ou du « Blé en herbe », et rappelle l’influence qu’elle a pu avoir sur Simenon. Si l’on ne songe guère à associer ces deux noms c’est en raison de la richesse du lexique de l’autrice des « Vrilles de la vigne », là où le père de Maigret rognera jusqu’à l’os. C’est le deuxième grand trait de Colette styliste : l’extrême précision des sensations, inséparable de l’attention qu’elle porte à la nature, qu’il s’agisse des plantes ou, de façon fameuse, des bêtes (les « Dialogues de bêtes », très anthropomorphiques, étant finalement anodins par rapport à toutes les descriptions minutieuses du comportement des animaux qui parsèment ses livres). Enfin, il lui attribue une place dans la littérature française, dans « l’immense génération des classiques modernes de la littérature française » nés aux alentours de 1870, à égalité avec Proust (même si l’on sait que pour Compagnon celui-là est encore à part), Gide, Valéry, Péguy et Claudel. Une place qui est encore à affirmer aujourd’hui, où l’on voit en elle trop souvent une écrivaine qui se concentre sur les petites fleurs, une mièvre romancière publiée en éditions illustrées, une source d’innombrables dictées.
Ci si può innamorare ancora di qualcuno che già si ama alla follia? Evidentemente sì! Un opera meravigliosa, sicuramente la miglior biografia di Colette che mi sia mai capitata per le mani.
De Colette, je connaissais son amour pour les animaux et les frasques de Claudine. Je ne savais pas qu'elle avait exercé tant de métiers, fait du cinéma, écrit pour la publicité, eut autant de chattes que de maris (3 chacun), déménagé autant dans Paris, créé une marque de cosmétiques... un complet hommage, fait de courts chapitres, qu'on peut lire en picorant.
La réputation des ouvrages "un été avec..." n'est plus à faire... mais cette fois j'avais ouvert ce livre avec un peu d'appréhension, car Colette est, des auteurs couverts par la série, celui/celle que je connais le mieux, du moins, le moins mal... qu'allais-je apprendre ? Alors oui j'ai trouvé les chapitres (qui mêlent habilement ordre chronologique et approches thématiques) un peu courts et légers. Cependant tout de même, des nouveautés : l'idée que Colette n'aimait pas également les hommes et les femmes, mais que les femmes étaient un refuge, contre des hommes "souvent méchants" ; la genèse de "l'enfant et les sortilèges", une oeuvre charmante dont ceux qui écrivent sur Colette (à commencer par Colette elle-même) nous parlent peu. Cette réalité surtout, à laquelle on ne pense pas, que Colette fait partie d'une génération de "classiques modernes", avec Gide, Proust, Claudel, Valéry, et Péguy (ces 6 là sont nés dans un laps de temps de 5 ans), mais à laquelle, singulière et femme, et non bachelière, on ne la rattache pas. La découverte enfin de textes inconnus, comme "Gribiche" ou "Bella-Vista" que je vais m'empresser d'aller voir. Merci cher Antoine Compagnon !!
Une bonne introduction à Colette, l'écrivaine tout comme la personne. Je trouve particulièrement intéressant de situer concrètement Colette dans l'histoire de la littérature française : un des écrivains les plus importants de la France, l'une des personnes fondatrices du genre de l'auto-fiction (selon l'auteur) et un style littéraire novateur.
Toujours contente de voir une autrice de ma région, qui a immortalisé Saint-Sauveur et que ma grand-mère a étudié à l'école, être autant reconnue, analysée, et ajoutée aux programmes scolaires, au beau milieu de tous ces habituels hommes et parisiens.
Maintenant, il y avait du bon et du moins bon chez Colette... 3,5/5.
Je n'habite pas trop loin de Saint Sauveur en Puisaye et à part La maison de Claudine, que j'ai lu et adoré il y a longtemps, plus quelques vagues souvenirs de dictées scolaires... eh bien, je ne connais pas grand-chose de Colette, juste de vagues notions et une série regardée il y a longtemps. Bref, honte à moi, je viens de commencer remédier à ce déficit littéraire grâce à Antoine Compagnon. Bonne introduction, je pense, je suis satisfaite. Du coup, vais-je aller visiter la maison cet après-midi ou pas ?... 🤔
Un livre plein de détails savoureux écrit avec fluidité. J'ai grapille ces courts chapitres, qui m'ont permis de découvrir Colette écrivaine que je connaissais sans connaître.
Intéressant, le rythme est stable, les thèmes abordés font sens. Le style est un peu pédant par moments ceci dit, et ça manque d'explications et de clarté par endroits.