Engagés, les livres et la presse jeunesse le sont tous, sans exception. Seuls certains sont militants. Tous proposent des représentations et des points de vue qui, à des niveaux divers d’intention, de conscience et d’intensité, sont empreints des substrats affectifs, idéologiques et esthétiques de celles et ceux qui les créent, de leurs univers matriciels. Ce qui en fait des objets culturels éminemment politiques rarement considérés comme tels. Le présent essai souhaite d’une part, mettre en lumière les formes anciennes et nouvelles de la mise en scène normative qui innerve l’offre de lecture adressée aux enfants depuis plus de deux siècles, en soulignant des errances, des avancées, les évitements persistants, la créativité et la fécondité de ce champ culturel qui est aussi un marché. Il souligne d’autre part l’importance déterminante des conditions de la réception de l’offre par ses destinataires et le rôle fondamental à venir de lieux et de dispositifs de qualification du jeune lectorat, alors que le monde peine à rendre son avenir désirable. Il espère lever des lièvres et susciter des curiosités et des appétits nouveaux en proposant des lectures critiques, ainsi que des lectures actualisées, historiquement hérétiques, de publications parfois anciennes, provisoirement décontextualisées et confrontées à une interprétation d’aujourd’hui, propre à montrer tant les lignes de force, les subtilités, le charme et l’efficience pérenne d’une production du passé que l’apport du mouvement des idées. Pointant les grands évitements thématiques de l’offre à propos du corps, de la famille, de la sexualité, du genre, de l’économie, d’une écologie radicale, de la violence, de l’alimentation… et du politique – ce Grand Méchant Mot –, il défend enfin une politique de la lecture d’un genre nouveau, ouvrant sur une lecture littéraire du monde à envergure sociale et sur de possibles utopies concrètes puisque, comme l’écrit Gaston Bachelard : « On ne veut bien que ce qu’on imagine richement, ce qu’on couvre de beautés projetées. »
j'ai mis un bon temps à le lire, car c'est finalement une sacrée somme ! c'est absolument passionnant (en tout cas ça touche fortement à ce qui me passionne), très bien organisé, écrit avec un sens du rythme et de la formule qui fait honneur au livre jeune. on ne peut clairement pas reprocher à Bruel de ne pas savoir de quoi il parle, et la visite guidée dans un monde connu, maîtrisé, compris, respecté, fait des étincelles. certains choix m'ont surpris (rapprocher les censures d'extrême droite et les critiques d'extrême gauche, même si je suis d'accord sur le fond ; citer ses propres livres en exemple sans préciser dans la description qu'on les a écrits soi-même ; par exemple), mais je n'ai pas décroché ; même si ce n'est pas un livre qu'on traverse de bout en bout en retenant son souffle, j'y suis toujours revenu avec autant de plaisir. ce qu'il lui manque vraiment pour une lecture et une compréhension parfaites, c'est l'image ; j'ai envie d'imprimer la couverture de tous les livres cités et de les insérer en papillons au fil des pages ; dans un monde idéal, c'est un livre à lire assis par terre au rayon album de la BNF.