Agir sur le langage pour agir sur le monde : tel est le programme des mouvements sociaux qui s’engagent dans la lutte pour la signification. Le féminisme a de longue date pris à bras le corps cette question de la langue, et pour cause : le langage est un des lieux majeurs de notre catégorisation du monde. Il s’agit de contester la mainmise du masculin sur l’humanité, de pouvoir s’énoncer, de participer au sens du monde à part pleine et entière. C’est dans cette urgence politique et sémantique à exister en tant que sujet que des féministes se sont mises à « bousculer la grammaire ». Loin des arguments hygiénistes ou corsetés sur la langue se déploie une politique du sens, qui invite à la prolifération des discours. Une politique du sens qui incite à s’installer en langue et à tenir.
Un excellent livre de l'excellente chercheuse en linguistique Julie Abbou, qui d'une main de maîtresse absolument drolissime et fraîche propose de penser les pratiques féministes du langage bien au delà de l'écriture inclusive, arnaque du 21e siècle. Elle revient sur la genèse même du genre en grammaire et d'un point de vue social, en passant par d'autres langues que la notre. Elle expose aussi les différentes stratégies féministes venant "bousculer" le langage, toujours dans la joie (elle le dit et le redit, et ça semble si important!), tant à l'écrit qu'à l'oral, dans les institutions et dans la subversion la plus politique. La dernière partie propose de revenir sur l'écriture inclusive, qu'elle replace politiquement et socialement, et globalement qu'elle défonce allègrement. Bref, c'est excellent, peut-être un poil complexe pour des non-linguistes, mais le ton léger et les exemples nombreux permettent de comprendre la pensée affûtée et puissante de l'autrice.
un essai super éclairant sur les question de genre dans le langage (notamment sur la langue française) julie abbou réfléchit à "comment agir sur le langage pour agir sur le monde", en traçant une généalogie sociolinguistique de la lutte féministe elle y développe une critique intersectionnelle et anti-institutions qui pose la question de réformer la grammaire ou non, à des fins d'inclusion/d'émancipation propos clair, mais synthèse globale à préciser à l'aide de la bibliographie mentionnée à la fin de l'ouvrage (en particulier sur la domination coloniale exercée par la langue)
J’ai beaucoup aimé la première partie, intéressante et multipliant les perspectives originales, mais la deuxième partie était un vrai pensum - de longs chapitres jargonnants, peu clairs, ivres de leur propre verbosité abstraite. Dommage.